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samedi 14 juin 2014
Ali Nejati du Syndicat des travailleurs de l’industrie sucrière d’Haft Tapeh, en Iran, a connu la prison sous Ahmadinejad et ne voit pas d’amélioration avec l’arrivée à la présidence d’Hassan Rohani.
“La mobilisation internationale m’a redonné un formidable espoir”
Ali Nejati du Syndicat des travailleurs de l’industrie sucrière d’Haft Tapeh, en Iran, a connu la prison sous Ahmadinejad et ne voit pas d’amélioration avec l’arrivée à la présidence d’Hassan Rohani.
Par Didier Blain, le 13/06/2014
Édifiante ! L’histoire d’Ali Nejati1du syndicat des ouvriers de la sucrerie d’Haft Tapeh (au Sud de l’Iran) en dit long sur les méthodes antisyndicales des autorités politiques iraniennes. En 2007, la sucrerie connaît de petits mouvements de grève. Les 4 000 salariés contestent le retard de plusieurs mois dans le paiement de leurs salaires. L’année suivante, ils entament une grève de cinquante-deux jours qui va remettre beaucoup de choses en cause. Au cours de cette grève, ils recréent un syndicat interdit trente ans auparavant, à l’arrivée de l’ayatollah Khomeini. Un groupe de neuf personnes, dont Ali Nejati, est élu à la tête de l’organisation.
Hausse de 20% des salaires des ouvriers
Les raisons de la grogne, cette fois, dépasse les seuls retards de paiement. L’entreprise compte beaucoup de précaires, des CDD et surtout, la loi impose un mode de représentation dans lequel les salariés ne se reconnaissent pas du tout : le conseil islamique du travail. Celui-ci est censé défendre les intérêts des salariés mais aussi de la direction. « C’est en fait une organisation étatique », constate Ali Nejati. Au cours des négociations, la direction se défend : l’usine ne gagnerait pas assez d’argent. Un argument inacceptable pour les ouvriers. Après cinquante-deux jours de grève, la direction lâche. Le syndicat obtient le paiement des salaires en retard de l’année passée, une augmentation de l’allocation logement des ouvriers mariés, de la prime de transport et de repas, et une hausse de 20% du salaire moyen qui passe ainsi à près de 200 € mensuel ! De plus, 150 des 800 contractuels voient leur contrat commuter en CDI, et les autres obtiendront le leur l’année suivante.
Quatre ans sans ressources
La saveur de la victoire est de courte durée pour Ali Nejati et les milliers de salariés qui le suivent. Trois mois plus tard, il est arrêté pour formation illégale de syndicat et propagande contre le système islamique. Six autres syndicalistes sont interpellés et relâchés après quatre jours. Ali, lui, reste trente-cinq jours emprisonné au ministère du Renseignement, où les conditions de détention sont particulièrement difficiles. « J’étais envahi par des idées noires, coupé du monde, jusqu’au moment où ma femme a obtenu un droit de visite et m’a parlé de la mobilisation locale et internationale pour me faire libérer, raconte Ali, cela m’a redonné un formidable espoir. » Remis en liberté sous caution – 30 000 €, fruit de la solidarité syndicale, familiale et de la mise en gage de sa maison –, Ali est licencié de son entreprise. Il n’a plus de ressources, d’autant que sa femme est également licenciée. Pendant quatre ans, il vivra de la solidarité syndicale.
Des problèmes cardiaques
Ses démêlés avec le régime ne prennent pas fin pour autant. Une semaine après sa libération, un tribunal révolutionnaire s’empare de l’affaire avec les mêmes chefs d’inculpation ! En octobre 2011, il est à nouveau condamné. Il écope d’un an de prison. De plus, Ali souffre de sérieux problèmes cardiaques. Il est opéré au bout de six mois puis transféré dans une autre prison pour raisons sanitaires. Une fois libéré, il est mis à la retraite avec 150 euros par mois. Entre temps, sept dégraissages successifs ont réduit les effectifs de la sucrerie à 2 000 ouvriers.
Arrêté à la frontière
En 2013, l’élection d’Hassan Rohani à la présidence de la République à la suite du très liberticide Mahmoud Ahmadinejad suscite un véritable espoir chez les syndicalistes. Ces derniers déchantent très vite. « Rien n’a changé : l’inflation, le chômage, les licenciements, les salaires non payés, tout continue comme avant », constate Ali. « Derrière le discours sur l’ouverture diplomatique, à l’extérieur et l’espoir d’un gouvernement raisonné et expert, à l’intérieur, la société est vraiment bloquée et toujours dirigée par des incompétents. Le président Rohani prétend que les syndicats sont libres mais le 1er mai dernier, les manifestations ont été dispersées par les forces de l’ordre » observe Ali. Et d’ailleurs, Razavi Davood du syndicat des transports Vahed qui devait accompagner Ali Nejati dans son périple en France a été arrêté à la frontière probablement en raison de la participation de son organisation à ces manifestations.
dblain@cfdt.fr
1. Ali Nejati est venu en France le 26 mai à l’invitation du collectif syndical de soutien aux travailleurs militants iraniens.
Ce collectif est composé de la CFDT, la CGT, la FSU, l’Unsa et de Solidaires.
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