L’AdCF se penche sur la mise en œuvre des contrats de ville
Publié le • Par Hugo Soutra •
dans : France
Plus de deux ans après le vote de la loi de
programmation pour la Ville et la Cohésion urbaine, l’Assemblée des communautés
de France (AdCF) est revenu sur son application, le 29 avril dernier.
Qu’a-t-elle réellement permis ? Quand les promesses de renforcement des
solidarités nationales et locales vont-elles (enfin) être concrétisées ?
L’occasion, également, pour les élus et les professionnels, de faire un point
d’étape sur l’aspect qualitatif des 435 contrats de ville signés depuis
2014.
Propulsé au rang d’acteur
phare de la politique de la ville depuis la parution de la « Loi Lamy »,
l’AdCF a consacré son premier « Club des agglomérations » de l’année 2016 aux
contrats de ville, vendredi 29 avril à Paris, dans les bureaux de la Caisse des
Dépôts. Il y a en effet beaucoup à dire, à l’heure où les premiers comités de
pilotage seront prochainement organisés et alors que les promesses qu’ils
édictent doivent prendre forme progressivement sur le terrain.
Malgré le souhait maintes fois répété de l’Etat de voir les enjeux de solidarité financière, de développement économique ou bien encore de logement et de mixité sociale tranchés au niveau intercommunal, 37% des contrats de ville resteront portés par les communes jusqu’en 2020. Privilégiant la densité de la population sur la pure arithmétique, Sébastien Jallet se félicite néanmoins que « 90% des habitants des 1500 quartiers prioritaires vivront dans des territoires où la politique de la ville est l’affaire de l’intercommunalité. La majorité des 435 contrats de ville sont donc novateurs et pertinents, même s’ils ne représentent ni plus ni moins qu’un cadre d’actions. J’ai tendance à dire que « c’est maintenant que tout commence », pose le responsable de la politique de la ville au Commissariat général à l’égalité des territoires.
D’après le réseau national des centres de ressources, représenté par Murielle Mafesoli de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV), la réforme a permis « de repenser au niveau local les objectifs de la politique de la ville. Plusieurs territoires ont fait le choix d’appréhender les problématiques dans leur globalité, et non plus seulement de mettre bout à bout de dispositifs sectoriels. »
Les différents chefs de projet présents dans la salle confirment que la loi Lamy a bel et bien permis de recentrer la politique de la ville sur les enjeux de cohésion sociale et territoriale, en se fixant de nouveau pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers prioritaires et leur agglomération. Mais ce retour aux sources n’opèrerait pas dans tous les territoires.
« Au niveau local, peu de collectivités ont mené une réflexion sur l’ingénierie et l’approche intégrée de la politique de la ville. Les logiques à l’œuvre demeurent les mêmes. Pourtant, il ne suffit pas de signer un plan de lutte contre les discriminations pour réduire les symptômes de ce fléau , pas plus que monter un conseil citoyen (1) ne permette d’intégrer les habitants à la vie démocratique locale », regrette Khalid Ida-Ali, président de l’Inter-Réseaux des professionnels du développement social et urbain (IR-DSU).
Par ailleurs, ni la loi de programmation pour la Ville et la Cohésion urbaine ni la nouvelle contractualisation entre l’Etat et les collectivités n’auraient permis de modifier le regard porté par les élus locaux sur les territoires prioritaires.
« Les délibérations Politique de la ville ne font jamais débat, ni au conseil municipal ni au conseil communautaire : c’est dire le peu d’intérêt que mes confrères portent au sujet », lâche avec malice Anne Terlez. « C’est une erreur stratégique que de se contenter de faire de la réparation – ce qu’il faut faire tant ces territoires ont été oubliés – sans insister sur les enjeux d’avenir. Les évènements tragiques de 2015 démontrent que les problématiques que concentrent ces quartiers peuvent avoir, demain, un écho national et méritent une attention particulière. »
Les crispations ayant eu cours en 2015 entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’Etat sur le calendrier d’application de la loi se sont, dernièrement, prolongées sur le thème de la mobilisation des moyens de droit commun, alors que les Etats locaux regrettent de ne toujours pas pouvoir vérifier l’état d’engagement des administrations et des agences d’Etat.
Comme indiqué dans une interview à la Gazette des communes, Sébastien Jallet demandera à chacun des signataires de renseigner ses engagements financiers et opérationnels dans une « annexe de services publics » indexée à chaque contrat de ville.
« La refonte des contrats de ville a permis d’intégrer le secteur privé, les chambres consulaires, les réseaux d’entreprises, les bailleurs sociaux voire parfois l’université à la politique de la ville. C’est une chose que tous ces nouveaux acteurs de droit commun soient signataires, mais maintenant, il va falloir que cette mobilisation partenariale se traduise par un certain nombre d’effets. Si l’on souhaite apporter un réel plus aux habitants de ces quartiers, il va falloir réussir à concrétiser les promesses qui ont été faites en les impliquant dans la durée » attend de voir Matthieu Cahn, pour juger définitivement.
Sans tirer de bilan définitif, loin de là, la cinquantaine d’élus locaux, de directeurs généraux des services, de techniciens ainsi que de représentants de l’Etat présents, semblent persuadés que les habitants des quartiers prioritaires pourront très prochainement observer les effets escomptés par le législateur. Pour cela, les sujets complexes du développement économique, de la participation des habitants ainsi que de l’articulation entre action sociale et rénovation urbaine devront être abordés de front au cours des prochains mois.
Objectif politique et dispositif technique - Là encore, l’enjeu ne résiderait pas tant dans leur signature que dans leur concrétisation. « Alors que seulement un peu plus de la moitié des intercommunalités disposent, à l’heure actuelle, d’un tel pacte, leur obligation améliorerait nécessairement ce ratio. Mais n’oublions pas toutefois que, s’ils ne sont pas formalisés en tant que tel, les programmes d’investissements coordonnés, les DSC, la péréquation (FPIC), la coordination des politiques fiscales comme la mutualisation des services ou la mise à disposition d’effectifs, existent déjà et poursuivent les mêmes buts. Il faudrait, alors, simplement repenser ces dispositifs existants en lien avec les objectifs de cohésion sociale et urbaine » assure Claire Delpech, responsable des questions de finance et de fiscalité à l’ADCF.
D’autant plus que de telles réformes demandent du temps pour être appréhendées. « Ces pactes n’ont aucune valeur réglementaire : la mise en œuvre opérationnelle est plus compliquée que l’adoption du principe » témoigne Sophie Trontin-Berthaud, directrice du service commun Finances à la communauté d’agglomération du Pays Voironnais. « Vertueux et souhaitables sur le papier, les objectifs que portent ces pactes nécessitent un portage politique. S’agissant de leviers financiers résolument complexes, des contraintes techniques existent également » ajoute celle qui a tout de même réussi à faire correspondre son pacte financier et fiscal à l’esprit de la loi Lamy, grâce au concours des différents services communaux de la politique de la ville. De l’intérêt, donc… de bâtir des équipes-projet pluridisciplinaires.
Malgré le souhait maintes fois répété de l’Etat de voir les enjeux de solidarité financière, de développement économique ou bien encore de logement et de mixité sociale tranchés au niveau intercommunal, 37% des contrats de ville resteront portés par les communes jusqu’en 2020. Privilégiant la densité de la population sur la pure arithmétique, Sébastien Jallet se félicite néanmoins que « 90% des habitants des 1500 quartiers prioritaires vivront dans des territoires où la politique de la ville est l’affaire de l’intercommunalité. La majorité des 435 contrats de ville sont donc novateurs et pertinents, même s’ils ne représentent ni plus ni moins qu’un cadre d’actions. J’ai tendance à dire que « c’est maintenant que tout commence », pose le responsable de la politique de la ville au Commissariat général à l’égalité des territoires.
D’après le réseau national des centres de ressources, représenté par Murielle Mafesoli de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV), la réforme a permis « de repenser au niveau local les objectifs de la politique de la ville. Plusieurs territoires ont fait le choix d’appréhender les problématiques dans leur globalité, et non plus seulement de mettre bout à bout de dispositifs sectoriels. »
Approche intégrée et globale
« La confection de contrats de ville mobilisant une partie des fonds européens nous a nécessairement poussés à définir un projet de territoire. Dès lors, nous avons également dû restructurer les services de l’intercommunalité et transformer le service « Politique de la ville » en direction des Cohésions territoriales, défendant ainsi une approche intégrée à l’ensemble du territoire, au-delà des quartiers prioritaires » illustre Anne Terlez, vice-présidente de l’agglomération Seine-Eure et membre de l’Observatoire national de la politique de la ville au titre de l’AdCF.Les différents chefs de projet présents dans la salle confirment que la loi Lamy a bel et bien permis de recentrer la politique de la ville sur les enjeux de cohésion sociale et territoriale, en se fixant de nouveau pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers prioritaires et leur agglomération. Mais ce retour aux sources n’opèrerait pas dans tous les territoires.
« Au niveau local, peu de collectivités ont mené une réflexion sur l’ingénierie et l’approche intégrée de la politique de la ville. Les logiques à l’œuvre demeurent les mêmes. Pourtant, il ne suffit pas de signer un plan de lutte contre les discriminations pour réduire les symptômes de ce fléau , pas plus que monter un conseil citoyen (1) ne permette d’intégrer les habitants à la vie démocratique locale », regrette Khalid Ida-Ali, président de l’Inter-Réseaux des professionnels du développement social et urbain (IR-DSU).
Par ailleurs, ni la loi de programmation pour la Ville et la Cohésion urbaine ni la nouvelle contractualisation entre l’Etat et les collectivités n’auraient permis de modifier le regard porté par les élus locaux sur les territoires prioritaires.
« Les délibérations Politique de la ville ne font jamais débat, ni au conseil municipal ni au conseil communautaire : c’est dire le peu d’intérêt que mes confrères portent au sujet », lâche avec malice Anne Terlez. « C’est une erreur stratégique que de se contenter de faire de la réparation – ce qu’il faut faire tant ces territoires ont été oubliés – sans insister sur les enjeux d’avenir. Les évènements tragiques de 2015 démontrent que les problématiques que concentrent ces quartiers peuvent avoir, demain, un écho national et méritent une attention particulière. »
Sortir d’une approche pathologique
A contrario, l’adjoint au maire de Strasbourg en charge de la politique de la ville, du renouvellement urbain et des politiques jeunesse, Mathieu Cahn estime, pour sa part, que « le regard sur les quartiers prioritaires change progressivement : les élus commencent à sortir d’une approche uniquement pathologique. Pleinement convaincu de l’intérêt de la rénovation urbaine, le président de l’Eurométropole de Strasbourg évoque même les enjeux d’égalité réelle lorsqu’il évoque aujourd’hui les problématiques de développement économique. »Les crispations ayant eu cours en 2015 entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’Etat sur le calendrier d’application de la loi se sont, dernièrement, prolongées sur le thème de la mobilisation des moyens de droit commun, alors que les Etats locaux regrettent de ne toujours pas pouvoir vérifier l’état d’engagement des administrations et des agences d’Etat.
Comme indiqué dans une interview à la Gazette des communes, Sébastien Jallet demandera à chacun des signataires de renseigner ses engagements financiers et opérationnels dans une « annexe de services publics » indexée à chaque contrat de ville.
« La refonte des contrats de ville a permis d’intégrer le secteur privé, les chambres consulaires, les réseaux d’entreprises, les bailleurs sociaux voire parfois l’université à la politique de la ville. C’est une chose que tous ces nouveaux acteurs de droit commun soient signataires, mais maintenant, il va falloir que cette mobilisation partenariale se traduise par un certain nombre d’effets. Si l’on souhaite apporter un réel plus aux habitants de ces quartiers, il va falloir réussir à concrétiser les promesses qui ont été faites en les impliquant dans la durée » attend de voir Matthieu Cahn, pour juger définitivement.
Sans tirer de bilan définitif, loin de là, la cinquantaine d’élus locaux, de directeurs généraux des services, de techniciens ainsi que de représentants de l’Etat présents, semblent persuadés que les habitants des quartiers prioritaires pourront très prochainement observer les effets escomptés par le législateur. Pour cela, les sujets complexes du développement économique, de la participation des habitants ainsi que de l’articulation entre action sociale et rénovation urbaine devront être abordés de front au cours des prochains mois.
Focus
Une solidarité à double-niveau pour les quartiers prioritaires
Que l’Etat se rassure : il ne fut pas uniquement question de solidarité nationale, lors de ce nouveau Club des Agglomérations réunissant essentiellement des acteurs locaux. Un atelier est revenu sur les pactes financiers et fiscaux intercommunaux, qui devront obligatoirement être annexés aux contrats de ville d’ici le 31 décembre 2016, en théorie. Conscient de la complexité de corriger les effets pervers de la fiscalité locale et de sa répartition disparate – pour ne pas dire inégalitaire – dans un contexte de contrainte budgétaire auquel s’ajoutent les enjeux de rationalisation de la carte intercommunale, le ministère de la Ville s’interrogerait néanmoins sur « le calendrier à tenir. Nous nous questionnons sur le fait d’accorder des marges de manœuvre supplémentaires aux collectivités ou sur la nécessité de boucler impérativement, comme prévu, ces documents d’ici la fin de l’année. »Objectif politique et dispositif technique - Là encore, l’enjeu ne résiderait pas tant dans leur signature que dans leur concrétisation. « Alors que seulement un peu plus de la moitié des intercommunalités disposent, à l’heure actuelle, d’un tel pacte, leur obligation améliorerait nécessairement ce ratio. Mais n’oublions pas toutefois que, s’ils ne sont pas formalisés en tant que tel, les programmes d’investissements coordonnés, les DSC, la péréquation (FPIC), la coordination des politiques fiscales comme la mutualisation des services ou la mise à disposition d’effectifs, existent déjà et poursuivent les mêmes buts. Il faudrait, alors, simplement repenser ces dispositifs existants en lien avec les objectifs de cohésion sociale et urbaine » assure Claire Delpech, responsable des questions de finance et de fiscalité à l’ADCF.
D’autant plus que de telles réformes demandent du temps pour être appréhendées. « Ces pactes n’ont aucune valeur réglementaire : la mise en œuvre opérationnelle est plus compliquée que l’adoption du principe » témoigne Sophie Trontin-Berthaud, directrice du service commun Finances à la communauté d’agglomération du Pays Voironnais. « Vertueux et souhaitables sur le papier, les objectifs que portent ces pactes nécessitent un portage politique. S’agissant de leviers financiers résolument complexes, des contraintes techniques existent également » ajoute celle qui a tout de même réussi à faire correspondre son pacte financier et fiscal à l’esprit de la loi Lamy, grâce au concours des différents services communaux de la politique de la ville. De l’intérêt, donc… de bâtir des équipes-projet pluridisciplinaires.
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