mardi 5 mai 2015

Lorsqu'une maladie provoque une reconversion professionnelle forcée, c'est le début d'un long parcours pour l'agent, avant qu'il retrouve un poste en adéquation avec ses compétences et ses problèmes de santé.

Reclassements forcés : un pari difficile

Lorsqu'une maladie provoque une reconversion professionnelle forcée, c'est le début d'un long parcours pour l'agent, avant qu'il retrouve un poste en adéquation avec ses compétences et ses problèmes de santé. Une épreuve professionnelle difficile qu'a traversée Annick. Retour sur son parcours.

Les crèches, l’aide à domicile et les services d’entretien sont les plus gros pourvoyeurs de maladies professionnelles. Annick n’échappe pas à la règle : après avoir exercé le rôle d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles pendant 27 ans, elle doit quitter son poste. Un de ses genoux la fait souffrir et l’empêche de s’accroupir. Ce geste simple du quotidien va la priver de son emploi. Après deux mois d’arrêt maladie, à son retour, l’annonce est abrupte. « J’ai appris par la responsable des affaires scolaires qu’elle ne pouvait pas me reprendre dans ses services à cause de mon genou. J’ai dû me débrouiller seule, j’ai commencé par aller voir le médecin du travail ». Ce dernier la déclare apte à travailler dans un autre service.
Reste à trouver un poste vacant. S’ensuit un rendez-vous avec la DRH, qui la met en arrêt forcé pendant presque trois mois, le temps qu’Annick rencontre un médecin-conseil extérieur qui officialisera son inaptitude à reprendre son poste au sein de la maternelle. Durant cette période, elle ne touche qu’un demi-salaire.

"Ce n’est pas évident de se retrouver à une fonction que l’on n’a pas désirée, avec comme collègue un autre agent lui aussi reclassé pour des problèmes de santé."

« Le plus difficile, raconte Annick, c’est que tout s’est passé par téléphone avec la DRH, je ne me suis pas sentie soutenue. Quand ils m’ont demandé si je savais compter et lire, j’ai d’abord ri. Mais quand ils m’ont proposé ensuite un poste aux archives des ressources humaines, j’ai perdu le sourire, je n’avais aucune envie d’un poste sans contact extérieur ».
Avant de prendre ses nouvelles fonctions, Annick suit une courte formation sur le thème de la reconversion avec un psychologue, un moment qu’elle a jugé difficile et pas vraiment utile pour aborder son nouveau poste. Si la collectivité a le devoir de chercher un poste à un grade équivalent pour son agent, aucun texte n’aborde la question de la formation ou de l’accompagnement. C’est un aspect laissé à la libre appréciation des ressources humaines.
« C’est comme si l’on était au rebut. Et puis mon DGS n’arrêtait pas de me répéter qu’il fallait que je fasse le deuil des enfants. Pourtant j’aimais mon métier, je n’ai pas choisi de le quitter. »

Trouver une solution convenable : la quadrature du cercle

Dans une situation aussi particulière que celle-ci, quand la personne est dans l’impossibilité d’exercer un métier qui lui plaisait pourtant, il est très difficile d’accepter de nouvelles tâches où l’on ne se retrouve pas. Les ressources humaines doivent alors résoudre la quadrature du cercle : trouver une place à son agent et l’aider à accepter et à intégrer ses nouvelles fonctions, sous peine de courir à l’échec et d’affronter des arrêts maladie successifs pour dépression ou d’autres motifs.
La question se pose notamment dès qu’un agent des services techniques ou des espaces verts devient inapte. Il faut alors trouver un métier qui lui convienne, varié, mobile, pour éviter de le déstabiliser en l’asseyant derrière un bureau : le type de poste qui ne court pas les rues.
Si l’agent refuse un changement d’affectation, la collectivité peut la licencier pour inaptitude physique au terme de ses droits.
Jean-Luc Julinet, médecin du travail à la ville de Poitiers, estime que le nombre de maladies professionnelles est en constante augmentation. « Les collectivités sont débordées, elles ne savent plus quoi faire de ces agents. Quand la personne qui perd son poste a la chance de travailler au sein d’une grande collectivité territoriale, elle pourra retrouver une place, même si le travail en lui-même ne lui convient pas. Mais dans une petite collectivité, comment fait-on ? ». Les cas sont rares, mais si la collectivité se trouve dans l’impossibilité de reclasser la personne ou si cette dernière refuse un changement d’affectation, elle peut la licencier pour inaptitude physique au terme de ses droits.

