mercredi 8 février 2017

Manque de volonté politique claire et durable, objectifs inadaptés, outils inadéquats, partage peu pertinent des responsabilités, mauvaise préparation en amont... Le rapport public annuel de la Cour des comptes souligne les nombreuses insuffisances des acteurs publics dans le pilotage des politiques et la modernisation des services. Pour remédier à ces lacunes, rencontrées dans de trop multiples domaines, les magistrats plaident à nouveau pour une culture des résultats et de l'évaluation

La Cour des comptes cible les freins à la modernisation du service public

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Manque de volonté politique claire et durable, objectifs inadaptés, outils inadéquats, partage peu pertinent des responsabilités, mauvaise préparation en amont... Le rapport public annuel de la Cour des comptes souligne les nombreuses insuffisances des acteurs publics dans le pilotage des politiques et la modernisation des services. Pour remédier à ces lacunes, rencontrées dans de trop multiples domaines, les magistrats plaident à nouveau pour une culture des résultats et de l'évaluation.
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Rapport 2017 de la Cour des comptes : des politiques publiques insuffisamment pilotées
 

Chiffres-clés

  • 72 % des recommandations de la Cour des comptes ont été partiellement ou totalement mises en œuvre en 2016 (Vs 70 % en 2014 et 2015).
« L’objectif de réduction de déficit de 2017 sera très difficile à atteindre [...] et appellera des efforts supplémentaires en matière de dépenses publiques », met en garde d’entrée de jeu Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, comme pour souligner l’impérieuse nécessité d’améliorer la gestion de l’action publique à tous les niveaux.
D’autant que « la remontée des taux d’intérêts qui est en train de se concrétiser », l’évolution à la hausse de la contribution de la France au budget européen et les dépenses liées à la sécurité intérieure et extérieure devraient compliquer la tâche du gouvernement pour atteindre l’objectif de déficit public de 2,7 % du PIB en 2017 (contre 3,3 % en 2016, 3,5 % en 2015 et 4,8 % en 2012).
« Au-delà de 2017, le rétablissement programmé des finances publiques demandera des efforts d’une ampleur inédite sur les dépenses », note également la Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2017. Des prévisions de nature à inquiéter les collectivités locales qui ont déjà subi quatre années de baisse des dotations de l’Etat.

De multiples freins à l’optimisation

Des efforts de gestion sont donc à mener ou à amplifier à tous les niveaux des pouvoirs publics. Ce qui est loin d’être le cas, selon les magistrats financiers, qui identifient cinq obstacles récurrents à l’optimisation de l’action publique.
Le rapport cible d’abord la mauvaise adaptation des missions et des objectifs prioritaires assignés aux administrations. C’est notamment le cas pour l’accueil des gens du voyage, l’action sociale du ministère de l’Intérieur ou encore la gestion du Muséum national d’histoire naturelle.
Il est ensuite question du manque de clarté et de pertinence du partage des compétences et des tâches, notamment entre les services de l’Etat et les collectivités locales. La gestion du stationnement urbain, le traitement des déchets franciliens et le réseau des chambres d’agriculture illustrent cette défaillance à laquelle s’ajoute le choix d’instruments inadéquats par rapport aux objectifs fixés, à l’instar de l’usine de méthanisation des déchets Ametyst construite par la communauté d’agglomération de Montpellier.
La préparation insuffisante est également épinglée dans de nombreux domaines comme, par exemple, la création de France Business School en 2012 ou la gestion de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes.

L’absence de cap et de courage politique durable

Enfin, le principal obstacle à la bonne gestion publique reste, selon Didier Migaud, « le défaut de volonté politique clairement exprimée et durable, pourtant nécessaire pour surmonter les résistances au changement et conduire les réformes jusqu’à leur terme. » L’exemple le plus frappant est le fiasco de l’écotaxe poids lourds, qualifié de « gâchis » et « d’échec stratégique et coûteux » qui laisse au contribuable une facture de plus d’un milliard d’euros et un montant non compensé pour les collectivités de l’ordre de 160 millions d’euros.
D’autres illustrations « témoignent de l’immobilisme ou du retard avec lequel certains organismes font face à des des difficultés de gestion pourtant évidentes » à l’instar de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse ou de l’Office nationale de l’eau et des milieux aquatiques.

Un plaidoyer pour l’évaluation et le pilotage aux résultats

A l’opposé de ces trop nombreuses « dérives », la Cour des comptes promeut une série de bonnes pratiques qui sonnent comme des évidences mais qui sont encore trop souvent ignorées. « La qualité de la préparation d’une réforme est cruciale » : il est ainsi recommandé de mettre l’accent sur la préparation d’un projet ou d’une réforme, sur l’évaluation de l’efficacité des dispositifs existants et sur le pilotage en fonction des résultats et de l’impact des politiques publiques mises en œuvre. S’y ajoute la nécessité de définir une stratégie commune et connue de tous les acteurs assortie de priorités d’action et d’un partage clair des missions.
En résumé, Didier Migaud appelle les responsables politiques, à tous les niveaux, « à fonder les décisions sur la mesure des résultats des politiques publiques plutôt que sur le souci d’annoncer systématiquement des mesures nouvelles ».
Focus

Levallois-Perret : la gestion opaque critiquée

La gestion de la ville de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine, 66 000 hab.), dirigée par le député-maire (LR) Patrick Balkany de 1983 à 1995 et depuis 2001, « repose sur une multiplicité de satellites sous la forme de SEM ou d’associations subventionnées et contrôlées par la commune ». Le résultat, selon les magistrats financiers, qui avaient déjà épinglée la commune en 2009, est un système « opaque » et « imbriqué » qui fait peser d’importants risques financiers et comptables sur la collectivité « dont l’endettement est déjà quatre fois supérieur à la moyenne des villes comparables ».
La Cour des comptes recommande de mettre fin à ce « démembrement excessif » des services par le biais de services parapublics qui doivent être réintégrés dans la gestion municipale pour permettre une image fidèle et consolidée de leur gestion financière. Elle invite également les services de l’Etat à renforcer leur contrôle budgétaire et de légalité sur les actes de Levallois-Perret.

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