lundi 26 décembre 2011

Dans une tribune publiée par Libération, François Chérèque répond aux neuf dirigeants de multinationales françaises qui viennent de prendre un engagement public à agir dans leurs entreprises pour le développement économique et social de la France.

Neuf dirigeants de multinationales françaises (lire la tribune) viennent de prendre un engagement public à agir dans leurs entreprises pour le développement économique et social de la France (le Monde du 7 décembre). Dans la période actuelle, qui conduit au repli et à une certaine résignation, cette initiative n’est pas banale.



Nous affrontons une crise particulièrement grave dont la conséquence la plus alarmante sur le plan social est l’accroissement du chômage et, plus préoccupant encore, la difficulté des jeunes d’accéder à l’emploi. Ce gâchis social et économique pousse des milliers de jeunes à s’indigner face à l’avenir qu’on ne leur propose pas. Cette crise met à mal nos protections sociales ; elle précarise les plus précaires, appauvrit les plus pauvres.



Quand on examine la situation des entreprises du CAC 40, ce qui saute aux yeux c’est la bonne santé financière et économique de la plupart d’entre elles, même si ce n’est pas le cas dans quelques secteurs en mutation profonde. Cette bonne santé tient de plus en plus à leur activité dans les pays émergents et au développement économique de ceux-ci. Cette activité internationale qui est, en soi, une bonne chose dans une économie ouverte doit être un moyen de consolider l’emploi en France. Les entreprises du CAC 40 se caractérisent aussi par un ensemble de conditions sociales de leurs salariés assez largement au-dessus de la moyenne, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de leurs fournisseurs et sous-traitants pourtant indispensables à leur activité.



Dans ce contexte difficile, la CFDT ne peut que se réjouir de voir les patrons de ces entreprises considérer que l’avenir du pays fait partie de leur responsabilité et de vouloir l’assumer en choisissant les bons thèmes pour leurs engagements. Favoriser l’emploi des jeunes en privilégiant ceux qui sont le plus en difficulté, en développant l’alternance au-delà des besoins stricts de l’entreprise est vital si l’on refuse d’accepter qu’une génération soit sacrifiée. Développer l’employabilité de tous les salariés favorise leur parcours professionnel et permet les mobilités positives qui vont être au cœur des mutations économiques et industrielles futures. Promouvoir des politiques de coopération entre grands groupes et PME est nécessaire à la croissance de ces dernières et à l’organisation de filières, ce qui est une des clés du développement industriel, comme en atteste la réussite allemande. C’est aussi une condition pour tourner le dos aux pratiques trop fréquentes où le sous-traitant est tenu de répondre aux exigences de coût et de délai, au prix de conditions de travail et d’emploi dégradées pour les salariés.



Après avoir salué la démarche, reste la question principale : s’agit-il là d’un coup de pub destiné à redorer le blason des grandes entreprises ou d’un engagement déterminé à changer les choses ? La première hypothèse serait catastrophique et, si elle se vérifiait, reviendrait en boomerang interpeller les initiateurs. Il n’y a selon nous qu’une manière d’assurer qu’il s’agit bien de la seconde : que, dans chacune des neuf entreprises, les directions entament avec les organisations syndicales un dialogue débouchant sur la mise en œuvre concrète de ces engagements. Dans ce cas, la CFDT saura répondre présent et sera force de proposition, exigeante sur les modalités et l’évaluation de ces engagements.



Neuf entreprises qui s’engagent, c’est positif, cela doit en appeler d’autres à le faire. On ne relèvera les défis économiques et sociaux auxquels notre pays est confronté que si chaque entreprise assume ses responsabilités. Alors que la dégradation de la situation économique risque de s’accompagner d’une nouvelle dégradation de l’emploi, faire de la dimension sociale un enjeu pour la pérennité de l’entreprise et le développement du pays est vital. Cela devrait être la ligne directrice de la stratégie des entreprises. Cela suppose aussi que les organisations patronales fassent preuve d’audace et d’engagement. Nous devons, partenaires sociaux, organisations syndicales et patronales, démontrer que ces défis sont les nôtres et que nous nous y attelons.







François Chérèque





Les entrepreneurs doivent s'engager pour l'emploi






Dirigeants de grandes entreprises françaises, nous sommes attachés au développement économique et social de nos sociétés, de notre pays et à l'ancrage territorial de nos activités, et ce même si pour beaucoup d'entre nous ce développement se réalise de plus en plus à l'international en tirant parti de la croissance des autres régions du monde.






Dans un contexte difficile sur le plan financier, économique et social, nous avons décidé de nous engager à renforcer le tissu économique local, en investissant dans les compétences pour demain, levier de la compétitivité du pays à travers une démarche que nous voulons publique et expérimentale.






Elle porte sur six actions pour les jeunes, les salariés et les territoires. En prenant ces engagements, nos entreprises s'inscrivent dans le contexte de changements qui leur paraissent importants pour le développement économique et social du pays : favoriser le dialogue social pour négocier les transformations auxquelles les entreprises sont confrontées et rechercher des solutions partagées ; assurer une stabilité et une visibilité du cadre légal permettant de prendre des engagements durables et sécurisés ; réformer les protections sociales et leurs modes de financement pour faire face aux enjeux démographiques, sociaux et financiers.