Quatre années de recherche

Annick, elle, passera quatre difficiles années aux archives, une période durant laquelle elle ne cesse de rechercher un poste qui corresponde à ses compétences et où elle pourrait s’épanouir. Ses efforts payent puisqu’elle décroche un poste au secteur jeunesse de la médiathèque de sa ville. Mais avec ses problèmes de genou, elle doit faire valider son intégration au sein de la médiathèque par le médecin du travail. La décision est sans appel : il y a des escaliers dans ce bâtiment, Annick n’est pas apte. C’est un nouveau coup dur, sur lequel viennent se greffer des problèmes de tendinite à cause des gestes répétitifs de l’archivage.
 À nouveau en arrêt maladie pendant cinq mois, elle fait le forcing auprès de la direction pour qu’ils l’aident à trouver un autre poste en lien avec les enfants. Presque cinq ans après avoir quitté l’école maternelle, on lui trouve finalement une place dans un des musées de la ville, au service éducatif. Son nouveau travail consiste à réaliser des animations pour les groupes scolaires et à accomplir des tâches administratives. Pour heureux qu’il soit pour l’agent, ce dénouement doit surtout à son acharnement et à la chance d’avoir trouvé un poste adéquat.

"On est en train de mettre en place tous les outils nécessaires à l’accompagnement des malades, c’est très bien, mais on oublie la prévention."

Pour le médecin du travail, Jean-Luc Julinet, la multiplication des maladies liées au travail trahit un isolement et un manque de suivi. « On rend les gens malades : les conditions se dégradent, les gens sont de plus en plus isolés à leur poste, l’organisation du travail devrait être revue. On est en train de mettre en place tous les outils nécessaires à l’accompagnement des malades, c’est très bien, mais on oublie la prévention. »
C’est donc au personnel de pallier directement ce manque en adoptant certains réflexes, comme – avant de voir sa santé se dégrader – solliciter son chef de service afin d’adapter son poste de travail, ou discuter de sa situation avec l’ACMO, l’agent chargé de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité.

"C’est encore au personnel de pallier ces manques en adoptant certains réflexes, comme solliciter l’adaptation de son poste de travail."

Enfin, la médecine professionnelle est une dernière piste pour améliorer ses conditions de travail et anticiper les problèmes de santé qui pourraient en découler. À la charge des interlocuteurs, et donc de la hiérarchie, de savoir entendre ces réclamations et d’intervenir en amont, pour éviter d’avoir à gérer une situation de crise qui prendra des mois, voire des années avant de trouver une issue convenable.

Reclassement forcé : les étapes
  • Le premier réflexe est de vérifier si le poste peut être aménagé  : le médecin du travail et un ergonome seront les plus à même de se prononcer. 
  • L’affectation de l’agent dans un autre emploi de son grade pourra également être étudiée. 
  • En cas d’impossibilité, on se dirige vers un reclassement : le comité médical, composé de médecins généralistes et spécialistes, se prononcera sur la base d’un dossier fourni par la collectivité et déclarera l’agent apte ou inapte.
Ensuite, à condition que l’agent ait sollicité son reclassement, c’est à la collectivité de trouver une solution après avis de la Commission administrative paritaire compétente. 
Si l’agent ne peut pas être reclassé immédiatement, 
  • il est maintenu en congé maladie jusqu’à ce qu’un poste se libère ou qu’il épuise ses droits. 
  • S’il n’est pas reclassé à la fin de ses droits, il passe en disponibilité d’office, où il touchera des indemnités de coordination à hauteur d’un demi-traitement. 
  • Si aucun poste n’est trouvé au bout de cette période de disponibilité, le salarié peut être radié d’office, c’est alors un licenciement pour inaptitude physique.
Les agents confrontés à cette situation relèvent tous le manque d’information et le flou qui entourent les conditions financières aux différentes étapes de leur arrêt maladie. Prendre le temps, lors d’un entretien, d’expliquer le déroulement des opérations peut aider la personne à comprendre ce qui l’attend et à lui éviter tout stress supplémentaire.

