Les fonctionnaires fêtent deux ans de présidence Hollande dans la rue
C'est un cadeau dont François Hollande aurait sans doute préféré se passer: les fonctionnaires fêteront jeudi 15 mai 2014 le deuxième anniversaire de son arrivée à la tête du pays en descendant dans la rue pour exprimer leur grogne sur le pouvoir d'achat.
Constatant « que le gouvernement demeure sourd à leurs exigences en matière de salaires et d’emploi public », sept syndicats (CFDT, CFTC, CGT, FA-FP, FSU, Solidaires et Unsa) ont lancé un appel commun aux plus de 5 millions d’agents pour qu’ils se mobilisent « massivement », notamment par la grève. FO les a aussi appelés de son côté à cesser le travail.
Plus de cent rassemblements et manifestations sont prévues dans 85 départements, dont une manifestation à 14H00 à Paris, depuis Denfert-Rochereau, en présence de Laurent Berger (CFDT) et Thierry Lepaon (CGT) qui défileront côte à côte. Le secrétaire général de FO Jean-Claude Mailly prendra aussi part à cette manifestation, mais à distance de ses homologues.
Les syndicats espèrent un « mouvement suivi », Laurent Escure (Unsa) pronostiquant notamment une « forte mobilisation » dans l’Education.
Pour eux, l’annonce par le gouvernement Valls du maintien du gel du point d’indice jusqu’en 2017 est « inacceptable ».
Ils pointent la dégradation du pouvoir d’achat due à l’absence de revalorisation depuis 2010 de ce point qui sert de base au calcul des salaires (hors primes et indemnités).
Mais une augmentation de 1% de sa valeur coûterait 1,8 milliard d’euros pour les trois fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière), alors que le gouvernement entend économiser 50 milliards d’ici à 2017.
Devant l’Assemblée nationale, la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu a admis la semaine dernière « un certain nombre de difficultés, en particulier concernant le pouvoir d’achat de nos fonctionnaires ».
« Pour y répondre, le choix a été fait dans une situation difficile, d’augmenter les catégories C, c’est-à-dire les moins payés d’entre eux », a-t-elle souligné. Elle a aussi réaffirmé qu’elle envisageait de demander « des gestes de solidarité à la haute fonction publique ».
Sur ce sujet « rien n’est arrêté », précise-t-on au ministère, mais « l’idée est de leur demander un geste un peu symbolique sur un an, deux ans, trois ans ».
‘Trop, c’est trop!’- Mais pour les syndicats, ces mesures relèvent du « symbole ».
Le coup de pouce pour les bas salaires « sera vite rattrapé », estime ainsi Brigitte Jumel (CFDT), tandis que Bernadette Groison (FSU) souligne auprès de l’AFP que la ponction sur les hauts salaires reste aussi « dans la symbolique ».
« Tout cela n’est pas sérieux », lance Jean-Marc Canon (CGT). Il affirme que depuis 2010, le point s’est déprécié de 6,2% par rapport à l’inflation. L’Insee qui calcule l’ensemble de la rémunération (primes comprises), note aussi une chute du pouvoir d’achat.
A l’occasion du 1er mai, M. Mailly avait indiqué que la journée de jeudi serait un bon baromètre de la grogne dans le pays, affirmant qu’outre le point, « c’est aussi la question des missions, du sens du service public ».
Sur l’emploi, les syndicats s’inquiètent des suppressions de postes destinées à compenser les créations dans les ministères « prioritaires » (Justice, Police, Education), celles-ci intervenant selon eux dans des services déjà « à l’os ».
Au final, Mme Groison dénote l’envie chez les agents de dire: « stop! Sur la fonction publique, on ne peut pas continuer comme ça ». La présence unitaire de quasiment tous les syndicats, CFDT comprise, est « un signal important », selon elle.
« J’espère que ça va être le déclic (pour le gouvernement). Parce que là, trop, c’est trop! », dit de son côté Thi-Trinh Lescure (Solidaires).
Cette mobilisation aura valeur de test à quelques jours d’une première réunion de négociation, le 19 mai, sur les parcours professionnels (carrières, grilles de rémunération, primes, etc.), des discussions qui devraient durer jusqu’en mars 2015.
« On va voir ce que le gouvernement tirera du 15 mai comme enseignement », dit ainsi Mme Jumel.
« L’ampleur de la mobilisation aura évidemment une incidence sur la suite de notre dialogue social », reconnaît-on au ministère.