D'ores et déjà, nous nous engageons, pour former et transmettre les compétences, à renforcer, à amplifier ou à mettre en oeuvre les actions suivantes.






1. Dans un contexte de crise, les jeunes les moins qualifiés et les moins proches de l'entreprise accèdent peu à l'emploi. C'est pourquoi, afin de leur permettre de maximiser leurs chances dès la fin de leur formation, nous nous engageons à soutenir l'apprentissage par l'alternance.






Tout d'abord, en favorisant l'accès à l'alternance aux jeunes issus de milieux sociaux défavorisés et en difficulté, notamment en développant des dispositifs d'aide à l'orientation et de préqualification, en partenariat avec des structures spécialisées. Puis, en favorisant l'embauche des jeunes alternants (apprentissage, contrat de qualification) à l'issue des formations, en organisant la mise en réseau avec nos entreprises partenaires au sein de nos filières, notamment en valorisant les compétences acquises au sein de grandes entreprises.






En effet, la création d'emplois et les besoins de recrutement sont plus grands dans les PME qui disposent de moins de capacité de formation que les grandes entreprises.






En parallèle de ces actions, nous nous engageons à promouvoir la mise en place de dispositifs d'encadrement par nos propres salariés, soit pour les aider à choisir leur orientation professionnelle, soit pour les soutenir, une fois leur diplôme obtenu, dans leur recherche d'emploi.






2. Le développement des compétences du salarié et de son employabilité constituent sa première sécurité en matière d'emploi. Afin de le maximiser, nous nous engageons à deux mesures portant sur la formation et sur les seniors.






Premièrement, proposer une formation à tous les salariés au moins une fois tous les trois ans quels que soient leur niveau de qualification et leur âge. En effet, la formation du salarié est le premier vecteur de son employabilité, car elle apporte de la compétence technique liée à la fonction, elle élargit la compréhension de l'environnement économique et social dans lequel il agit et développe ses capacités d'adaptation.






Deuxièmement, développer des démarches de type passeport-formation ou passeport-compétences valorisant dans la durée les acquis des salariés lors de leurs expériences et favorisant des parcours professionnels plus riches. A cet effet, et pour favoriser l'évolution professionnelle, nous appelons les partenaires sociaux à négocier et à favoriser des dispositifs de validation des acquis de l'expérience transversaux aux branches et aux secteurs d'activité.






Au-delà de ces engagements sur le développement de l'employabilité et des parcours professionnels de nos salariés, une attention particulière sera apportée à la prise en compte des seniors, notamment en anticipant l'allongement de la durée de vie professionnelle, en généralisant les bilans à mi-carrière et en étant vigilants sur les modalités d'organisation du travail.






3. Au-delà des jeunes et de nos salariés, nos entreprises opèrent au sein de territoires composés d'une multitude d'acteurs économiques et sociaux dont des PME partenaires en amont et en aval de leur activité : leur écosystème.






Les grandes entreprises ont un rôle déterminant dans les relations qu'elles entretiennent avec ce tissu économique local, dont la performance et la réussite contribuent à leur propre croissance durable, dans une relation d'interdépendance et de codéveloppement.






4. Dans le cadre de leurs relations contractuelles, les grandes entreprises ont déjà négocié avec leurs fournisseurs la mise en place, pour leurs salariés, d'un cadre social cohérent avec leurs ambitions. Nos entreprises veulent aller plus loin et dépasser le simple cadre de la relation contractuelle pour accélérer la croissance des PME opérant sur les mêmes territoires. L'emploi se créant au sein des PME, les grandes entreprises peuvent contribuer à accélérer cette dynamique.






5. D'abord, en développant le mécénat de compétences auprès des PME, et en mettant à disposition les connaissances de nos experts qualifiés pour les soutenir dans leurs projets de croissance. Ce type de mécénat de compétences va permettre de renforcer la filière et, ou, le territoire sur le long terme, tout en valorisant les experts des grandes entreprises et en créant des solidarités entre les différents acteurs. Cette action requiert une clarification du cadre juridique pour la rendre possible.






6. Ensuite, en soutenant la création d'entreprises et l'appui à leur croissance par l'encadrement des jeunes entrepreneurs. L'objectif de cette action sera de faciliter l'accès à un réseau d'acteurs et de décideurs du monde économique, financier et institutionnel ainsi que l'approche des marchés internationaux. Au-delà de cette action commune, nos entreprises s'engagent à mutualiser leurs dispositifs, leurs expériences, dans le domaine du soutien à la création d'entreprise et à l'essaimage.






Nous nous engageons chacun à développer plusieurs de ces six actions dans les trois ans à venir en fonction de nos enjeux. Nous espérons que cette initiative sera reprise et complétée par d'autres entreprises et nous tiendrons à leur disposition les pratiques et les outils que nous développerons.






Nous rendrons publics les évaluations et les enseignements que nous dégagerons de ces expérimentations pour enrichir les pistes d'actions permettant le développement des hommes et des territoires en France.

























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