Accord du 26 mars 2010 sur
le harcèlement et la violence au travail
PREAMBULE
Le respect de la dignité des personnes à tous les niveaux est un principe fondamental qui ne peut être transgressé, y compris sur le lieu de travail. C’est pourquoi le harcèlement et la violence, qui enfreignent très gravement ce principe, sont inacceptables. Les parties signataires les condamnent sous toutes leurs formes.
Elles estiment qu’employeurs et salariés ont un intérêt mutuel à traiter, notamment par la mise en place d'actions de prévention, cette problématique, qui peut avoir de graves conséquences sur les personnes et est susceptible de nuire à la performance de l'entreprise et de ses salariés.
Elles considèrent comme étant de leur devoir et de leur responsabilité de transposer, par le présent accord, l’accord cadre autonome signé par les partenaires sociaux européens le 15 décembre 2006 sur le harcèlement et la violence au travail.
Prenant en compte :
les dispositions des législations européenne et nationale qui définissent l’obligation de l’employeur de protéger les salariés contre le harcèlement et la violence sur le lieu de travail ;
et le fait que le harcèlement et/ou la violence au travail peuvent prendre différentes formes, susceptibles :
- d'être d’ordre physique, psychologique et/ou sexuel,
- de consister en incidents ponctuels ou en comportements systématiques,
- d'être exercés entre collègues, entre supérieurs et subordonnés, ou par des tiers tels que clients, consommateurs, patients, élèves, etc.,
- d'aller de cas mineurs de manque de respect à des agissements plus graves, y compris des délits, exigeant l’intervention des pouvoirs publics,
les parties signataires reconnaissent que le harcèlement et la violence peuvent affecter potentiellement tout lieu de travail et tout salarié, quels que soient la taille de l’entreprise, son champ d’activité ou la forme du contrat ou de la relation d’emploi.
Cependant, certaines catégories de salariés et certaines activités sont plus exposées que d’autres, notamment, s’agissant des agressions externes, les salariés qui sont en contact avec le public. Néanmoins, dans la pratique, tous les lieux de travail et tous les salariés ne sont pas affectés.
Le présent accord vient compléter la démarche initiée par l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail (signé le 24 novembre 2008) dont les dispositions abordent les aspects organisationnels, les conditions et l’environnement de travail.
Il vise à identifier, à prévenir et à gérer deux aspects spécifiques des risques psychosociaux - le harcèlement et la violence au travail.
Dans cette perspective, les parties signataires réaffirment leur volonté de traiter ces questions en raison de leurs conséquences graves pour les personnes ainsi que de leurs coûts sociaux et économiques. Elles conviennent, en conséquence, de prendre des mesures de protection collective visant à améliorer la santé et la sécurité au travail des salariés, de veiller à l’environnement physique et psychologique du travail. Elles soulignent également l’importance qu'elles attachent au développement de la communication sur les phénomènes de harcèlement et de violence au travail, ainsi qu'à la promotion des méthodes de prévention de ces phénomènes.
Sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le présent accord traite des formes de harcèlement et de violence au travail qui ressortent de la compétence des partenaires sociaux et correspondent à la description qui en est faite à l'article 2 ci-dessous.
ARTICLE 1 : OBJECTIFS DE L’ACCORD
Le présent accord a pour objectifs :
- d’améliorer la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs, des salariés et de leurs représentants à l’égard du harcèlement et de la violence au travail afin de mieux prévenir ces phénomènes, les réduire et si possible les éliminer ;
- d’apporter aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, à tous les niveaux, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail.
Ces objectifs s'imposent à l'ensemble des entreprises, quel que soit leur effectif. Les modalités retenues pour les atteindre devront être adaptées à la taille des entreprises.
