jeudi 15 mars 2012

Forum mondial de l'eau à Marseille : "Eau potable : un litre sur quatre n’arrive pas au robinet" pendant que 1 milliard d'humains manquent d'eau

Un taux de fuite du réseau de distribution d’eau de 24 %, un rythme extrêmement lent de renouvellement du patrimoine, dont la connaissance et la gestion sont jugés passables : tels sont les principaux enseignements du premier rapport publié mercredi 14 mars 2012, dans le cadre du Forum mondial de l’eau de Marseille, par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques.
« Un litre sur quatre est perdu avant d’être distribué au robinet », constate Odile Gauthier, directrice de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie. Les 850 000 km de canalisations affichent un rendement moyen de 76 %, qui masque des extrêmes allant de 50 % (Aisne, Var) à 96 % (Paris), selon le premier rapport publié par le jeune Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, créé au sein de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema).
La performance est plus faible en milieu rural qu’urbain (75 % contre 79 %), précise ce « panorama des services et de leurs performances », basé sur des données de 2009(1).
La consommation moyenne d’eau est de 150 litres par jour et par habitant, soit 54,7 m3 par an. Avec 98 % de conformité microbiologique et 97 % de conformité physico-chimique, la qualité de l’eau est jugée « excellente ».
Un siècle et demi pour renouveler les réseaux - La loi Grenelle du 12 juillet 2010 impose la réalisation d’inventaires détaillés des réseaux de distribution avant fin 2013 et l’élaboration de plans d’actions en 2014, en vue d’atteindre un rendement de 85 %.
« La réduction des fuites correspond (…) à un impératif économique et environnemental », soulignent les auteurs du rapport. Sur les cinq dernières années, le taux de renouvellement moyen des réseaux est estimé à 0,61 % pour l’eau potable et à 0,71 % pour l’assainissement (400 000 km de tuyaux).
A ce rythme, leur remplacement intégral prendrait respectivement 160 et 150 ans.
« L’indice de connaissance et de gestion patrimoniales montre que des progrès restent à faire », observe sobrement l’Observatoire : il s’établit à 57 points sur 100 pour les services d’eau potable et à 56 pour ceux d’assainissement collectif.
La connaissance du patrimoine est pourtant « une condition essentielle de la gestion durable des services », énonce René Lalement, directeur de la connaissance et de l’information de l’Onema.
L’indice augmente avec la taille du service, en lien avec les ressources humaines et financières.
Poids croissant de l’assainissement - Le prix moyen du m3 est de 3,62 euros (1,55 euro pour l’eau potable ; 1,54 euro pour l’assainissement et 0,53 euro HT/m3 pour la TVA et les redevances aux agences de l’eau et à Voies navigables de France).
Là encore, les écarts sont élevés, avec une fourchette variant de 1 à 7 euros, selon Odile Gauthier. « La part de l’assainissement est croissante, les services ayant investi une cinquantaine de milliards d’euros depuis 10 ans pour respecter la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 1991 », poursuit la directrice de l’eau et de la biodiversité.
Les données de l’Observatoire ne permettent pas encore de comparer les services de profil comparable selon leur mode de gestion, directe ou déléguée. Pour René Lalement, ce paramètre paraît néanmoins peu discriminant au regard des trois critères majeurs de différentiation des services :
  • densité de population,
  • importance des volumes d’eau importés d’autres territoires
  • et part de l’eau souterraine (de meilleure qualité que l’eau superficielle) dans les volumes produits.
Trop-plein de services - Qu’ils soient gérés en régie ou fassent l’objet d’une délégation de service public, les 31 445 services publics (14 217 d’eau et 17 228 d’assainissement) présentent un émiettement singulier au sein de l’Union européenne (la Grande-Bretagne, par exemple, n’en compte qu’une vingtaine).
« Il y aura des réformes à faire, présage Daniel Marcovitch, vice-président du Conseil national de l’eau et conseiller de Paris. Il faudra opérer des groupements pour être plus performant en termes d’organisation, d’ingénierie, de collecte de fonds et pour réaliser des économies d’échelle. »
Un mouvement déjà amorcé dans le cadre de la réforme des collectivités, note la représentante du gouvernement. « Ce regroupement ira de pair avec la montée en compétences », conclut Odile Gauthier.
Note 01: Dont les 1,2 million de données brutes seront accessibles, à partir du 22 mars, sur data.gouv.fr . -
Références
Le rapport complet
La reconnaissance officielle du rôle des autorités locales et régionales dans la gestion de l’eau et de l’assainissement, figurant dans la déclaration ministérielle adoptée le 13 mars 2012 au Forum mondial de l’eau, est unanimement saluée par les représentants d’associations d’élus présents à Marseille. Dans la foulée, les élus locaux socialistes envisagent une réforme de la loi Oudin-Santini.
« Ce fut une longue bataille pour voir reconnue la diplomatie menée par les collectivités, aux côtés des Etats », commente Louis Le Pensec, président de l’Association française des communes et régions d’Europe.
Au nom de l’Association des maires de France, Henri Bégorre salue une « énorme avancée », porteuse d’un « changement considérable pour les partenaires des collectivités françaises dans les pays en développement » : l’échelon local (qui peut être, comme en Egypte, l’antenne décentralisée d’un organisme d’Etat) devrait à l’avenir disposer des moyens pour entretenir les infrastructures et le matériel installés grâce à la solidarité internationale, espère le maire de Maxéville (Meurthe et Moselle).
« En général, le fonctionnement est assuré pour l’eau potable mais pas du tout pour l’assainissement », témoigne l’élu également vice-président de la communauté urbaine du Grand Nancy, en se référant à son expérience à Bamako (Mali).
Fonds national - Michel Delebarre, président de Cités-Unies France, devrait proposer, jeudi 15 mars en séance plénière, une réforme de la loi Oudin-Santini de janvier 2005(1) : l’ensemble des ressources mobilisées par les services publics d’eau et d’assainissement ainsi que par les agences de l’eau serait mutualisé au sein d’un fonds national, que gérerait une structure appelée à doubler la mise rassemblée par les acteurs locaux et de bassin.
Michel Destot, président de l’Association des maires des grandes villes de France, suggère « d’élargir le périmètre » de la loi afin que puissent être « abondées les politiques de solidarité dans d’autres secteurs ».
Il cite ainsi sa ville de Grenoble (Isère), où un modique prélèvement sur les recettes issues du stationnement contribue au développement des transports à Ouagadougou (Burkina-Faso).
Note 01: qui permet d’affecter jusqu’à 1 % des recettes à des actions de coopération décentralisée.

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