mardi 28 avril 2015

Le supplément Guide des Salaires 2015 du Journal Interco n° 222

Tous les adhérents qui recevront le Journal Interco à la fin du mois, recevront le guide des salaires 2015 comme supplément joint au Journal.
En attendant la version en ligne est accessible (aux seuls adhérents) via l'espace adhérent sur cfdt.fr

mercredi 22 avril 2015

La CFDT rappelle ses exigences à la Ministre

La première réunion du Conseil commun de la Fonction publique (CCFP) après les élections de décembre 2014 s’est tenue le mardi 14 avril en présence de  la ministre Marylise Lebranchu.
La CFDT a rappelé ses exigences et pointé les difficultés sur plusieurs dossiers en cours. 
Le dialogue social à la peine
La CFDT constate que le dialogue social ne fonctionne pas bien dans la Fonction publique. Les derniers accords signés au niveau national, les accords-cadres sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la prévention des risques psycho-sociaux, peinent à trouver une concrétisation réelle au plan local. Le dialogue doit s'engager avec les représentants du personnel en prenant en compte les réalités du terrain.
Il en va de même pour l'accord sur la sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels dont les avancées s'avèrent très inégales selon les versants, et tout particulièrement en ce qui concerne le versant hospitalier. Il faudra un engagement fort du gouvernement pour rappeler aux employeurs publics que le contrat n'est pas le mode de recrutement dans la Fonction publique.
C'est de façon générale la place des représentants du personnel et leur rôle dans le dialogue social qu'il faut réaffirmer. Solliciter leur avis sur des projets de textes réglementaires ne saurait constituer que la phase finale d'un processus de concertation voire de négociation. 
Les réformes que le gouvernement engage - réforme territoriale, réforme de l'administration territoriale de l'État - impactent l'organisation du travail et l'exercice des missions. Leur mise en œuvre ne peut se faire sans les agents, sans leurs représentants et, a fortiori, contre les agents et leurs représentants. La conduite du changement doit s’accompagner des moyens et des dispositifs nécessaires à l’expertise des projets.
La qualité du dialogue social qui doit impérativement se mettre en place est pour la CFDT un facteur clé tant de l'adhésion des agents aux réformes que de leur qualité de vie au travail et c'est une des conditions incontournables de l'amélioration de la qualité du service public.
Moderniser le dialogue social
La CFDT déplore que nous soyons très loin de ces objectifs. Qu’il s’agisse de la définition des services publics, de leur organisation, de leur implantation dans les territoires, les représentants des personnels sont tout au plus tenus informés des arbitrages du gouvernement, et s’ils sont concertés sur les conséquences en matière de ressources humaines des décisions prises, c’est bien souvent dans la précipitation.
Parce qu'aujourd'hui la CFDT considère que le dialogue social est à la peine dans la Fonction publique, qu'elle le constate au quotidien, que ses équipes dans les ministères, dans les collectivités locales et dans les établissements hospitaliers en sont les premières victimes, nous demandons instamment de remettre sur la table de la négociation les conditions d'une vraie modernisation du dialogue social dans la Fonction publique.
Le pouvoir d’achat, une priorité de la CFDT
Une négociation est en cours sur les parcours professionnels, les rémunérations et les carrières. La CFDT y prend toute sa place et y contribue largement (voir Le pouvoir d’achat, priorité de la CFDT !).
Pour autant, cette négociation en cours ne peut se substituer à la négociation salariale que nous réclamons depuis plus de cinq ans. Le point est gelé depuis juillet 2010. La CFDT a redit à la ministre que ce n'est pas là une situation tolérable et que les agents y voient, par-delà les conséquences directes sur leur rémunération, un manque de considération pour le travail qu'ils accomplissent.
L’agenda social doit être complété
À l'occasion de ce CCFP, la CFDT a également rappelé à la Ministre plusieurs chantiers restés en suspens :
  • celui de la protection sociale complémentaire. Il faut établir un bilan de l’existant, le référencement à l’État, la labélisation et le conventionnement à la Territoriale mais aussi à la situation à l’Hospitalière. La revendication de la CFDT est bien celle d'une protection sociale complémentaire pour tous les agents avec une participation de l'employeur à hauteur minimale de 50 %.
  • celui de l'action sociale dans les trois versants. La CFDT a demandé de façon urgente un débat dans le cadre de ce Conseil commun, prenant en compte la globalité du sujet y compris les incidences fiscales et sociales des prestations.
  • celui de la formation professionnelle et de la transposition dans la Fonction publique du compte personnel de formation.
Les dons de jours pour enfant gravement malade
Le Conseil commun a ensuite examiné plusieurs textes.
La CFDT a voté pour le projet de loi relatif à la modernisation de l'outre-mer mais elle a rappelé à ce propos sa demande d'une concertation sur la situation des agents ultra-marins. La Ministre s'est déclarée favorable à cette proposition sous réserve que la demande soit formulée par écrit avec clarification des sujets à aborder.
La CFDT a voté pour le projet de décret « dons de jours de congé » pour un collègue dont l’enfant est gravement malade. Elle a salué l'avancée que constituait ce texte qui transpose la loi 2014-459 pour les salariés du privé. Elle a regretté fortement qu'il n'y ait pas d'abondement de l'employeur public alors que dans  le secteur privé, employeurs et représentants syndicaux ont signé des accords  qui le prévoient. La CFDT a fait introduire dans le projet de décret le principe de l'anonymat du don. Ce texte a été approuvé par une majorité d’organisations syndicales, la CGT, FO et Solidaires s’étant toutefois abstenus. Ce décret devrait être publié d’ici quelques semaines.
C’est quoi le CCFP ?
Le Conseil commun de la Fonction publique est l’instance de dialogue social pour toute question d'ordre général commune aux trois Fonctions publiques (État, Territoriale et Hospitalière). Le Conseil commun est saisi des projets de loi ou d'ordonnance et, lorsqu'une disposition législative ou réglementaire le prévoit, de décrets communs aux trois Fonctions publiques (lire la suite…).

mardi 21 avril 2015

Exclusif : le détail de la rénovation des grilles de salaires des fonctionnaires


La rénovation des grilles indiciaires proposée par le ministère de la Fonction publique aux organisations syndicales, que s’est procurée Acteurs publics, prévoit la transformation de certaines primes en 4, 6 et 9 points d’indice, respectivement pour les fonctionnaires de catégories C, B et A. 


Quatre points d’augmentation du point d’indice pour les fonctionnaires de catégorie C, 6 points pour ceux de catégorie B et 9 points pour ceux de catégorie A. C’est ce que proposera le ministère de la Fonction publique aux organisations syndicales, mardi 21 avril, dans le cadre de la poursuite de la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations des fonctionnaires (PPCR). Ces augmentations correspondent à la transformation en points d’indice de certaines primes et indemnités.
Des chiffres détaillés dans les documents de travail que s’est procurés Acteurs publics [cliquez ici pour les consulter]. La réunion de mardi portera sur le thème : “La rénovation des grilles indiciaires types des trois versants de la fonction publique”. Le document précise : “Cette transformation d’un montant de primes en points vise à rééquilibrer la part des primes dans la rémunération globale des fonctionnaires.” Une demande forte des organisations syndicales, alors que la part de l’indemnitaire dans la rémunération globale des fonctionnaires ne cesse de croître depuis vingt ans.
Pas de sujétions particulières
“Les primes transformées en point d’indice ne devront pas correspondre à la rémunération de travaux supplémentaires effectifs ou à la compensation de sujétions spécifiques. Il devra s’agir de primes versées à l’ensemble ou à la quasi-totalité des membres d’un corps ou d’un cadre d’emplois au titre de l’exercice de leurs missions”, écrit le ministère de la Fonction publique.
Les documents détaillent ensuite les nouvelles grilles des catégories C, B et A. “La restructuration de la catégorie C comporte de réelles avancées et apporte des correctifs permettant de mieux tenir compte de la durée réelle de la carrière des agents”, souligne le ministère. Le nombre d’échelles de la catégorie C recule notamment de 4 à 3.
En relançant, début mars, la négociation dite PPCR – également baptisée “avenir de la fonction publique”, un intitulé plus attrayant –, la ministre Marylise Lebranchu avait annoncé son intention de revaloriser les rémunérations des fonctionnaires par étapes, à partir de 2016 et jusqu’en 2020 [lire notre article Une revalorisation salariale étalée jusqu’en 2020 pour les fonctionnaires ?”]. Peut-être est-ce pour dégager quelques marges de manœuvre financières que le gouvernement supprimera, à partir du 1er mai, une indemnité compensatrice de la CSG versée aux fonctionnaires depuis dix-huit ans, ce qui permettra une économie de quelque 500 millions d’euros [lire notre article “960 000 fonctionnaires concernés par la suppression de « l’indemnité CSG »”].
Le Premier ministre, Manuel Valls, aurait ainsi déclaré, lors d’une récente réunion de parlementaires socialistes, que “le gouvernement ne pourra(it) pas maintenir le gel du point jusqu’à la fin du mandat”. Mais avant 2016, il s’agira de conclure la négociation PPCR, normalement avant l’été prochain. Et dehors de la transformation d’indemnitaire en indiciaire, aucune augmentation globale du point d’indice n’est prévue.

