mercredi 8 février 2017

Tarifs peu dissuasifs, contrôle insuffisant, répartition peu pertinente des compétences... Dans son rapport annuel paru le 8 février, la Cour des comptes juge inefficace la gestion du stationnement payant sur voirie. La réforme de décentralisation, qui entre en vigueur le 1er janvier 2018 devrait apporter un nouveau souffle... à condition que les collectivités s'y préparent vraiment.

Stationnement : il est temps de changer de braquet, selon la Cour des comptes

Par • Club : Club Techni.Cités, Club Prévention-Sécurité

Flickr - Michaël Balon
Tarifs peu dissuasifs, contrôle insuffisant, répartition peu pertinente des compétences... Dans son rapport annuel paru le 8 février, la Cour des comptes juge inefficace la gestion du stationnement payant sur voirie. La réforme de décentralisation, qui entre en vigueur le 1er janvier 2018 devrait apporter un nouveau souffle... à condition que les collectivités s'y préparent vraiment.

Rapport 2017 de la Cour des comptes : des politiques publiques insuffisamment pilotées

C’est un constat sans appel qu’à fait le Cour des comptes, dans son rapport annuel. Celle-ci incite à la réforme du système actuel en matière de gestion du stationnement de surface, jugé trop peu efficace. Un avis qui tombe à pic, puisque les collectivités doivent d’ici le 1er janvier 2018 s’emparer de cette gestion.
Pour dresser son bilan annuel, la Rue Cambon s’est appuyée sur les études de dix Chambres régionales des comptes, portant sur 45 collectivités regroupant 8,8 millions d’habitants. Soit plus du tiers de la population des communes qui ont du stationnement payant (au nombre de 781). Des auditions ont aussi été menées.

Voiture « ventouses »

Premier constat formulé par la Cour des comptes : le parc automobile n’a cessé de croître, ce qui conduit à une hausse des besoins de places de parking. Sachant qu’une voiture est immobile pendant 95 % du temps et occupe 10 m2 sur la voie publique… Résultat : dans les quartiers résidentiels, « une partie de la voie publique tend à être occupée en permanence par les véhicules » qui stationnent. Dans les grandes villes, entre 5 et 10 % de la circulation est due à des voitures qui cherchent une place… Or l’avenir – covoiturage, autopartage, navette autonome – va pousser les collectivités à libérer de la voirie pour ces nouveaux usages.

Tarifs trop bas ?

En moyenne, le tarif horaire dans les villes de plus de 100 000 habitants est à 1,75 euro. Dans les villes de 20 000 à 100 000 habitants, il a baissé, de 0,90 en 2012 à 0,80 euro en 2015. « Or, dans un contexte de réduction des concours financiers de l’Etat, les droits de stationnement peuvent constituer une ressource d’appoint », explique le rapport. Des tarifs trop bas, qui ne remplissent pas suffisamment les caisses des communes et qui ne sont pas assez dissuasifs pour assurer les rotations de véhicules ? C’est ce que l’on peut lire entre les lignes.

Parcs sous-occupés

La Cour note aussi que les tarifs n’incitent pas assez les usagers à se garer dans les parcs en ouvrage. Les tarifs pour résidents sont souvent nettement inférieurs à ceux proposés dans les parkings : c’est le cas à Levallois-Perret et à Evreux. Conséquence : les parcs de stationnement, qui coûtent entre 3000 euros HT et 18 000 euros HT par place, sont souvent sous-occupés. Selon le Cerema, la moitié des parcs de stationnement publics n’est que rarement ou jamais saturée et accueille moins d’un client par place et par jour.

PDU pas assez prescriptifs

De plus, dans les grandes agglomérations, le stationnement étant lié aux déplacements, sa gestion requiert, selon la Rue Cambon, une approche intercommunale. Aussi la Cour recommande-t-elle que les plans de déplacements urbains (PDU) gérés par les AOde mobilité soient davantage prescriptifs en matière de stationnement. Ainsi, si le PDU de Toulouse Métropole définit des objectifs généraux, il ne précise pas les zones soumises à un stationnement réglementé ni la politique tarifaire. Dommage.

Peu de transfert aux EPCI

Mais la réglementation du stationnement, parce que liée au pouvoir de police du maire, reste une compétence communale. La loi Maptam du 27 janvier 2014 instituait pourtant un transfert de ce pouvoir de police vers le président de l’EPCI, compétent en matière de voirie, tout en prévoyant un droit d’opposition des maires. Or l’enquête de la Cour portant sur 45 collectivités montre que ce droit d’opposition a été effectué systématiquement et qu’aucun transfert de pouvoir de police n’a été réalisé.
Selon un sondage du ministère de l’Intérieur auprès de 59 préfectures, le transfert a été réalisé pour 333 présidents d’EPCI. Donc, dans la majorité des cas, le pouvoir de police demeure une compétence communale. Quant à la voirie, sa gestion revient de fait aux métropoles et aux communautés urbaines. Pour les CC et les CA, la compétence est optionnelle pour la voirie d’intérêt communautaire.

Contrôles insuffisants

Enfin, la Cour relève que le taux de paiement spontané est seulement de 35 % en moyenne en France – contre 80 % en Belgique, plus de 90 % en Espagne… Le taux de fraude s’élève donc à 65 % ! En cause : l’intensité des contrôles, très variable d’une année sur l’autre, comme cela été constaté à Douai, Herblay, Toulouse, Vincennes et au Havre. Une inconstance qui pourrait être liée au calendrier électoral… D’où la nécessité, pour la Cour, de transférer la compétence voirie des communes aux AO de la mobilité.
Dans ses recommandations, la Cour suggère de créer des observatoires du stationnement afin de ne plus « naviguer à vue » en la matière. Elle préconise de faire évoluer les dispositions du Code général des collectivités territoriales pour permettre un transfert des pouvoirs de police et du contrôle du stationnement vers les AO de la moblité… Une recommandation à laquelle s’oppose franchement Villes de France, dans sa réponse au rapport. « Une certaine légitimité reste encore attachée à ces pouvoirs de police et de stationnement (dont le détenteur est élu directement, contrairement à l’exécutif de l’AO), pouvoirs qui restent, à notre avis, indissociables des autres pouvoirs de police et de notre qualité d’officier de police judiciaire », explique l’association d’élus.

Espoirs placés dans la réforme

La réforme de décentralisation du stationnement en 2018 va-t-elle amorcer une nouvelle chaîne de contrôle plus efficace, et une politique tarifaire plus adaptée ? C’est bien son objectif, et le rapport de la Cour des comptes – dernière radiographie du stationnement « centralisé » – va dans le sens de cette réforme. Et la Cour de rappeler que courant 2017, les collectivités ont tout un chantier à lancer – définition des tarifs, du forfait de post-stationnement, adaptation des horodateurs… – pour être fin prêtes pour le jour J.
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