Réforme territoriale : une « secousse positive » pour changer de fonctionnement interne
Publié le • Par Maud Parnaudeau • dans : France, Toute l'actu RH
Le sociologue-consultant Jérôme Grolleau a sondé les
agents, pour le compte de l’Observatoire Social Territorial de la MNT, sur leur
perception de la réforme territoriale et des baisses des dotations de l’Etat.
Objectif : comprendre leurs points de vue et en tirer des pistes « stratégiques
et opérationnelles » pour gérer au mieux la transition.
On entend partout que les agents seraient réfractaires aux changements, perdus et désabusés par la « nouvelle donne territoriale ». Vous qui les avez interrogés, qu’en est-il vraiment ?
Je m’attendais à un discours à dominante négative, avec la possibilité de détecter des signaux faibles capables d’orienter vers une transformation positive. J’ai découvert une ambivalence forte, traversant tout le corps social territorial, entre le sentiment d’une « spirale négative » et l’espoir d’un « possible renouveau » dans lequel s’engouffrent les aspirations des agents. Beaucoup parlent de la situation comme d’une « secousse positive ».Ces « aspirations des agents », quelles sont-elles ?
Ils attendent un changement de cap radical du fonctionnement interne : décloisonner les organisations, redonner des priorités, faire évoluer les rapports sociaux, rendre les processus de décision plus réactifs… Ils proposent les contours d’un avenir désirable, qui leur permet de se réapproprier l’événement. Manière de donner un sens aux réformes qui en manquent. Le contexte incite aussi les agents à investir le champ de la formation et à penser la mobilité comme moyens de se réapproprier leur trajectoire. Il faudrait instituer un rendez-vous « parcours professionnel » annuel, distinct de l’entretien d’évaluation !Les agents semblent globalement prêts, et même volontaires, pour les changements internes. Qu’est-ce qui bloque alors ?
Il ne faut pas négliger le poids de la culture, que cela soit du côté des dirigeants comme des agents. C’est tout un « habitus social », un ensemble de manières d’agir et de penser, dans lequel chacun baigne continûment et qui façonne les acteurs. Conséquence : entre « aspirer à » et passer à l’acte, le gap est important. Cela nécessite beaucoup de volontarisme et une démarche globale. Il faut toucher à tous les éléments du système managérial, avancer pas à pas, dans une logique d’apprentissage collectif.Quelles sont vos préconisations pour renouveler le système managérial dans sa globalité ?
Très clairement, les attitudes des agents fluctuent sous l’influence des modalités managériales. Il est possible d’agir en instituant de nouveaux modes de fonctionnement. D’abord en donnant des signes de rupture et en entrant dans une logique de renouveau, dès les premières réorganisations. Concrètement, cela signifie une communication directe et transparente, l’association des managers et des agents au processus, l’instauration de nouveaux dispositifs d’accompagnement managériaux et RH… Ensuite, il faut transformer, pas à pas, les modes de fonctionnement. En particulier en donnant la main aux agents et aux collectifs, dans un cadre clair qui fixe le cap et les règles du jeu. La contribution des acteurs et leur coopération sont les gages d’une adaptabilité des organisations, devenue absolument nécessaire dans un contexte incertain et imprévisible. Aujourd’hui, les évolutions qui impactent la territoriale ne peuvent plus être appréhendées uniquement comme des opportunités. Il y a une nécessité de changer.Références
Le travail de Jérôme Grolleau vient d’être publié dans une étude intitulée « Nouvelle donne territoriale : de l’opportunité à la nécessité de changer ? » [Etude qualitative basée sur 36 entretiens semi-directifs réalisés de juin à octobre 2015 à Paris, Lyon, Le Mans, Tours, Lille, Montpellier et en région Auvergne. Soit 20 agents de catégorie C, et 16 agents de catégories A et B issus de 15 communes, 9 intercommunalités, 6 conseils départementaux et 6 conseils régionaux].Fonction publique
Lutte contre l’absentéisme : de nouvelles préconisations
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Par Maud Parnaudeau • dans : A la
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Présentée ce jeudi, une étude sur l'absentéisme dans
les collectivités pilotée par l'Association des directeurs des ressources
humaines des grandes collectivités (ADRHGCT) et l'Institut National des Etudes
Territoriales (Inet) propose des pistes de travail pour « définir, mesurer,
prévenir et endiguer le phénomène ».
