Pergame : la police aurait géolocalisé illégalement les téléphones portables
Sécurité : Mediapart révèle l'existence d'un programme de surveillance par géolocalisation de téléphones portables. "Expérimental", il aurait tourné pendant deux mois et servi pour des enquêtes.
En visitant l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) le 11 janvier dernier, Manuel Valls et Fleur Pellerin ne se doutaient sans doute pas qu'ils seraient les responsables indirects de la mort de Pergame. Mediapart, qui révèle l'existence de ce programme de surveillance ce matin [accès payant], explique qu'il a été « débranché en catastrophe » à la suite de leur visite.
« Expérimental ». Autant dire que Pergame – Plateforme d'exploitation et de recueil des géolocalisations appliquées à des mobiles en émission » n'a aucun caractère légal. Ce qui n'a pas empêché la police de l'utiliser pendant plus de deux mois, entre le 7 novembre 2012 et le 11 janvier 2013, pour géolocaliser plusieurs centaines de personnes grâce à leur téléphone mobile.
Dans un serveur qu'on appelle Pergame
Le 11 janvier 2013, les deux ministres font leur petit tour à l'OCLCTIC, rapporte Mediapart, qui cite « une note interne rédigée par le secrétariat général » du ministère de la justice. Ils viennent montrer leur volonté de lutter contre la cybercriminalité. C'est justement dans l'administration, située à Nanterre, que sont situés les serveurs de Pergame.
Le même jour, à 18h15, ordre est donné de tout débrancher. Il faudra quelques minutes pour que 200 lignes « branchées » soient coupées. « En clair, deux cents téléphones portables dont les données de géolocalisation avaient été requises pour des enquêtes judiciaires, principalement dans des affaires de criminalité organisée, notamment de stupéfiants, » explique Mediapart, qui précise que tous les services, police et gendarmerie, sont concernés.
Une enquête administrative a été ouverte dans la foulée, qui regroupe « plusieurs documents et témoignages » cités par la note interne consultée par le journal. Cette note relève une « transgression des dispositifs réglementaires constitutive de graves infractions pénales ».
Les conséquences potentielles sont énormes. D'abord parce que, Mediapart ayant révélé l'affaire, il va être difficile de la cacher sous le tapis des arrangements avec le droit. Ensuite parce que les affaires instruites à partir des données recueillies par Pergame sont passibles d'une annulation pour vice de procédure.
"Mesures internes" prises
Enfin, parce que la note précise que « toutes les personnes du ministère de l'intérieur […] qui ont apporté leur concours à la mise en place de cette plateforme sont susceptibles d'être poursuivies comme auteur et complice » des infractions relevées. Peine maximale prévue : cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.
Nous laisserons à Mediapart ce qui appartient à Mediapart. L'enquête est édifiante, et fait état d'auditions au sein des services, y compris dans la hiérarchie de la police. Valérie Maldonado, la directrice de l'OCLCTIC, a été auditionnée et refuse tout commentaire au journal.
On ne sait aujourd'hui si des têtes tomberont ou si l'enquête aboutira sur une remise à plat du système. Quelles que soient les conséquences, le ministère de la justice relève déjà « de graves infractions pénales » et estime que les « garde-fous » qui auraient dû empêcher le programme « n'ont pas fonctionné ». Le ministère de l'intérieur, lui, affirme avoir pris « des mesures internes afin que ce processus ne puisse se reproduire ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire