mercredi 23 octobre 2013

Edmond Maire, une page d’histoire de la CFDT

PUBLIÉ LE 07/10/2013 À 15H08par Henri Israël
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Jean-Michel Helvig, ancien directeur adjoint de la rédaction de _Libération, _publie une biographie d’Edmond Maire. Entretien.
Pourquoi un journaliste spécialiste de la politique s’intéresse-t-il à un syndicaliste comme Edmond Maire ?
Thierry Pech, qui a été un proche conseiller de Nicole Notat et qui était, voilà trois ans, le responsable des Éditions du Seuil, souhaitait la publication d’une biographie d’Edmond Maire. Après avoir convaincu l’ancien secrétaire général de la CFDT qui hésitait à se confier, il m’a demandé si cette aventure m’intéressait. J’ai été adhérent au syndicat des journalistes de la CFDT, ce qui ne me rendait pas le sujet complètement étranger, mais c’est vrai que j’ai toujours été plutôt spécialisé sur les questions politiques. Ce travail sur Edmond Maire m’a en tout cas passionné. Durant les années 60/70, qui sont un peu les « années Maire », les syndicats ont joué un rôle central dans le pays tant du point de vue social que politique. La CFDT a produit des idées, a cherché à remodeler la matrice de la gauche…
Edmond Maire ne s’est jamais laissé prendre
par des slogans ni par des démarches simplificatrices.


Avez-vous été surpris par le personnage, ses relations avec le christianisme, son parcours à la CFTC, lui qui se revendiquait d’une laïcité sourcilleuse ?
Plutôt déconcerté car ce n’est pas du tout mon milieu ni ma culture. J’ignorais l’extraordinaire richesse des débats dans la CFTC. Avant bien d’autres, on s’est engagé contre la guerre d’Algérie, on s’est impliqué dans la réflexion sur le socialisme démocratique. Il faut lire ou relire les articles de la revue des Cahiers de Reconstruction dont le niveau intellectuel est sans comparaison avec ce que l’on retrouvait alors ailleurs, notamment dans les partis politiques. Cette osmose entre des universitaires de grande qualité comme Paul Vignaux, et des ouvriers autodidactes comme Charles Savouillan ou Marcel Gonin a permis une intense production politico-intellectuelle. Maire est l’étudiant de cette université-là.
Adhérent à la CFTC, militant à « Reconstruction », Maire prépare activement lecongrès de 1964 dans les coulisses. Est-ce là qu’il développe ses talents de stratège interne ?
Au cœur des évolutions de la CFDT
Le livre de Jean-Michel Helvig va bien plus loin que la simple biographie d’un homme. Certes, Edmond Maire, par sa personnalité, a marqué profondément l’histoire sociale et syndicale de la CFDT et plus largement l’histoire sociale. Mais ici, le lecteur n’aborde pas seulement l’évolution d’Edmond Maire, jeune technicien de la chimie qui adhère à la CFTC et milite activement pour la transformer. Il en découvre la richesse intellectuelle, les débats du groupe « Reconstruction » qui œuvrait dans la CFTC pour parvenir à la déconfessionnaliser. Mieux, ces militants et responsables ont jeté les bases de toute une rénovation de la gauche, l’anticolonialisme, la planification, le socialisme démocratique et l’antitotalitarisme. Jean-Michel Helvig a réussi non seulement à dresser un portrait fidèle de l’ancien secrétaire général de la CFDT mais aussi à décrire l’action de toute une génération dont l’apport est essentiel pour comprendre la CFDT d’aujourd’hui.
Edmond Maire, Une histoire de la CFDT. Éditions du Seuil. 528 pages. 24 €.
Il avait des prédispositions. Il ne faut pas oublier qu’au moment du congrès de la déconfessionnalisation, Edmond Maire est secrétaire général de la fédération de la Chimie qui était déjà très en avance dans la réflexion politique et syndicale. Les « chimistes » avaient une pratique plus intello et moins affective que les métallurgistes d’Eugène Descamps.
Au-delà de l’homme Edmond Maire, j’ai voulu retracer une histoire de la CFDT et brosser le portrait de groupe d’une génération exceptionnelle de militants.
L’après-1968 montre une CFDT et un Maire un peu « lutte des classes », mais très prudent au fond. Y a–t-il une sorte de schizophrénie au moins jusqu’en 1978 et le recentrage ?
Il a longtemps été de bon ton chez les gauchistes, entre autres, de fustiger la duplicité de la direction confédérale, Edmond Maire en tête, révolutionnaire dans les discours, mais « réformiste » pour ne pas dire pire, dans leur pratique. Je crois que cette analyse est fausse tout comme celle de la schizophrénie. Il faut replacer les événements dans le contexte, reconstituer l’époque. Les acteurs CFDT ont une pensée toujours en mouvement. Edmond Maire veut mettre un contenu plus autogestionnaire et libertaire aux formules de congrès qui sacrifient à la vulgate marxiste alors dominante à gauche. L’objectif est d’inscrire la CFDT dans un processus de transformation socialiste de la société sans rien céder de sa vocation syndicale au cœur des entreprises. Mais il ne s’est jamais laissé prendre par des slogans ni par des démarches simplificatrices.
Paradoxalement, les relations d'Edmond Maire aux politiques sont assez mauvaises si l’on excepte Pierre Mendès France et Jacques Delors.
Oui sans doute. J’ajouterai Michel Rocard même si leurs relations sont complexes. Edmond Maire considère que le jeu politique est l’art d’accommoder la vérité, ce qui ne lui convient pas. Michel Foucault a parlé de lui comme d’un « homme véridique ». Pour autant, il a des rapports ambigus avec les politiques. C’est tout de même lui qui croit un moment pouvoir doter le PS d’un autre logiciel social lors des Assises pour le socialisme de 1974. C’est l’échec, et il en tire la leçon. Pour Edmond Maire, on ne peut rien faire sans les politiques, mais hélas pas grand chose avec. La CFDT est une organisation où les débats sont très ouverts et libres. L’inconvénient est que l’on tâtonne souvent, que l’on dérape parfois. L’avantage est que l’on peut en discuter ouvertement et éviter ainsi la sclérose.
Que restera-t-il de l’action d’Edmond Maire dans l’évolution de la CFDT et peut-être de la société française ?
Quelle trace laisse un homme ? Il est difficile de répondre aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est que la sienne est forcément dans les gènes de la CFDT actuelle. Edmond Maire peut insister parfois sur le fait que les questions de société sont moins prises en compte qu’autrefois, que l’objectif de transformation sociale n’est plus aussi lisible, n’empêche qu’il se reconnaît dans une organisation qu’il a voulu façonner comme un collectif ouvert et anticipateur, capable si nécessaire d’adapter son cap aux évolutions.