« Il n’y a pas grand chose de nouveau », lance Stéphane Pintre, président du
SNDGCT,
commentant l’étude
conjointe ADRHGCT/INET « L’absentéisme dans les collectivités : mesure et
pratiques ». Rien d’étonnant au demeurant puisque celle-ci se voulait « d’abord
la traduction d’enjeux et le recensement d’actions ou de réflexions dans l’air
du temps », peut-on lire dans les points de vigilance.
Et effectivement, les leviers managériaux (« Impliquer et responsabiliser la chaîne hiérarchique », « Conforter le bien-être et mieux prendre en compte les conditions de travail »…), tout comme les leviers incitatifs et de contrôle qu’elle contient sont déjà à l’œuvre dans bon nombre de collectivités.
Preuve, pour Patrick Campagnolo, représentant l’Unsa territoriaux au CSFPT, que « tous les outils existent pour prévenir et éviter l’absentéisme ». « Le problème vient du fait qu’ils ne sont pas suffisamment déployés », estime-t-il.
Préconisant « qu’un organisme extérieur, autre que les chambres régionales des comptes, puissent véritablement contrôler l’application de la réglementation. A l’image de ce que fait le Comité Français d’Accréditation pour les labels », avance-t-il.
Proposition qui a peu de chance d’aboutir en raison du principe de libre administration des collectivités.
« Car si l’absentéisme est une préoccupation majeure des collectivités, force est de constater que toutes ne mesurent pas la même chose », rapporte Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités.
L’ADRHGCT qui propose aujourd’hui un tableau de bord « ayant vocation à permettre la comparaison dans le temps et entre collectivités », qu’elle suivra annuellement.
Pour Stéphane Pintre, « solliciter la mise en œuvre d’indicateurs pertinents et communs est intéressant. Mais il faudrait des statistiques et des chiffres précis sur tous les types d’arrêts. Car au final tous sont perturbateurs », estime-t-il.
Yves Letourneux, secrétaire général adjoint d’Interco-CFDT, préfèrerait quant à lui que soit reprise la définition de l’ANACT (1) « qui renvoie à une responsabilisation de la collectivité ».
« La question du rapprochement avec la médecine de ville est intéressante. Mais vous aurez beau dire, vous aurez beau faire, il y aura toujours des arrêts de complaisance…», avance Stéphane Pintre.
« L’étude parle de la visite médicale d’embauche. Mais le problème se situe davantage du côté de la visite périodique. Il faudrait la ramener à un an et développer une vraie médecine professionnelle », préconise de son côté Yves Letourneux.
« Il faudrait aborder la question de l‘absentéisme comme un indicateur de ce qui ne va pas, pas comme un problème », estime Yves Letourneux. « Plutôt que de stigmatiser, il faut que les collectivités créent un climat général de confiance, qu’il y ait un travail étroit avec les partenaires sociaux », confirme Stéphane Pintre.
La question du rétablissement du jour de carence, posée à la fin de l’étude, apparaît d’ailleurs comme un « non sujet ». Et, dans tous les cas, pas à la hauteur des enjeux.
Comme à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), où a été instaurée une gestion décentralisée des enveloppes de remplacements avec un suivi mensuel en bilatéral avec la DRH et chaque direction opérationnelle. « Systématiser l’entretien de reprise d’activité est également un levier intéressant », relève Johan Theuret.
A Suresnes (Hauts-de-Seine) par exemple, cet entretien est mené par l’encadrant de proximité, quelle que soit la durée, dès la deuxième absence, ainsi qu’à la troisième absence le cas échéant et pour toute absence de plus de trois semaines.
Et effectivement, les leviers managériaux (« Impliquer et responsabiliser la chaîne hiérarchique », « Conforter le bien-être et mieux prendre en compte les conditions de travail »…), tout comme les leviers incitatifs et de contrôle qu’elle contient sont déjà à l’œuvre dans bon nombre de collectivités.
Preuve, pour Patrick Campagnolo, représentant l’Unsa territoriaux au CSFPT, que « tous les outils existent pour prévenir et éviter l’absentéisme ». « Le problème vient du fait qu’ils ne sont pas suffisamment déployés », estime-t-il.
Préconisant « qu’un organisme extérieur, autre que les chambres régionales des comptes, puissent véritablement contrôler l’application de la réglementation. A l’image de ce que fait le Comité Français d’Accréditation pour les labels », avance-t-il.
Proposition qui a peu de chance d’aboutir en raison du principe de libre administration des collectivités.
