dimanche 18 mai 2014

Contre la chasse aux coûts , innover expérimenter pour moderniser .....

Modernisation de l’Etat : contre le cost killing, innover, expérimenter

Publié le 16/05/2014 • Par Aude Raux • dans : Dossiers d'actualitéFrance
© D.R
Le 13 mai, Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat, a donné le coup d’envoi de Re-acteur public. Initié par la 27e Région, ce programme vise à unir les efforts de l’Etat et des collectivités territoriales pour inventer une nouvelle culture de l’innovation publique, et sortir du cost killing. Interview de Christian Paul, président de la 27è Région.
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MAP : moderniser pour économiser ?
Avec Re-acteur, il s’agit, en impliquant des acteurs venus d’autres horizons que l’administration et en se basant sur le design de services, de favoriser l’innovation publique. Forte de son expérience de cinq années de terrain, la 27e Région mise ainsi sur ce projet collectif pour accélérer l’innovation à l’échelle nationale. Christian Paul, président de l’association la 27e Région en explique les enjeux à la Gazette.

Lors du lancement de Re-acteur public, Marylise Lebranchu a déclaré : « ce que j’ai appris depuis que nous travaillons ensemble, c’est qu’il faut sortir cette idée de modernisation du seul prisme de l’économie ». Est-ce l’objectif de Re-acteur public ?

Effectivement, le cost killing ne doit pas être le moteur premier, sinon, ça bloque. Re-acteur public est à la fois un programme pluri-annuel (2014-2017 doté d’un budget de 2,5 millions d’euros) et un consortium rassemblant des acteurs (Etat, collectivités territoriales) désireux d’impulser une transformation positive des services publics et de la relation au public. Il s’agit d’aller au-delà de la simple modernisation et de sortir, comme l’a précisé Marylise Lebranchu, du seul prisme de l’économie. Mais il n’est pas illégitime de poser la question du coût, dès lors que ce n’est pas la question unique. Il faut ainsi faire autrement : tester de nouvelles façons de produire des politiques publiques à la fois plus efficaces, plus productives et plus démocratiques. Dans le contexte actuel d’incertitude qui pèse sur l’avenir des services publics, nous voulons faire progresser, de façon qualitative, les services publics. L’innovation publique est d’autant plus nécessaire, aujourd’hui, pour réussir les réformes en cours.

Pourriez-vous donner des exemples de ce « faire autrement », qui peut sembler jargonneux ?

Prenons un contre-exemple : l’aide pour la complémentaire santé. De nombreuses personnes n’ont pas accès à cette aide alors qu’elles y ont droit. Tout simplement parce que la procédure pour en bénéficier est trop compliquée pour cette population vulnérable. Autres pistes : au lieu d’installer de coûteuses bornes visio guichet, pourquoi les usagers n’utiliseraient-ils pas des outils numériques existants, qui sont ergonomiques, comme des iPad ? Par ailleurs, nous avons testé un système de prêt de livres entre voisins, animé par des bibliothécaires. Ou encore une expérience de « Vis ma vie » entre un médiateur d’un Relai de service public et un agent d’accueil à la CAF.

Marylise Lebranchu a évoqué « la difficulté de faire passer l’idée de réinventer la politique publique » : comment débloquer la situation tout en respectant les fondamentaux du service au public ?

Re-acteur public est un antidote au pessimisme ambiant ! Il s’agit de veiller à une meilleure écoute des besoins, de privilégier une démarche « utilisateurs – participative ». Notre façon de procéder, basé notamment sur le design de services, est en rupture totale avec la démarche traditionnelle. Nous défendons ainsi la méthode du prototype. Nous allons labelliser et parrainer des expérimentations menées sur le terrain, et non pas hors sol, depuis Paris, par circulaires interposées adressées aux préfets.
Les acteurs, qui viendront de disciplines très diverses les unes des autres, auront pour mission de se mettre en immersion parmi les usagers des services publics et de les embarquer avec eux pour rechercher, ensemble, des solutions. Par exemple, un architecte, en résidence pendant plusieurs semaines dans un lycée, épaulé par une équipe interdisciplinaire, écoutera des lycéens lui faire des propositions d’aménagement sur son projet architectural de reconstruction de l’établissement scolaire. En résumé, l’approche est la suivante : coopération entre les acteurs (agents publics et autres) et co-conception avec les usagers des services publics.

Comment, concrètement, allez-vous mettre en oeuvre le programme Re-acteur public ?

Quatre chantiers, ouverts au public, vont être lancés. Le premier vise à booster et fédérer une communauté interdisciplinaire d’innovateurs publics chargés d’expérimenter la transformation publique. Dans cette optique, seront notamment créés des tiers-lieux neutres et des espaces de co-working spécialisés. Une mise en réseau avec des écoles de design formant à ces pratiques est également prévue. Cette communauté réunira non seulement des agents publics des collectivités territoriales et de l’Etat, mais aussi des designers, des architectes ou des sociologues. Autant d’acteurs issus d’autres horizons qui apporteront un regard nouveau ainsi que des outils et des critères différents.
Deuxième chantier : la formation initiale et continue d’agents publics à la conception créative des politiques publiques, via le CNFPT, l’Inet, l’ENA, Sciences Po, etc.
Le troisième, de l’ordre de la R&D, porte sur cette question : quelle administration voulons-nous dans 5 à 10 ans ? Il s’agit d’appliquer des méthodes de design prospectif pour repenser, par exemple, les modes d’intervention publics, le fonctionnement des instances de décision ou encore la coopération entre les territoires.
Le dernier chantier a pour objectif de constituer une collection d’ouvrages dédiée à l’innovation publique afin de diffuser les bonnes pratiques menées en France, comme à l’étranger.
FOCUS

La modernisation de l’Etat et l’innovation vues par…

Nous avons recueillis les verbatims de certains des intervenants lors de la journée de lancement du programme Re-acteur public, le 13 mai à Paris
Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’Etat et de la fonction publique :
Ce projet est très ambitieux. J’espère que nous serons, nous aussi, Re-acteur. Le pays se portera mieux. J’ai un enthousiasme sans faille ce matin !
La question n’est pas : est-il naturel pour les administrations d’innover ? C’est un problème d’organisation globale.
Au lieu d’exiger des agents publics des comptes rendus d’évaluation chiffrés, quantifiés, nous pourrions leur demander une note de trois pages présentant ce qu’ils ont réussi en termes d’innovation. Ils pourraient ainsi par exemple retranscrire que l’usager qui est arrivé désespéré au guichet s’est senti mieux après.
Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF) :
L’innovation, c’est l’aventure des temps modernes. Il s’agit, pour ces pionniers, de briser les limites dans lesquelles nous nous sommes enfermés.
Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF) :
En France, on dépense plus, mais moins bien : on a l’impression que seule la quantité d’agents publics va permettre d’améliorer la situation. Il faut se poser des questions. L’innovation passe par la décentralisation : à quand un service public régional de l’emploi ?

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