La CFDT en 13 dates

PUBLIÉ LE 25/11/2012 À 12H57par Information Communication
Les dates qui ont marqué l'histoire de la CFDT.
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1919 : naissance de la CFTC
La Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) voit le jour en novembre. S’inspirant de
la doctrine sociale de l’Eglise, elle s’organise sur des bases de solidarité et de défense des intérêts des travailleurs contre le libéralisme économique.

1964 : la CFTC devient CFDT
L’évolution vers un syndicalisme laïc se concrétise : le 6 novembre, la CFTC devient la Confédération
française démocratique du travail (CFDT) avec 70 % des mandats. L’actuelle CFTC est issue de la
minorité ayant refusé ce résultat démocratique.

1968 : la CFDT obtient la reconnaissance des sections syndicales d’entreprise
Comparant son combat pour la démocratie à celui des salariés en entreprise, la CFDT soutient dès
le 6 mai la grève étudiante. Elle obtient la reconnaissance du syndicalisme d’entreprise lors des
négociations de Grenelle. Une conquête fondamentale puisqu’elle est à l’origine de la création des
sections syndicales d’entreprise.

1974 : la CFDT adhère à la Confédération européenne des syndicats (CES)
Soucieuse de participer efficacement à la consolidation de la paix, la CFTC se prononce dès les
années 50 pour la réalisation d’une Europe unie. La Confédération européenne des syndicats, outil
de l’action syndicale au niveau européen, est créée en 1973.

1979 : la CFDT défend son autonomie d’action et de décision ("le recentrage")
La CFDT se recentre sur sa mission d’organisation syndicale pour mieux faire face aux mutations de la société : mondialisation, modification de l’appareil productif, restructurations et forte progression du chômage.

1982 : la CFDT contribue à l’élaboration des lois Auroux sur le dialogue social
Inspirées des propositions de la CFDT, les lois Auroux représentent des avancées significatives
pour la défense des droits des salariés et modifient fortement le droit du travail (interdiction de
toute discrimination ; obligation de négocier des accords collectifs sur les salaires, sur la durée
et l’organisation du travail, sur l’égalité hommes-femmes ; développement des institutions
représentatives du personnel et création d'un droit d’expression des salariés sur les conditions de
travail ; création du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail - CHSCT).

1995 : la CFDT soutient la réforme de la Sécurité sociale 
1997 : la CFDT négocie les 35 heures
Revendication phare de la CFDT, la question de la réduction du temps de travail est débattue. La CFDT engage des négociations avec le gouvernement Jospin pour que les 35 heures soient synonymes de création de nouveaux emplois.

2003 : la CFDT obtient le dispositif « carrières longues » dans la réforme des retraites
Négocié par la CFDT, cet accord permet à 600 000 salariés qui ont commencé à travailler tôt de partir
à la retraite avant 60 ans.
2006 : la CFDT s'oppose au Contrat première embauche (CPE)

2008 : la CFDT signe l’accord Modernisation du marché du travail
La CFDT obtient de nouvelles garanties pour sécuriser les parcours professionnels : certains droits comme le droit à la mutuelle d’entreprise ou à la formation deviennent transférables après un
licenciement.

2010 : la CFDT se mobilise contre la réforme des retraites
La CFDT lutte contre les inégalités de la réforme qui reporte l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et durcit les conditions du dispositif "carrières longues".
2013 : la CFDT signe l'accord Sécurisation de l'emploi

POUR ALLER PLUS LOIN :
  • Michel BRANCIARD, Histoire de la CFDT : soixante-dix ans d’histoire syndicale, Paris, La Découverte, 1990, 366 p.
  • Edmond MAIRE, L'Esprit libre, Paris, Le Seuil, 1999, 252 p.
  • Edmond MAIRE, Nouvelles frontières pour le syndicalisme, Paris, Syros, 1987, 201 p.
  • Nicole NOTAT, HAMON Hervé, Je voudrais vous dire, Paris, Points-Le Seuil, 1997, 215 p.
  • François CHEREQUE, Carole BARJON, Si on me cherche, Paris, Albin Michel, 2008.

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