lundi 26 mars 2012

Terrorisme et Internet : la mesure de Nicolas Sarkozy bancale juridiquement

par La rédaction de ZDNet.fr, ZDNet France. Publié le vendredi 23 mars 2012
Terrorisme et Internet : la mesure de Nicolas Sarkozy bancale juridiquementDébat - Transposer le principe du droit existant en matière de lutte contre la pédopornographie à la lutte contre le terrorisme, c’est la proposition du président candidat. Mais en quête de suffrages, Nicolas Sarkozy privilégie la communication politique et néglige les questions de faisabilité juridique, voire d’efficacité.
Le candidat réendosse-t-il, comme avant 2007, le costume du ministère de l’intérieur ? Il n’a en tout cas pas tardé, après un fait d’actualité majeur, à annoncer de nouvelles mesures sur son terrain favori, celui de la sécurité.
Le président, avocat de formation, s’y est déjà essayé à plusieurs reprises durant son mandat, et notamment en 2011 au travers d’une énième loi sur la récidive suite au meurtre de la jeune Laëtitia. Il avait finalement été désavoué par le Conseil constitutionnel.
Conflit avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel
En proposant de pénaliser la consultation « de manière habituelle » des sites Internet considérés comme faisant l'apologie du terrorisme ou appelant à la haine, Nicolas Sarkozy, probablement plus en campagne que dans sa fonction de président de la République, ne semble pas non plus s’embarrasser des aspects juridiques, ni même de l’efficacité d’une telle mesure.
Car comme le rapporte FranceTV, les spécialistes du droit constitutionnel sont pour le moins sceptiques, autant sur la forme que sur le fond. Ces mesures sont « annonciatrices d'un déséquilibre entre ces libertés [Ndlr : libertés fondamentales] et la sauvegarde de l'ordre public, elles se heurtent très clairement à la jurisprudence appliquée jusqu'à présent par le Conseil constitutionnel » selon Didier Maus, professeur de droit constitutionnel.
Pour l’avocat Étienne Wery, interrogé dans Le Point, une ingérence dans les libertés fondamentales doit aussi respecter la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour cela, la mesure doit être proportionnée au but poursuivi. Or sur ce point, le débat est loin d'être tranché en raison de sa complexité - complexité illustrée par un rapport du Parlement européen.
En manière de pénalisation de la consultation, Nicolas Sarkozy s’inspire directement du droit existant en matière de lutte contre la pédopornographie. Mais le fait que des textes existent n’implique pas nécessairement qu’ils puissent servir la lutte contre le terrorisme.
La preuve apportée qu'après le passage à l'acte
« Dans le cas de la pédopornographie, il y a des victimes qui ont été maltraitées et l'on peut par conséquent considérer que l'interdiction de consultation de sites mettant à disposition des images de mineurs à caractère pornographique est proportionnée, car c'est le marché à sa source qu'il s'agit de tarir. Acceptera-t-on la même chose pour les sites faisant l'apologie du terrorisme ? Comment d'ailleurs définir l'apologie du terrorisme ? Est-ce qu'un site radical islamiste reprenant certains versets du Coran en fait partie ? » s'interroge auprès de nos confrères, Étienne Wery.
La secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, Blanche Régnier, pointe sur les Ecrans une autre question, celle de l’efficacité même de la mesure. Encore une fois, la loi sur la pédopornographie ne peut être transposée sans complications.
« Mon expérience de juge d’instruction, c’est que la justice n’arrive à prouver qu’il y a eu “consultation habituelle” de sites interdits qu’après un passage à l’acte. La preuve est en général réunie lors d’une perquisition. Pour l’établir avant le passage à l’acte, il faut un travail d’enquête de police par des brigades qui assurent une veille spécialisée. »
D’autres juristes et spécialistes des questions Internet estiment quant à eux que les individus susceptibles de commettre des actes terroristes et de s’informer sur des sites liés à de tels mouvements, et donc le plus susceptibles de représenter un risque, font déjà usage de technologies permettant de masquer leur identité numérique.

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