mercredi 2 octobre 2013

TRAVAIL DU DIMANCHE :LA LOI DU 13 JUILLET 1906 ET LE REPOS DU JOUR DU "SEIGNEUR"

Travail du dimanche: un cadre en "millefeuille"

publié le 30/09/2013 à 09H55 par Service juridique-CFDT





Le contentieux qui oppose actuellement les magasins de bricolage qui, contrairement à ceux de l’ameublement, ne peuvent ouvrir le dimanche que sur autorisation, a suscité des réactions politiques immédiates et en tous sens (du patronat, des députés PS…). L’occasion de faire le point sur les dérogations existantes et le tournant amorcé par la loi Maillié de 2009 qui adapte un certain nombre de dérogations au travail du dimanche.



Un débat lourd d'enjeux

Depuis la loi du 13 juillet 1906, le repos hebdomadaire doit être accordé le dimanche. Cette règle, qui figure dans le Code du travail[1], ne s’applique par définition qu’aux salariés. Or, comme on le constate actuellement à travers le contentieux opposant la société Bricorama aux enseignes concurrentes, Leroy-Merlin et Castorama[1], la possibilité d’ouvrir le dimanche, au-delà des questions de protection du droit au repos et aux loisirs, voire à la santé, des salariés[2], fait également ressortir des enjeux de concurrence au sein d’un même secteur d’activité et d’une même zone géographique. Aussi, par souci d’égalisation des conditions de concurrence, une loi du 29 décembre 1923 est-elle venue conférer au préfet le pouvoir d’ordonner la fermeture de tous les établissements d’une même zone ou d’une même profession, que ceux-ci emploient, ou non, des salariés[2]. Pourtant, les dérogations à la règle du repos dominical des salariés n’ont cessé de se multiplier, soulevant par là même des questions sociétales plus vastes, liées au vivre ensemble (garde d’enfants, vie familiale et sociale des salariés concernés, entre autres).



Dérogations au repos dominical avant la 2009[3]

À gros traits, hormis les cas de dérogations conventionnelles (travail en continu, équipes de suppléance), il existe trois types de dérogations au principe du repos dominical.



* Les dérogations permanentes de droit, sans autorisation-



Celles-ci concernent les commerces de détail alimentaire ainsi que, dans les secteurs industriel et tertiaire, les établissements dont le fonctionnement continu est nécessaire[4]. Dans ces établissements et commerces, on pouvait, jusqu’alors, travailler le dimanche jusqu’à midi. La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence a ajouté les commerces de détail d’ameublement à la liste des établissements autorisés de plein droit, en raison de leur activité, à déroger à la règle du repos dominical en accordant le repos hebdomadaire par roulement[5]. Cette loi est en réalité, si ce n’est en droit[3], la source du contentieux actuel opposant les enseignes du bricolage, puisque celles-ci vont devoir rester fermer, sauf lorsqu’elles comportent des rayons d’ameublement.



* Les dérogations temporaires sur autorisation préfectorale



Celles-ci sont de deux types. Le premier autorise le travail le dimanche par roulement lorsqu’il est démontré que le repos simultané de tout le personnel d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement.



Le deuxième concerne les établissements situés dans une « zone touristique ou thermale ou zone d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente », la liste de ces zones étant établie par le préfet sur proposition des conseils municipaux.



* Les dérogations temporaires sur autorisation municipale



Elles peuvent être accordées pour les commerces de détail, sur décision du maire (sauf à Paris où il s’agit d’une compétence préfectorale), dans la limite de 5 dimanches par an. C’est seulement dans ce dernier cas que la législation antérieure à la loi du 10 août prévoyait une majoration de salaire et un repos compensateur ; pour les autres cas d’autorisation, des contreparties pouvaient résulter des conventions collectives.



L’extension des dérogations au repos dominical et l’accroissement des inégalités

Les cas, en général très médiatisés, de zones où le travail le dimanche est, de fait, entré dans les pratiques (par ex. à Plan de Campagne), ont engendré de nombreuses propositions de loi depuis 2003[6]. Une loi adoptée en 2009[7] a élargi le champ des dérogations préfectorales dans les zones et communes touristiques et ajouté un cas de dérogation : celui des PUCE, autrement dit, « périmètre d’usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale »[8]. Incidemment, la loi de 2009 porte à treize heures la dérogation permanente de droit pour les commerces de détail alimentaire[9].



* Travail dominical dans les zones touristiques



La loi Maillié de 2009 a modifié la rédaction de l’article L.3132-25 du Code du travail et assouplit de façon non négligeable les conditions pour pouvoir faire travailler les salariés le dimanche dans les zones touristiques. Jusqu’alors, pour ouvrir le dimanche, les établissements devaient remplir une deux conditions :



-l’une de localisation (zones…),



-l’autre tenant à la mise « à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel » (condition d’activité)[10].



Le Conseil d’État faisait d’ailleurs une appréciation rigoureuse de cette condition[11].



Enfin, la dérogation ne pouvait être accordée que « pendant la ou les périodes d’activités touristiques».



Depuis la loi du 10 août 2009, la dérogation est « de droit » pour tous les établissements de vente au détail situés dans ces zones, quels que soient les biens et services qu’ils proposent. C’est le préfet qui déterminera, sur proposition du maire[12], quelles sont les communes et zones concernées.



