lundi 26 mai 2014

Les inquiétants effets systémiques des réformes en cours


Publié le 19/05/2014 • Mis à jour le 20/05/2014 • Par Fabienne Proux • dans : A la Une financesActu experts finances
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Forte dégradation de l’épargne et donc de l’autofinancement, baisse drastique des investissements… Banquiers et économistes en sont convaincus, les bouleversements inhérents à la réforme territoriale en cours seront beaucoup plus importants que ceux initialement pressentis.
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Les collectivités locales vont être d’autant plus impactées par la réforme en cours qu’il s’agit « d’une réforme tant de structure de l’organisation territoriale que du financement des collectivités locales », prévient Jean-Sylvain Ruggiu. « De plus, ajoute le directeur du secteur public du groupe Caisse d’Epargne BPCE, le discours se concentre désormais sur la problématique de la dépense axé sur l’objectif de réaliser 50 milliards d’économies d’ici à 2017 dont 11 milliards sur le secteur public local, soit 5 % de ses recettes ».
Cette contribution affectera inévitablement l’équilibre général des budgets des collectivités locales en impactant directement leur épargne. Alain Guengant, directeur de recherche honoraire du CNRS, annonce une dégradation colossale de l’épargne brute s’élevant à près de – 25 milliards d’euros, dont près de la moitié au niveau du bloc communal (- 13 milliards), départements et régions n’étant toutefois pas épargnés (respectivement – 8 milliards et – 4 milliards).
« Baisse de 20 % de l’investissement public » - « Cela se traduira par une réduction de 30 % de leur autofinancement en 2 ou 3 ans », prévoit Jean-Sylvain Ruggiu, « ce qui ne s’est jamais produit auparavant ». Une baisse qui « ne sera ni compensée par des hausses de fiscalité ni par des recettes supplémentaires », anticipe-t-il. Alain Guengant confirme que l’augmentation des impôts sera modeste (1,7 milliard pour le bloc communal, 500 millions pour le département et sans effet pour les régions).
Dès lors, ces divers acteurs anticipent des coupes drastiques dans les investissements sur les trois années à venir, allant de – 10 milliards d’euros pour Alain Guengant à – 11 milliards pour Jean-Sylvain Ruggiu. « Soit une baisse de 20 % de l’investissement public », précise ce dernier. Ainsi, le montant des investissements annuels réalisés par les collectivités locales se situerait entre 38 et 42 milliards contre 52 et 55 milliards au cours des 3 dernières années.
Mais Jean-Sylvain Ruggiu, à l’instar de Philippe Laurent, redoute des réductions encore plus importantes des investissements. « Faute de capacité d’autofinancement suffisante, les plus petites collectivités seront probablement contraintes d’annuler des projets financés pour moitié par autofinancement et par emprunt et qui pèseraient trop lourd dans leur budget », analyse le premier tandis que le maire de Sceaux prévoit « un coût d’arrêt » des investissements, car « il s’agit du levier le plus simple sur lequel peuvent agir les élus, il est de fait assez aisé de reporter un projet ».
Contraction des demandes de prêts en 2014 - De plus, les effets systémiques de la réforme territoriale impacteront également les investissements. A commencer par l’éventuelle suppression des départements qui ne va probablement pas inciter les conseils généraux à entreprendre des projets d’envergure. « De même, les villes et notamment les nouveaux conseils municipaux qui comptent sur les subventions départementales pour financer des projets, ne peuvent savoir s’ils en bénéficieront ou pas », poursuit Jean-Sylvain Ruggiu.
 Pour compenser la forte contraction de leur capacité d’autofinancement, Alain Guengant table sur une hausse accrue de la demande d’emprunt, qui augmenterait en cumulé de 12 milliards d’euros entre 2014 et 2017. Philippe Laurent se montre plus mesuré et ne prévoit pas de « recours aussi élevé à l’emprunt ».
Jean-Sylvain Ruggiu de son côté, s’attend à une contraction des demandes de prêts cette année. « Au début de l’année, on tablait sur 16 à 18 milliards d’euros d’emprunt en 2014, mais c’était pour un volume d’investissement de 48 à 52 milliards d’euros », indique le banquier qui pressent par conséquent un excès de liquidités sur le marché et des marges à la baisse, l’offre bancaire (4 milliards d’euros de la part de la Caisse d’épargne complétés par les 3 milliards de lignes de trésorerie) s’ajoutant aux interventions de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d’investissement.

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