Le Printemps des quais ou l'histoire en BD d'un film marseillais longtemps interdit
Sur la couverture, Paul Carpita, ou plutôt son double dessiné par Olivier Thomas, regarde fièrement le lecteur, caméra posée sur l'épaule et derrière lui une foule qui l'admire et l'entoure. En fond, le port de Marseille, cadre géographique et politique du Rendez-vous des quais, film signé par Carpita et oeuvre collective dont le destin funeste a valu à l'instituteur et cinéaste une célébrité tardive et méritée. En effet, ce film réalisé pendant la grande grève des dockers dans les années 50 est un cas unique dans l'histoire du cinéma : outre qu'il mêle des images documentaires et des scènes de fiction, ce film a été interdit et ses bobines saisies dès ses premières diffusions.
Pour les censeurs, les scènes parfois réelles d'opposition entre dockers et CRS sur les quais du port constituent "une menace pour l'ordre public". "Il faut se souvenir que Marseille est à la fois la tête de pont du plan marshall en Europe et l'endroit où les troupes embarquent pour aller combattre notamment en Indochine", note Pascal Génot sur notre plateau. Le film subit une "interdiction totale" en 1955. Il restera dans les oubliettes du cinéma et de la République pendant 35 ans. "Cas de censure rarissime, même à l'époque".
Du film à l'homme
Déjà à l'oeuvre dans la réalisation de la trilogie Sans Pitié (Emmanuel Proust éditions), Bruno Pradelle, Pascal Génot et Olivier Thomas ont reformé leur trio pour raconter avec précision et tendresse l'histoire de cet homme, de ce film et de cette foule d'ouvriers, d'artisans, d'instituteurs qui ont rendu l'aventure possible. "Au départ, nous avions l'intention de proposer une adaptation du film en BD, raconte Pascal Génot, coscénariste. Mais les éditeurs que nous avions contactés doutaient un peu de l'intérêt de la chose puisque le film existait".
En revanche, la rencontre avec Paul et Maguy Carpita s'avère décisive. "En sortant de chez eux, on s'est dit que c'était leur histoire qu'il fallait raconter", reprend Pascal Génot. A l'époque, en 2008, Le couple de cinéastes est en retraite depuis peu dans leur maison de Château-Gombert. Ils ouvrent leurs mémoires et leurs archives et donnent le point de départ de cette aventure éditoriale. Suivant la démarche de Paul Carpita, les auteurs ont pris soin d'être les plus fidèles possibles à la reconstitution historique en mêlant çà et là des éléments fictionnels souvent tirés des films de Carpita lui-même.
Le Printemps des quais est constamment inspiré par ce lien de respect et d'admiration envers Carpita lui-même et son engagement tant artistique que militant. On trouve ce même souci du respect dans la parfaite reconstitution historique du Marseille des années 50 sous le pinceau d'Olivier Thomas. L'album offre un cahier documentaire qui permet de mieux comprendre cette histoire singulière du cinéma marseillais.
Le printemps des quais, éditions Quadrants par Pascal Génot, Bruno Pradelle et Olivier Thomas.
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