* Nouvelle dérogation sur autorisation préfectorale : les PUCE



Désormais, le préfet peut en outre autoriser le travail le dimanche pour les établissements de vente au détail situés dans une « unité urbaine de plus de 1000 habitants » et dans un PUCE. La notion de « périmètre d’usage de consommation exceptionnel » n’est pas définie. C’est donc ici encore le préfet de région qui dressera la liste des PUCE, sous le contrôle éventuel du juge administratif, et avec des risques d’inégalité entre territoires. De plus, le préfet peut reconnaître de nouveaux PUCE au fur et à mesure que les usages évoluent, contrairement à ce que proposait un amendement (rejeté) qui limitait ces zones à celles reconnues comme étant des zones d’usage de consommation au jour du vote de la loi de 2009. Par ailleurs, la « proximité immédiate d’une zone frontalière où il existe un usage […] » peut justifier le classement de la zone en PUCE par le préfet[13].



S’agissant des PUCE, comme désormais pour les dérogations prévues au titre de l’article L.3132-20 du Code du travail[14], les autorisations sont données soit au vu d’un accord collectif, soit après décision unilatérale de l’employeur. Dans ce cas, celui-ci doit être précédée de la consultation des représentants du personnel s’il y en a et, à défaut, d’un référendum auprès des salariés concernés.



Le repos compensateur et la majoration de salaire ne sont prévus par la loi qu’en cas de décision unilatérale de l’employeur, donc en l’absence d’accord collectif. Sinon, il revient à l’accord collectif de « fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou des personnes handicapées ». Force est de constater que, dans ce cas, la loi ne prévoit ni le niveau de l’accord collectif (branche, entreprise, établissement)[15] ni de plancher en termes de rémunération ou de repos compensateur.



*Un « volontariat » bénéficiant inégalement aux salariés



Dans deux cas de travail le dimanche, le volontariat est de mise : lorsque le travail du dimanche a pour fondement la dérogation au titre des PUCE[16] ou de l’article L.3132-20 du Code du travail (fermeture compromettant le fonctionnement de l’établissement…). La loi interdit alors de prendre en considération le refus de travailler le dimanche lors de l’embauche, ainsi que toute discrimination ou sanction sur ce motif. L’accord du salarié au travail dominical doit être donné par écrit[17]. En outre, et de manière générale, le refus de travailler le dimanche n’est pas un motif de radiation des demandeurs d’emploi.



Toutefois, on sait combien le volontariat dans l’entreprise est illusoire. De plus, ces protections du « volontariat » sont limitées à certains cas de travail dominical[18].



En conclusion, la CFDT a dénoncé la loi de 2009 qui portait déjà en germe la généralisation du travail du dimanche et l’accentuation des inégalités entre salariés de deux points de vue : d’une part, doublement automatique ou simplement éventuel de la rémunération, selon le type d’autorisation du travail le dimanche et ses modalités de mise en œuvre ; d’autre part, principe du « volontariat » et prise en compte de l’évolution de la situation personnelle du salarié limités à certains cas de travail dominical.



[1] Tribunal de commerce de Bobigny, ordonnance de référé, 26.09.13, n° RG 2013R00400.



[2] Le repos dominical est, selon le Conseil constitutionnel (décision de juillet 2009), une façon d’assurer ces droits au repos et à la protection de la santé découlant des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution.



[3] Ce n’est pas sur ce terrain qu’a lieu le débat judiciaire actuel.





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[1] Selon l’art. L.3132-1 C. trav., on ne peut faire travailler un salarié plus de six jours par semaine et selon l’art. L.3132-3 du même Code « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».



[2]Art. L.3132-29 C. trav.



[3]Loi n°2009-974 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines agglomérations pour les salariés volontaires, JO 11.08.09, p. 13313.



[4] Art. L.3132-12 et L.3132-13 C. trav.



[5] Un tableau (déjà très fourni) de ces activités figure à l’art. R.3132-5 C. trav.



[6] Cf. F. Favennec-Héry, « Travail dominical ou travail de Pénélope », Semaine Sociale Lamy du 15.06.09, n°1404.



[7] Loi du 10 août 2009. Validée, à peu de chose près, par le Conseil constitutionnel. Décision n°2009-588 DC 06.08.09.



[8] Nouvel art. L.3132-25-1 C. trav.



[9] Contre midi, avant. Article L.3132-13 C. trav. modifié par l’article 2, VI de la loi du 10 août.



[10] Art. L.3132-25 C. trav. dans sa version antérieure à la loi du 10 août.



[11] N°308874 Louis Vuitton, Inédit, RDT 2009, p.387, note M. Véricel.



[12] La petite loi, en renvoyant à l’article L.3132-26 C. trav., faisait -comme dans le cas de dérogation visé par cet article (5 dimanches par an)- une exception concernant Paris, où le préfet avait pleine compétence. Le Conseil constitutionnel a censuré ce point de la loi sur le fondement de l’égalité entre collectivités territoriales, cf. décision précitée cons. 23.



[13] Nouvel art. L.3132-25-2 C. trav.



[14] « Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement […]».



[15] Nouvel art. L.3132-25-3 C. trav.



[16] Nouvel art. L.3132-25-1 C. trav.



[17] Nouvel art. L.3132-25-4 C. trav.



[18] Une interprétation a contrario des textes pourrait donc suggérer que la sanction, la discrimination, etc. sont possibles dans les autres cas de travail le dimanche pour lesquels aucun interdit n’est expressément prévu. Sous réserve du droit de la modification du contrat de travail et du contrôle du juge sur les modifications des conditions de travail.

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