jeudi 2 avril 2015

Entretien professionnel : moins d’1 an pour se préparer

Déjà expérimenté dans de nombreuses collectivités en remplacement de la notation chiffrée, l’entretien professionnel d’évaluation est désormais la règle dans la Territoriale. Les modalités de l’entretien ainsi que les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour l’avancement des agents ont été précisées par un décret du 16 décembre 2014.
Le système de la notation chiffrée jugé infantilisant ou « corrompu par le phénomène de l’inflation des notes » (1) est définitivement enterré.
La technique de l’évaluation déclinée sous l’appellation d’entretien professionnel et déjà généralisée dans la fonction publique de l’État, s’appliquera en 2015 à l’ensemble des fonctionnaires territoriaux sans qu’il soit besoin de délibérer.
Le décret du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux, qui en fixe les modalités, s’inspire très largement des textes qui s’appliquaient durant la phase expérimentale (2). Ce décret vient préciser les dispositions de l’article 76 de la loi du 26 janvier 1984 (3) qui posent pour principe que « l’appréciation, par l’autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l’établissement d’un compte rendu ».

Les agents concernés

L’entretien professionnel est obligatoire pour les fonctionnaires quels que soient leurs corps, cadres d’emplois ou statut particulier (art. 1er décret du 16 décembre 2014). Cette généralisation rompt avec les règles applicables durant la phase expérimentale qui excluaient différents cadres d’emplois (médecins, psychologues, biologistes, vétérinaires et pharmaciens) du dispositif (4).
Il convient également de préciser que la rédaction du décret exclut les agents non titulaires. Pour l’heure, en ce qui concerne les collectivités, la réglementation prévoit que seuls les agents en CDI font l’objet d’une évaluation au moins tous les trois ans (5).
Le décret du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux s’inspire très largement des textes qui s’appliquaient durant la phase expérimentale.
Vu le nombre important d’agents non titulaires dans la FPT et l’intérêt de l’entretien professionnel en matière de management, cette exclusion n’est pas rationnelle. Il est donc fort probable que la réglementation évolue à l’image des règles applicables aux agents non titulaires de l’État recrutés en CDI ou en CDD d’une durée supérieure à un an ; ces personnels bénéficient chaque année d’un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu (6).
Par ailleurs, le décret n’évoque pas le cas des fonctionnaires stagiaires. Ces agents font l’objet d’une évaluation avant titularisation et non pas au titre du décret du 16 décembre 2014. L’évaluation du fonctionnaire stagiaire n’est donc requise qu’au travers du rapport de stage, comme c’était déjà le cas dans le cadre expérimental (7).

Conduite et contenu

L’entretien doit être conduit, sous peine d’irrégularité de la procédure (8), par le supérieur hiérarchique direct. Ce dernier est en effet le mieux placé pour apprécier la manière de servir de l’agent et les conditions dans lesquelles il exerce ses missions.
Le fonctionnaire est convoqué par son supérieur hiérarchique direct au moins huit jours avant la date. À cette occasion, sa fiche de poste et un exemplaire de la fiche d’entretien servant de base au compte rendu doivent lui être communiqués. Le non-respect de cette procédure entache l’évaluation d’irrégularité et le tribunal administratif saisi par l’agent peut enjoindre à la collectivité de procéder à un nouvel entretien professionnel en vue de son évaluation (9).
Il n’existe pas un modèle unique de fiche d’entretien. Néanmoins, cette fiche, qui sert de fil conducteur au déroulé de l’entretien, puis de compte rendu, doit contenir les rubriques prévues à l’article 3 du décret du 16 décembre 2014 : résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs de l’année écoulée ; les objectifs assignés pour l’année à venir ; la manière de servir ; les acquis de l’expérience professionnelle ; le cas échéant, les capacités d’encadrement ; les besoins de formation ; les perspectives d’évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité.
L’agent doit être invité à formuler, au cours de cet entretien, ses observations et propositions sur l’évolution du poste et le fonctionnement du service.

L’entretien doit être conduit, sous peine d’irrégularité de la procédure, par le supérieur hiérarchique direct.

Les fiches peuvent par exemple prévoir quatre grandes parties : résultats et objectifs ; compétences (savoir-faire) et savoir être ; perspectives (souhaits de l’agent, propositions/possibilités d’évolutions) ; volet formation. Les objectifs doivent être réalistes (atteignables), rédigés de manière simple et mesurable (en termes de résultats ou changements qualitatifs ou quantitatifs par rapport à une situation de départ).

CE QU’IL FAUT FAIRE
Respecter le déroulé de l’entretien
Accueil de l’agent par le supérieur hiérarchique (rappel des objectifs de l’entretien et présentation de son déroulé).
Réalisation du bilan de l’année écoulée.
Évaluation des résultats et des compétences.
Détermination des objectifs de l’année à venir.
Perspectives d’évolution professionnelle et analyse des besoins en formation.

• L’évaluateur finalise le compte rendu en rédigeant l’appréciation générale littérale et en faisant état des points de convergence et de divergence.
• L’agent a la possibilité de formuler ses remarques sur le fond ou le déroulement de l’entretien lorsque le compte rendu lui sera notifié.

Critères d’appréciation de la valeur professionnelle

L’entretien et le compte rendu doivent permettre d’apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire. Les critères utilisés, qui doivent être fixés après avis du comité technique, portent notamment sur les résultats obtenus et la réalisation des objectifs ; les compétences professionnelles et techniques ; les qualités relationnelles ; la capacité d’encadrement ou d’expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d’un niveau supérieur. Le compte rendu, établi et signé par le supérieur hiérarchique direct, comporte aussi une appréciation générale littérale exprimant la valeur professionnelle du fonctionnaire au regard de ces critères.

L’entretien et le compte rendu doivent permettre d’apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire.

Cet exercice imposé est essentiel puisqu’il doit être pris en compte dans le déroulé de carrière. L’article 8 du décret précise ainsi que pour l’établissement du tableau d’avancement de grade (art. 79 et 80 de la loi du 26 janvier 1984) et de la liste d’aptitude (article 39 de cette même loi), il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment des comptes rendus d’entretiens professionnels et des propositions motivées formulées par le chef de service.
L’évaluation de la valeur professionnelle est aussi prise en compte en matière d’avancement d’échelon, lorsque le choix est fait de ne pas procéder aux avancements à l’ancienneté maximale (art. 78 de la loi du 26 janvier 1984). Il doit également être tenu compte de la valeur professionnelle dans le cadre de l’attribution de certaines primes (PFR, IFSE).

Voies de recours

Dans un délai maximum de quinze jours, le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui, le cas échéant, le complète par ses observations sur la conduite de l’entretien ou les différents sujets sur lesquels il a porté, le signe pour attester qu’il en a pris connaissance et le renvoie à son supérieur hiérarchique direct. Le compte rendu, complété, le cas échéant, des observations de l’agent, est ensuite visé par l’autorité territoriale puis communiqué à l’agent et versé à son dossier.
Le décret organise une procédure de révision propre à l’entretien professionnel. Le fonctionnaire peut ainsi demander à l’autorité territoriale la révision du compte rendu. La demande doit être formulée dans un délai de 15 jours francs suivant la notification du compte rendu au fonctionnaire.
L’autorité territoriale doit notifier sa réponse dans un délai de 15 jours après la demande. Dans le mois suivant la notification de la réponse de l’autorité territoriale, le fonctionnaire peut, dans un second temps, s’il n’a pas obtenu satisfaction, demander à la CAP de proposer elle-même à l’autorité territoriale la révision du compte rendu.
L’autorité territoriale examine alors cette nouvelle demande et communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l’entretien professionnel. Cette procédure interrompt le délai de recours contentieux.