ARTICLE 2 : DEFINITION, DESCRIPTION ET IDENTIFICATION DU HARCELEMENT ET DE LA VIOLENCE AU TRAVAIL
1. Définition et description générale
Le harcèlement et la violence au travail s’expriment par des comportements inacceptables d’un ou plusieurs individus ; ils peuvent prendre des formes différentes (physiques, psychologiques, sexuelles), dont certaines sont plus facilement identifiables que d’autres. L’environnement de travail peut avoir une influence sur l’exposition des personnes au harcèlement et à la violence.
Le harcèlement survient lorsqu’un ou plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétés et délibérés dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail.
La violence au travail se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à l'agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d'agression verbale, d'agression comportementale, notamment sexiste, d'agression physique, …
Les incivilités contribuent à la dégradation des conditions de travail, notamment pour les salariés qui sont en relation quotidienne avec le public, et rendent difficile la vie en commun. Les entreprises qui laissent les incivilités s'installer, les banalisent et favorisent l'émergence d'actes plus graves de violence et de harcèlement.
Le harcèlement et la violence au travail peuvent être exercés par un ou plusieurs salariés ou par des tiers avec pour but ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'un salarié, affectant sa santé et sa sécurité et/ou créant un environnement de travail hostile.
Les phénomènes de stress lorsqu'ils découlent de facteurs tenant à l’organisation du travail, l’environnement de travail ou une mauvaise communication dans l’entreprise peuvent conduire à des situations de harcèlement et de violence au travail plus difficiles à identifier.
2. Cas particulier de harcèlement et de violence au travail
Certaines catégories de salariés peuvent être affectées plus particulièrement par le harcèlement et la violence en raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, ou de la fréquence de leur relation avec le public. En effet, les personnes potentiellement exposées à des discriminations peuvent être plus particulièrement sujettes à des situations de harcèlement ou de violence au travail.
3. Violences faites aux femmes
En ce qui concerne plus particulièrement les violences faites aux femmes, la persistance des stéréotypes et des tabous ainsi que la non reconnaissance des phénomènes de harcèlement sexuel, nécessite une forte sensibilisation à tous les niveaux de la hiérarchie et la mise en place de politiques de prévention, et d'accompagnement dans les entreprises. Il s’agit notamment d’identifier ces stéréotypes et de les démystifier en réfutant les représentations erronées de la place des femmes dans le travail. Une telle démarche s’inscrit notamment dans une approche volontariste et opérationnelle pour combattre ces phénomènes qui peuvent se révéler dans le cadre du travail au travers de situations de harcèlement et de violence au travail.
ARTICLE 3 : ENGAGEMENTS DES EMPLOYEURS ET DES SALARIES
Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
De même, aucun salarié ne doit subir des agressions ou des violences dans des circonstances liées au travail, qu’il s‘agisse de violence interne ou externe :
- la violence au travail interne est celle qui se manifeste entre les salariés, y compris le personnel d’encadrement,
- la violence au travail externe est celle qui survient entre les salariés, le personnel d’encadrement et toute personne extérieure à l’entreprise présente sur le lieu de travail.
En conséquence, l’employeur prend toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir de tels agissements :
Les entreprises doivent clairement affirmer que le harcèlement et la violence au travail ne sont pas admis. Cette position qui peut être déclinée sous la forme d’une « charte de référence » précise les procédures à suivre si un cas survient. Les procédures peuvent inclure une phase informelle, durant laquelle une personne ayant la confiance de la direction et des salariés est disponible pour fournir conseils et assistance.
La diffusion de l’information est un moyen essentiel pour lutter contre l’émergence et le développement du harcèlement et de la violence au travail. A cet effet, la position ci-dessus, lorsqu'elle fait l'objet d'un document écrit ou de la « charte de référence », est annexée au règlement intérieur dans les entreprises qui y sont assujetties.
ARTICLE 4 : PREVENTION, IDENTIFICATION ET GESTION DES PROBLEMES DE HARCELEMENT ET DE VIOLENCE AU TRAVAIL
L’employeur, en concertation avec les salariés et/ou leurs représentants, prend les mesures nécessaires en vue de prévenir et gérer les agissements de harcèlement et de violence au travail.
A cet effet, il apparaît important de recenser, le cas échéant, les phénomènes de harcèlement ou de violence au travail afin d’en mesurer l’ampleur, d’en appréhender les circonstances, et de rechercher les mesures de prévention adéquates.
Le harcèlement et la violence au travail ne peuvent se présumer. Toutefois, en l’absence de dénonciation explicite, les employeurs doivent manifester une vigilance accrue à l’apparition de certains indicateurs ou indices tels que des conflits personnels répétés, des plaintes fréquentes de la part de salariés, ou des passages à l’acte violents contre soi-même ou contre d’autres.
1. Prévention des problèmes de harcèlement et de violence au travail
Une meilleure sensibilisation et une formation adéquate des responsables hiérarchiques et des salariés réduisent la probabilité des cas de survenance de harcèlement et de violence au travail. Aujourd’hui, la formation au management proposée dans les différentes écoles ou universités ne prend pas suffisamment en compte la formation à la conduite des équipes. Aussi, ces programmes de formation doivent davantage intégrer la dimension relative à la conduite des hommes et des équipes, et aux comportements managériaux.
Cette sensibilisation et cette formation passe par la mobilisation des branches professionnelles qui mettront en place les outils adaptés à la situation des entreprises de leur secteur professionnel.
Ainsi, les outils nécessaires pourront être élaborés afin de favoriser la connaissance des employeurs et des salariés des phénomènes de harcèlement et de violence au travail et de mieux appréhender leurs conséquences au sein de l'entreprise.
Par ailleurs, les mesures visant à améliorer l’organisation, les processus, les conditions et l’environnement de travail et à donner à tous les acteurs de l’entreprise des possibilités d’échanger à propos de leur travail participent à la prévention des situations de harcèlement et de violence au travail.
En cas de réorganisation, restructuration ou changement de périmètre de l’entreprise, celle-ci veillera à penser, dans ce nouveau contexte, un environnement de travail équilibré.
Les branches professionnelles s’emploieront avec les organisations syndicales de salariés à aider les entreprises à trouver des solutions adaptées à leur secteur professionnel.
Lorsqu’une situation de harcèlement ou de violence est repérée ou risque de se produire, le salarié peut recourir à la procédure d’alerte prévue en cas d’atteinte au droit des personnes.
Les parties signataires rappellent que les services de santé au travail qui associent des compétences médicales et pluridisciplinaires sont les acteurs privilégiés de la prévention du harcèlement et de la violence au travail. Outre leur rôle d'information et de sensibilisation des salariés ou de l'employeur confrontés à ces phénomènes, ils peuvent participer à l'élaboration de formations adaptées et d'une politique de sécurité, au niveau approprié de l'entreprise.
Le médecin du travail joue dans ce cadre un rôle particulier tenant au respect du secret médical tel qu’il est attaché à sa fonction et auquel il est tenu.
Dans le cadre des attributions des institutions représentatives du personnel, le CHSCT agit, en lien avec le comité d’entreprise, pour la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement. Il peut notamment proposer des actions de prévention en matière de harcèlement et de violence au travail. En cas de refus de l’employeur, ce refus doit être motivé.
2. Identification et gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail
Sans préjudice des procédures préexistantes dans l'entreprise, une procédure appropriée peut être mise en place pour identifier, comprendre et traiter les phénomènes de harcèlement et de violence au travail.
Elle sera fondée sur les éléments suivants, sans pour autant s'y limiter :
il est dans l’intérêt de tous d’agir avec la discrétion nécessaire pour protéger la dignité et la vie privée de chacun ;
aucune information, autre qu'anonymisée ne doit être divulguée aux parties non impliquées dans l’affaire en cause ;
les plaintes doivent être suivies d’enquêtes et traitées sans retard ;
toutes les parties impliquées doivent bénéficier d’une écoute impartiale et d’un traitement équitable ;
les plaintes doivent être étayées par des informations détaillées ;
les fausses accusations délibérées ne doivent pas être tolérées, et peuvent entraîner des mesures disciplinaires ;
une assistance extérieure peut être utile Elle peut notamment s'appuyer sur les services de santé au travail.
Dans le respect de ces orientations, une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement ou par la personne mise en cause.
Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.
Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au conflit.
L'employeur peut avoir recours aux compétences pluridisciplinaires du service de santé au travail dès l'identification de phénomènes de harcèlement et de violence au travail jusqu'à la mise en œuvre d'actions de prévention.
Les employeurs, en concertation avec les salariés et/ou leurs représentants, établissent, revoient et suivent ces procédures pour assurer leur efficacité, tant en matière de prévention qu’en matière de traitement des problèmes éventuels.
ARTICLE 5 : SANCTIONS A L’ENCONTRE DES AUTEURS DE HARCELEMENT ET DE VIOLENCE AU TRAVAIL ET MESURES D’ACCOMPAGNEMENT DES SALARIES HARCELES OU AGRESSES
1. Sanction à l’encontre des auteurs de harcèlement ou de violence
S’il est établi qu’il y a eu harcèlement ou violence, des mesures adaptées sont prises à l’égard du ou des auteur(s). Le règlement intérieur précisera les sanctions applicables aux auteurs des agissements de harcèlement ou de violence.
2. Mesures d’accompagnement des salariés harcelés ou agressés
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement ou de violence ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
La(les) victime(s) bénéficie(nt) d’un soutien et, si nécessaire, d’une aide à leur maintien, à leur retour dans l’emploi ou à leur réinsertion.
Des mesures d’accompagnement prises en charge par l’entreprise sont mises en œuvre en cas de harcèlement avéré ou de violence, pouvant porter atteinte à la santé. Celles-ci sont avant tout destinées à apporter un soutien à la victime, notamment au plan médical et psychologique.
S’agissant des agressions par des tiers, l’entreprise pourra prévoir des mesures d’accompagnement, notamment juridique, du salarié agressé.
L’employeur, en concertation avec les salariés ou leurs représentants, procèdera à l’examen des situations de harcèlement et de violence au travail lorsque de telles situations sont constatées, y compris au regard de l’ensemble des éléments de l’environnement de travail : comportements individuels, modes de management, relations avec la clientèle, mode de fonctionnement de l’entreprise, ...
ARTICLE 6 – PROMOTION, SUIVI ET EVALUATION
Les parties signataires assureront la diffusion et la promotion du présent accord auprès des salariés et des entreprises. Elles s’attacheront également à la situation dans les TPE/PME.
Elles insistent sur le rôle fondamental que doivent jouer les branches professionnelles en la matière.
Les partenaires sociaux établiront un rapport annuel conjoint, communiqué aux partenaires sociaux européens dans le cadre du suivi du déploiement de l'accord autonome européen.
A l'issue d'un délai de deux ans suivant la publication de l'arrêté d'extension de l'accord, les partenaires sociaux se réuniront pour évaluer la mise en œuvre de l'accord à tous les niveaux.
ARTICLE 7 : EXTENSION
Les parties signataires demanderont, à l'initiative de la partie la plus diligente, l'extension du présent accord.
Paris, le 26 mars 2010
Pour les employeurs Pour les salariés
MEDEF
Mouvement des Entreprises de France CFDT
Confédération Française Démocratique du Travail
CGPME
Confédération Générale des Petites
et Moyennes Entreprises
CFE-CGC
Confédération Française de l'Encadrement –
Confédération Générale des Cadres
UPA
Union Professionnelle Artisanale CFTC
Confédération Française des Travailleurs Chrétiens
CGT-FO
Confédération Générale du Travail Force Ouvrière
CGT
Confédération Générale du Travail
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