Depuis des années, certains agents
fustigent la mainmise du syndicat Force ouvrière dans la gestion des
bibliothèques. Le 14 mai, deux anciennes bibliothécaires ont obtenu l'annulation
par le tribunal administratif de la procédure de promotion d'un élu FO.
BG
D'ordinaire, les bibliothèques offrent un cadre feutré propice à la lecture
et aux études. À Marseille, ce calme apparent cache une tension permanente
entre les représentants de Force ouvrière et les agents qui dénoncent leur
mainmise sur le service. Dernier épisode en date de ce bras-de-fer au long
cours, le 14 mai, le tribunal administratif a rendu public son jugement
annulant la procédure de nomination de Patrick Casse au grade de conservateur
territorial de bibliothèque. Ou plus exactement "la décision par
laquelle le maire de la commune de Marseille a arrêté le tableau
d’avancement" à ce grade. Formellement, la promotion n'est pas encore
annulée mais l'arrêté officialisant cette promotion fait également l'objet d'un
recours encore à l'instruction.
Pour sa nomination, Patrick Casse a été choisi dans une longue liste... où
seul son nom apparaissait. Or, l'actuel directeur du département Lettres et
Arts est également le principal délégué et élu FO du service. Ses détracteurs
l'accusent de s'ériger en véritable directeur occulte de l'Alcazar, le vaisseau
amiral des bibliothèques marseillaises. Deux anciennes collègues de Patrick
Casse, qui auraient pu prétendre à cette promotion, Muriel Gallon et Elsa
Noble ont donc saisi le tribunal administratif pour dénoncer la manière dont
l'ancien directeur du département musique avait été promu à ce grade.
Présence
irrégulière du DRH de la Ville
"À l'époque, en décembre 2010, nous étions plus d'une vingtaine
d'agents au sein du service des bibliothèques à pouvoir prétendre à cette
promotion dont moi-même et ma collègue Elsa Noble, estime Muriel
Gallon. Or, la Ville avait cru bon de ne proposer que la candidature de
Patrick Casse sur la liste d'aptitude qui doit être visée pour avis par la
commission administrative paritaire, la CAP". Cette instance
consultative où siègent des représentants des salariés et des élus est
consultée pour l'ensemble des promotions internes des collectivités locales.
Dans le cas présent, c'est le collège des cadres qui était saisi pour avis. Les
propositions issues de cette CAP sont ensuite quasiment systématiquement
entérinées en l'état par le maire.
"Non seulement, monsieur Casse était le seul candidat mais il a
également siégé au cours de la CAP [comme élu FO, ndlr] qui examinait
sa promotion, reprend Muriel Gallon. Le directeur des ressources
humaines, Henri Sogliuzzo, et son adjoint étaient également présents".
Les deux plaignantes y voient un symbole de la cogestion qu'elles ont
publiquement dénoncée, notamment après la démission de Gilles Eboli ancien
directeur des bibliothèques poussé dehors par Force ouvrière. Elsa Noble s'est
même fendue d'une lettre ouverte à Patrick Mennucci durant la campagne
électorale, l'enjoignant à tenir ses promesses concernant la mise à bas de la
cogestion avec le syndicat majoritaire. La sanction des urnes ne l'a pas mis en
situation de le faire.
Les deux plaignantes espéraient également faire de cette promotion
irrégulière un symbole de discrimination syndicale mais le tribunal a rejeté
cet argument. A l'appui de sa décision, il n'a pris en compte que la seule
présence du DRH de la Ville lors de cette séance de la CAP alors qu'aucun
membre de cette commission n'ait demandé à ce qu'il y siège à titre d'expert.
Ce seul argument de droit mis en avant par le jugement incite Patrick Casse
à s'abriter derrière la faute commise par la seule administration. "Ce
n'est pas moi qui ait demandé au DRH de la Ville de siéger à cette CAP,
réplique Patrick Casse. Ce n'est pas moi non plus qui ait mis mon seul nom
sur la liste d'aptitude. Cela relève de la responsabilité de ma hiérarchie et
non de la mienne. Finalement, dans cette affaire, je suis une victime".
En défense pro domo, Patrick Casse met en avant l'augmentation des prêts
de livres et la chute de l'absentéisme dans son service.
Il a assisté
à sa propre promotion
En revanche, sur sa présence lors de l'examen de sa propre promotion, sa
défense est plus malaisée. "Si je suis resté en commission, c'est que
ce n'est pas mon cas personnel qui était examiné. En CAP, contrairement à ce
qui se passe dans d'autres collectivités, nous ne citons pas les noms des gens
concernés, sinon je serais sorti". Certes, mais Patrick Casse
reconnaît par ailleurs qu'il avait connaissance de la liste d'aptitude
puisqu'elle lui avait été "transmise une semaine avant". Il
savait donc que ce jour-là, elle ne comportait qu'un seul nom, le sien.
La Ville a quatre mois pour promouvoir un agent en respectant cette fois
fidèlement "les règles et les lois", pour reprendre la formule
tant de fois répétée par le maire. L'heureux élu pourrait être Patrick Casse.
Muriel Gallon et Elsa Noble en revanche n'ont aucune chance d'être choisie par
la commission : elles ont quitté les bibliothèques marseillaises, dégoûtées.
Ci-dessous, le jugement après requête
d'Elsa Noble.
Par Benoît Gilles, le 15 mai 2014
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