CE QU’IL FAUT FAIRE
Pour réussir l’évaluation 2015 : préparer le changement toute l’année
1 – Réfléchir sur les fiches de postes, rédaction des projets de modèles de fiches d’entretien servant de base aux comptes rendus. Il est conseillé de prévoir différents modèles croisant par exemple la catégorie hiérarchique (A, B ou C) et les fonctions (encadrant ou non-encadrant).
2 – Saisir obligatoirement pour avis le comité technique sur les critères d’appréciation de la valeur professionnelle.
3 – Fixer des critères et des modèles de fiches d’entretien.
4 – Faire l’information/formation des évaluateurs sur le dispositif, la méthodologie de l’entretien, les techniques d’écoute, les erreurs à éviter (excès de complaisance ou de sévérité, termes blessants ou inappropriés…).
5 – Informer les personnels.
6 – Évaluer (respect des phases et délais prévus par la réglementation : convocation, notification du compte rendu…).
7 – Intégrer/prendre en compte l’entretien professionnel dans les processus RH : gestion des carrières (avancements…), GPEC, mobilité interne, plan de formation.
Note
(01)Didier Jean-Pierre, « L’entretien professionnel peut remplacer la notation dans la fonction publique territoriale », JCP A n° 29, 19 juillet 2010, act. 572. 
(02)Cf. O. Guillaumont, « Entretien professionnel : quelles modalités », La Lettre du cadre territorial, oct. 2010 ; « La notation est (bientôt) morte… vive l’entretien professionnel d’évaluation ! », La Lettre du cadre territorial, avril 2014
(03)Modifiées par l’article 69 II de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. 
(04)Décret n° 2010-716 du 29 juin 2010.
(05)Art. 1-3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. 
(06)Art. 3 du décret n° 2014-364 du 21 mars 2014 modifiant le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’État.
(07)Circ. min. du 6 août 2010 relative à la mise en oeuvre de l’expérimentation de l’entretien professionnel au sein des collectivités territoriales. 
(08)CE, 6 décembre 2006, n° 287453, X. 
(09)TA Strasbourg, 6 février 2014, n° 1101907, B. 

lundi 16 mars 2015

Le tribunal correctionnel d'Amiens a condamné jeudi 12 mars l'ancien maire de la ville Gilles de Robien à 10.000 euros d'amende, dont la moitié avec sursis, 12 ans après la mort d'un jeune sur un chantier d'insertion, a-t-on appris auprès de son avocat. Ce dernier, Me Hubert Delarue, a immédiatement fait appel de la décision.

Gilles de Robien, maire de 1989 à 2002, était jugé pour homicide involontaire, et, au cours du procès, le vice-procureur n’avait rien requis contre l’ancien ministre centriste, n’estimant pas qu’il y ait faute caractérisée. Il s’en était remis à l’appréciation du tribunal.
« Je sais que Gilles de Robien a été condamné, mais nous en ignorons tous les fondements car de manière tout à fait invraisemblable le jugement n’a pas été mis à disposition des parties », a regretté Me Delarue. « C’est difficile de vous parler d’un jugement qui à l’heure où je vous parle n’existe pas pour moi », a-t-il ajouté.
« J’ai dit au tribunal qu’on ne réparait pas une injustice par une autre injustice, et que si la justice avait été un peu injuste avec la famille Loubota, ce n’est pas une raison pour faire payer Gilles de Robien », a-t-il conclu.
Un dysfonctionnement, pas une faute - Le feuilleton judiciaire dure depuis la mort le 22 février 2002 du jeune Hector Loubota, 19 ans, employé en contrat emploi solidarité, tué sur le chantier de la citadelle, dans le nord d’Amiens, lorsque, sous l’effet du vent et de la pluie, un pan de mur s’était effondré, le touchant au crâne. Un procès avait déjà eu lieu en juillet 2009, lors duquel un cadre de la mairie d’Amiens avait été relaxé.