La dernière mobilisation unitaire remonte au début 2013. A l’appel de trois syndicats (CGT, FSU et Solidaires), le mouvement n’avait pas fait le plein avec des taux de grévistes inférieurs à 8%. Il visait déjà à faire part de l’ »impatience » des agents sur leur pouvoir d’achat…
FOCUS
Pourquoi sont-ils mécontents, sont-ils privilégiés?
Les fonctionnaires sont appelés à « se mobiliser massivement » jeudi 15 mai 2014. Pourquoi ce corps électoral de plus de 5 millions de personnes traditionnellement favorable à la gauche est-il mécontent ? Sont-ils privilégiés, plus nombreux qu’ailleurs?
Quel est le principal motif d’insatisfaction des agents?
Les syndicats dénoncent unanimement le gel du point d’indice qui sert de base au calcul des salaires. Ce point n’a pas évolué depuis juillet 2010, les gouvernements successifs repoussant chaque année sa revalorisation. Mais cette fois, le gel est prévu jusqu’en 2017 dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros, même si le Premier ministre a concédé qu’il ferait « l’objet d’un réexamen chaque année » au regard de la croissance.
Les syndicats font valoir que le point d’indice est la seule mesure concernant tous les fonctionnaires, le reste de leur rémunération étant fondé sur des primes et indemnités, collectives ou individuelles.
Mais, selon la Cour des comptes, une augmentation de 1% de sa valeur coûterait 1,8 milliard d’euros pour les trois fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière).
Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a-t-il baissé ces dernières années?
Selon l’Insee, les agents de la fonction publique d’Etat (FPE) ont gagné en 2012 0,8% de moins qu’en 2011 en euros constants, ceux de la Territoriale 0,5% et ceux de l’Hospitalière 0,6%. L’année précédente les salaires avaient aussi chuté.
C’est lié au gel du point, à l’inflation, mais aussi à la hausse des cotisations retraites, qui doivent s’aligner sur le privé d’ici 2020.
Qu’en est-il de l’emploi?
C’est un autre motif de grogne. Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, 150.000 postes ont été supprimés, via la Révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2007, et dont la mesure phare était le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’Etat.
La gauche a mis fin à la RGPP et entend maintenir les effectifs stables au cours du quinquennat, les créations de postes dans les ministères « prioritaires » (Justice, Police, Education) devant être compensées par des suppressions ailleurs.
Mais les syndicats soulignent que ces services non prioritaires sont déjà « à l’os ».
La France est-elle sur-administrée?
Selon l’OCDE, le pays est dans la fourchette haute en matière d’emploi public avec un taux de 21,9% en 2008, supérieur à la moyenne de 15% dans 32 pays étudiés. Mais les pays nordiques (Norvège, Danemark, Suède, et Finlande) ont des taux bien supérieurs, frôlant pour certains les 30%, tandis que l’Allemagne est loin derrière avec 9,6%.
Au 31 décembre 2012, près de 5,5 millions de personnes travaillaient dans la fonction publique (Insee), un chiffre en hausse de 0,3% sur un an en raison d’une augmentation des effectifs dans la Territoriale (+1,6%) et l’Hospitalière (+0,7%) non compensée par la baisse de 1% à l’Etat.
Les fonctionnaires peuvent-ils être considérés comme privilégiés?
« Cela fait 42 ans que je travaille ici, je partirai avec une retraite de moins de 1.100 euros, suis-je vraiment une privilégiée ? »: dans un discours en septembre 2013, la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu citait cette fonctionnaire qui avait collé ce mot devant son guichet pour dénoncer le sport récurrent en France du « fonctionnaire bashing ».
Les fonctionnaires sont jugés privilégiés car ils ont la sécurité de l’emploi, mais près de 17% des effectifs sont non-titulaires.
Qu’a fait l’exécutif pour les agents depuis deux ans?
Il a changé de discours, François Hollande soulignant dès son investiture le 15 mai 2012 que « la France a la chance de disposer d’une fonction publique de grande qualité ».
Il a aussi accordé un coup de pouce aux plus mal payés, une revalorisation en deux temps (une partie déjà intervenue début 2014 et le reste au 1er janvier 2015). Selon le Premier ministre, cela représente « en moyenne 440 euros de salaire net en plus dès l’an prochain pour 1,6 million d’agents » en catégorie C et B en début de carrière.
Il a aussi supprimé la journée de carence (non indemnisée) pour les agents en arrêt maladie.
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