Velaux : la jeune expulsée marocaine est rentrée "à la maison"
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Publié le samedi 13 mars 2010 à 10H14
Samira, 25 ans, a vécu deux ans d'exil. Elle a retrouvé hier sa famille à Velaux
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Samira Bobouche au côté de Jean-Claude Appariccio, de la Ligue des droits de l'Homme,, ancien responsable départemental et régional de la CFDT , avec son passeport marocain et son visa. Ses premiers papiers d'identité.
Photo Sophie SPITERI
Jusqu'au dernier moment, Samira a eu peur, s'agrippant à son passeport marocain-ses premiers papiers d'identité- flanqué d'un visa long séjour pour la France. Lorsqu'elle a atterri à Marignane, et qu'au contrôle, un policier a longuement regardé les dessins au henné sur ses mains. Hier soir, Samira Bobouche, 25 ans, a retrouvé sa chambre, "bien mise, avec tous les souvenirs, comme lors de son départ", assure son père. Elle avait été expulsée en 2007 vers le Maroc. Arrivée sept ans auparavant en France avec sa soeur jumelle Saïda pour rejoindre son père, ancien travailleur agricole installé à Velaux, dans les Bouches-du-Rhône, depuis 40 ans. Ils avaient cette existence modeste mais unie, dans un village où tout le monde se connaît. Le regroupement familial refusé, Samira et Saïda sont devenues à leur majorité des sans-papiers, fréquentant le lycée de Saint-Chamas. Samira s'occupait d'une jeune fille autiste qui avait accompli des progrès remarquables.Elle voulait s'occuper d'enfants handicapés quand, lors d'un contrôle, elle a été arrêtée. La douce jeune femme, alors aux joues un peu rondes, s'est retrouvée au centre de rétention du Canet à Marseille et a été embarquée dans un cargo. Sans argent, sans affaire, avec un téléphone sans batterie. Malgré la mobilisation de Réseau éducation sans frontière, de la Ligue des droits de l'Homme, Samira s'est retrouvée dans un pays inconnu, où sa mère ne l'a pas accueillie. Elle a vécu cinq mois de galère, entre hôtel et famille d'accueil, aidée par le réseau marocain de RESF, avant de se résoudre à aller vivre chez sa soeur, près de Guercif. "Je ne l'avais pas vue depuis sept ans. Elle m'a recueillie, mais là-bas, elle n'a pas les moyens, avec trois enfants. On vivait dans une maison sans eau ni électricité. Le plafond tombait. Quand je parlais, les gens ne me comprenaient pas. Je ne pouvais pas sortir. Même pas travailler." C'est la première fois que Samira est séparée de sa soeur jumelle et de son père. Hier soir à Velaux, dans la salle des fêtes où un pot était organisé, Samira est restée accrochée au bras de son père, lui tirant une chaise pour qu'il se repose, saluant des inconnus dont la voix, par-dessus la Méditerranée, l'ont portée pendant ces deux année s: Jean-Claude Appariccio, de la LDH, qui a forcé les portes de sa régularisation, Christine, Fanny et les autres de RESF, d'anciens profs, amis de collège, qui n'ont cessé de prendre de ses nouvelles, de l'aider, de tout tenter pour la faire revenir. Le maire lui avait trouvé un emploi, des courriers ont été écrits aux autorités, en vain: pendant deux ans, Samira s'est retrouvée en exil. "Je me réveillais le matin dans l'attente d'un appel. J'ai pleuré. Tellement pleuré." Il y a peu, sa soeur, qui effectue des études de droit, a bénéficié d'un titre de séjour régulier et la machine solidaire s'est relancée. Samira contemple ce bout de papier, ce visa de long séjour en France, un peu perdue. Elle a retrouvé ses lentilles de contact, et son père dit: "Pardi, que je suis heureux". Il remercie le préfet, le consul, les amis, les voisins... "Ils m'ont sorti le chagrin de ma poitrine." Samira est un peu perdue dans la salle des fêtes, n'arrive pas tout à fait à être franchement heureuse. Il lui reste en mémoire des images qu'elle n'ose livrer pour ne pas inquiéter le père, pour ne pas choquer les amis français, d'un sale voyage en fond de cale, de la détresse de se retrouver si seule, démunie, "à l'étranger", alors encore terriblement gamine. Aujourd'hui, beaucoup trop grave pour son âge. "Les enfants... J'aimerais beaucoup toujours m'occuper d'enfants handicapés", confie-t-elle.
Carole BARLETTA
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