Définition communément admise
Si elles n’ont rien de révolutionnaires, les propositions formulées par les quatre élèves administrateurs territoriaux sont globalement saluées comme « allant dans le bon sens ». A commencer par l’adoption d’une définition commune de l’absentéisme et d’un référentiel partagé.« Car si l’absentéisme est une préoccupation majeure des collectivités, force est de constater que toutes ne mesurent pas la même chose », rapporte Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités.
L’ADRHGCT qui propose aujourd’hui un tableau de bord « ayant vocation à permettre la comparaison dans le temps et entre collectivités », qu’elle suivra annuellement.
Pour Stéphane Pintre, « solliciter la mise en œuvre d’indicateurs pertinents et communs est intéressant. Mais il faudrait des statistiques et des chiffres précis sur tous les types d’arrêts. Car au final tous sont perturbateurs », estime-t-il.
Yves Letourneux, secrétaire général adjoint d’Interco-CFDT, préfèrerait quant à lui que soit reprise la définition de l’ANACT (1) « qui renvoie à une responsabilisation de la collectivité ».
Arrêts de complaisance
L’évolution des relations avec le corps médical est également vue d’un bon œil. « La proposition de remettre à plat la chaîne médicale en facilitant les échanges avec le comité médical et les médecins de ville nous permettrait d’anticiper certaines situations difficiles », note Thierry Legrand, directeur des ressources humaines d’Haubourdin (Nord). Même si, là encore, certaines réserves sont émises.« La question du rapprochement avec la médecine de ville est intéressante. Mais vous aurez beau dire, vous aurez beau faire, il y aura toujours des arrêts de complaisance…», avance Stéphane Pintre.
« L’étude parle de la visite médicale d’embauche. Mais le problème se situe davantage du côté de la visite périodique. Il faudrait la ramener à un an et développer une vraie médecine professionnelle », préconise de son côté Yves Letourneux.
Signal d’alerte
Dans le contexte ambiant de « fonctionnaire bashing », et bien que ses intentions soient louables, cette nouvelle étude sur l’absentéisme et sa cohorte de préconisations laissent comme un goût amer.« Il faudrait aborder la question de l‘absentéisme comme un indicateur de ce qui ne va pas, pas comme un problème », estime Yves Letourneux. « Plutôt que de stigmatiser, il faut que les collectivités créent un climat général de confiance, qu’il y ait un travail étroit avec les partenaires sociaux », confirme Stéphane Pintre.
La question du rétablissement du jour de carence, posée à la fin de l’étude, apparaît d’ailleurs comme un « non sujet ». Et, dans tous les cas, pas à la hauteur des enjeux.
Responsabiliser les directions
Parmi les « bonnes pratiques » identifiées et présentés dans l’étude, on retiendra le fait de « lier l’octroi de remplacements à la maîtrise de l’absentéisme ».Comme à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), où a été instaurée une gestion décentralisée des enveloppes de remplacements avec un suivi mensuel en bilatéral avec la DRH et chaque direction opérationnelle. « Systématiser l’entretien de reprise d’activité est également un levier intéressant », relève Johan Theuret.
A Suresnes (Hauts-de-Seine) par exemple, cet entretien est mené par l’encadrant de proximité, quelle que soit la durée, dès la deuxième absence, ainsi qu’à la troisième absence le cas échéant et pour toute absence de plus de trois semaines.
Rémunérations : simulez, comparez, évaluez !
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Mobilités et accompagnement des transitions : le programme d’Annick Girardin pour la haute fonction publique
La ministre de la fonction publique, Annick Girardin, a clôt mardi 26 avril douze auditions sur la gestion des carrières et la formation continue dans la haute fonction publique. Son programme, qu’elle sait limité à quelques mois par la présidentielle de 2017, met en avant l’accompagnement des transitions et des mobilités pour les fonctionnaires.
L’école de guerre et l’Institut des hautes études de défense nationale – dont la ministre de la fonction publique a suivi le cycle – seront-ils les références des hauts fonctionnaires pour la fin du quinquennat ?
Les douze auditions de la mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion des carrières et la formation continue dans la haute fonction publique, menées par les rapporteurs et députés Jean Launay (PS) pour la commission des finances et Michel Zumkeller (UDI) pour la commission des lois, se sont appuyéees, depuis le 17 février, sur ces deux institutions de formation de l’armée pour explorer les contours d’une nouvelle gestion « RH » des hauts fonctionnaires.
Sur ce point, la mission a également exhumé le rapport publié discrètement en septembre 2014 sur « l’encadrement supérieur et dirigeant de l’Etat« , ainsi que le rapport Pécheur, publié en 2013.