L’avocat de la partie civile, Me Benjamin Sarfati, a de son côté salué une décision « éclairée », « dût-elle mettre en cause des gens qui ont exercé des fonctions éminentes, dont la respectabilité et l’autorité ont pu à une certaine époque tétaniser les juges. Ce que retient la famille c’est que la maturité d’un système judiciaire s’apprécie avant tout dans sa capacité à se ressaisir et à corriger ses erreurs », a-t-il déclaré.
Au centre du procès de Gilles de Robien fin janvier se trouvait une lettre adressée en février 2000 à l’élu par un architecte des monuments historiques, dans laquelle celui-ci proposait l’expertise de l’état des murs de la citadelle. Aucune expertise de sécurité n’avait finalement été menée.
« Je reconnais qu’il y a eu dysfonctionnement au niveau de la mairie et pour cela je présente mes excuses en tant qu’ancien maire, pour autant je n’ai pas le sentiment d’avoir commis une faute », avait dit M. de Robien à l’audience.

mardi 10 mars 2015

Une revalorisation salariale étalée jusqu’en 2020 pour les fonctionnaires ?


Étaler la revalorisation des salaires des agents publics sur plusieurs années, allonger leurs carrières, favoriser la mobilité entre fonctions publiques. Ce sont les pistes avancées par la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, mardi 10 mars, à l’occasion d’une réunion avec les organisations syndicales. 


Revaloriser les rémunérations des fonctionnaires par étapes, à partir de 2016 et jusqu’à 2020, voire 2021. C’est le scénario qu’a évoqué la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, mardi 10 mars, à l’occasion d’un point d’étape avec les organisations syndicales organisé dans le cadre de la négociation sur les carrières, les parcours et les rémunérations (dite PPCR). “Après la revalorisation des agents de catégorie C en janvier 2014 et en janvier 2015, il nous faut aujourd’hui évoquer les agents des catégories B et A, a observé la ministre. Un fonctionnaire de catégorie A gagne seulement 1,3 fois le Smic…”
Cela concours au manque d’attractivité du secteur public. “Ce calendrier étalé ne sera certes pas un facteur d’enthousiasme pour les organisations syndicales, a reconnu Marylise Lebranchu. Mais je dois tenir compte de la trajectoire de la dépense publique retenue. Les revalorisations ont un coût. Des décisions ont été prises en début d’année en direction des gendarmes, des policiers, de la justice et des forces de l’antiterrorisme.”
Marges réduites
Par ailleurs, les moindres suppressions de postes à la défense contribuent fortement à réduire les marges de manœuvre budgétaires en direction des fonctionnaires. Les agents publics sont donc invités à patienter avec cette revalorisation menée sur plusieurs années.
Au-delà de la question des salaires, la négociation PPCR vise à revoir l’ensemble de l’architecture statutaire de la fonction publique. Marylise Lebranchu a indiqué souhaiter un allongement des carrières des agents. Aujourd’hui, un fonctionnaire atteint en vingt-cinq ou vingt-six ans le sommet de son grade – indice sommital – et ne dispose ensuite d’aucune perspective de revalorisation. Le gouvernement pourrait allonger cette durée jusqu’à trente-cinq ans.
Les personnels doivent pouvoir évoluer plus facilement, changer de trajectoire, de métier, de fonction publique. “Cet enjeu de mobilité est essentiel”, insiste Marylise Lebranchu. Pour y répondre, elle souhaite instaurer des cadres uniques d’emplois pour des métiers communs aux trois fonctions publiques : ingénieurs, bibliothécaires, agents d’accueil… Une proposition évoquée dans le rapport du conseiller d’État Bernard Pêcheur sur l’avenir de la fonction publique, remis fin 2013 au gouvernement. La ministre veut encore fusionner certains corps, “réduire le nombre de strates”, simplifier la gestion.
Et favoriser, au niveau de l’État, les allers-retours entre administrations centrale et déconcentrée. “Un petit fossé s’est creusé entre la décision en central et la manière dont cela est décliné sur le territoire, regrette Marylise Lebranchu. Ce qui conduit à certaines situations difficiles, comme par exemple ces circulaires de 80 pages que doivent traiter immédiatement les préfets…”
Le chantier de modernisation de la fonction publique se poursuit donc avec une date conclusive fixée au 2 juin. “Je suis optimiste”, affirme la ministre, en évoquant l’attitude des organisations syndicales. Pour aboutir, son projet de réforme devra obtenir l’aval de syndicats représentant au moins 50 % du corps électoral de la fonction publique. Un seuil que n’avait pas atteint le récent accord, au sujet pourtant consensuel, sur la qualité de vie au travail… “Dans la mesure où la ministre n’a fait aucune annonce chiffrée, a prévenu la CFDT Fonctions publiques, nous serons attentifs à ce que l’ensemble des agents soient gagnants”.

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