Discours programmatique
Dans son intervention en clôture de ces travaux, la nouvelle ministre a tracé les grandes lignes de son programme et de ses convictions : pas de réforme des grands corps de l’Etat car sa mission est limitée par l’échéance présidentielle, mais un programme guidé par l’accompagnement du changement et de la mobilité des hauts fonctionnaires, qu’elle encourage à aller vers le secteur privé et sur le terrain.
Son credo : « une fonction publique moderne, agile, performante, à l’image de la société et capable de répondre aux grands défis ».
Laïcité, jeunesse et innovation
Son action devrait tourner autour de trois axes :
- la laïcité,
- la jeunesse
- et l’innovation.
Le développement de la diversité dans la fonction publique devrait être un autre cheval de bataille, adressé à la jeunesse, alors qu’une mission d’évaluation sur les voies d’accès aux trois fonctions publiques, qui devait être remise au printemps 2016, a été confiée à l’économiste Yannick L’Horty.
« La diversification des profils passe par le développement du troisième concours », a déclaré la ministre en faisant référence à l’article 36 du projet de loi égalité et citoyenneté, bientôt en débat au Parlement, qui redonne à cette disposition une vocation sociale en l’élargissant notamment aux apprentis et aux catégories B.
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En matière de formation des hauts potentiels, l’école nationale d’administration (ENA), dont la ministre a rappelé l’aura à l’étranger, « doit mettre les hauts fonctionnaires en situation de préparer le monde de demain ».
Après avoir reçu Nathalie Loiseau, sa directrice générale, également auditionnée par la MEC, la ministre voit dans l’Ena, qu’elle soutient, un potentiel à faire évoluer notamment pour accompagner les changements en cours (numérique, missions et réorganisation par exemple des grandes régions), tout en reconnaissant que des réformes ont déjà été mises en place en 2014 et en 2015.
Une DRH unique pour l’Etat
D’autres propositions pour rénover les recrutements, la composition des jurys, les modalités de titularisation dans les écoles de service public et leur gouvernance devraient être formulées d’ici à la rentrée 2016 par Olivier Roussel, chargé d’une mission sur ce thème.
L’étude d’une direction des ressources humaines (DRH) unique pour l’Etat a en outre été confiée par Manuel Valls en décembre 2015 à Thierry Le Goff, directeur général de l’administration et de la fonction publique.
« Nous travaillons sur une DRH Etat première étape », a expliqué Annick Girardin, qui a précisé que son ministère réfléchissait à l’ouverture des recrutements, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et au renforcement des formations initiales des fonctionnaires.
« Au-delà de cette DRH unique, c’est à une gestion unique qu’il faudrait arriver », a suggéré la ministre lors de l’audition.
« Lever des freins à la mobilité »
La mobilité des fonctionnaires, « une des composantes de l’innovation » devrait aussi mobiliser la ministre. Le discours a déjà été entendu, depuis la loi mobilité de 2009 : mobilité entre ministères et entre versants de la fonction publique. Il s’agit de lever des freins, financiers notamment (entre corps ou fonction publique) ou culturels, avec le secteur privé notamment.
« Il faut des parcours davantage enrichis par ces mobilités et par ces expériences extraordinaires qu’apporte la mobilité fonctionnelle », assure Annick Girardin qui, pourtant élue de Saint Pierre et Miquelon, ne croit pas à la mobilité géographique.
L’expérimentation de plateformes régionales confiées à des préfets ou à des secrétaires généraux aux affaires régionales devraient, selon elle, permettre des mobilités « voulues ». « Le parcours du haut fonctionnaire de demain et d’ailleurs des autres fonctionnaires, devra être facilité » a-t-elle affirmé.
Des primes pour renforcer l’engagement des fonctionnaires
Enfin, la ministre s’est prononcée pour la rémunération au mérite, pour renforcer l’engagement des fonctionnaires, « redonner du sens à cet engagement », et pour l’éviction des hauts-fonctionnaires qui ne seraient pas à leur place, allant jusqu’à regretter un « manque de courage managérial. Quand ça ne va pas, on ne sait pas dire à un haut fonctionnaire qu’il n’est pas à sa place et qu’il peut aller voir ailleurs. Plus on confiera la DRH Etat à la DGAFP, plus ce courage sera assumé ! », estime la ministre, visiblement décomplexée par rapport aux sujets qui fâchent.
Une synthèse de plans managériaux de formation continue et de carrières, là encore demandée par le Premier ministre fin 2015 aux différents ministères, devrait être présentée en juin en Conseil des ministres.