mercredi 14 décembre 2011

Cancer : les causes environnementales peu à peu esquissées




Le 13 décembre 2011 par Geneviève De Lacour
  
365.000 nouveaux cas de cancer en France en 2011
Le cancer est la première cause de mortalité en France. Mais si la mortalité tend à diminuer, le nombre de malades ne cesse de croître. Alors comment réduire son incidence ? Quelles en sont les causes ? Un colloque international organisé par l’Anses à Paris, le 12 décembre, a permis de faire un point sur l’état des connaissances. Et rappeler les inégalités sociales et géographiques face à la maladie ainsi que les besoins de recherche et de prévention, notamment au niveau professionnel.
A l’automne dernier, le bisphénol A défrayait la chronique. Mais avant lui, l’exposition des travailleurs ou du public à l’amiante, aux pesticides, aux HAP ou aux ondes électromagnétiques ont fait débat. Il faut dire que 365.000 nouveaux cas de cancer sont recensés en France chaque année, et ce nombre ne cesse d’augmenter. Cette tendance générale s’explique, en partie, par l’allongement de l’espérance de vie et l’amélioration du dépistage de la maladie. En partie seulement, car pour 95% des cancers l’origine reste inconnue. Une fois écartée la part attribuable aux modes de vie (tabac, alcool, exposition solaire, alimentation, etc…) et au vieillissement démographique, reste à apprécier le poids des facteurs environnementaux physico-chimiques ou microbiologiques car la très grande majorité des cancers ont une origine multifactorielle. Selon le corps médical, 60% des cancers pourraient être évités, en limitant l’exposition à certains cancérigènes. Encore faut-il pouvoir identifier ces substances et leur mode d’action sur l’organisme.
Lors du colloque organisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), Jane Hoppin, a présenté les résultats d’une grande étude sur l’exposition des agriculteurs américains aux pesticides (Agricultural Health Study). L’étude s’est attardée sur 50 produits parmi les 17.000 pesticides autorisés aux Etats-Unis. 40 sont actuellement disponibles sur le marché, les 10 autres n’étant plus commercialisés. L’épidémiologiste à l’Institut national des sciences de la santé environnementale (Niehs) s’est penchée sur l’origine du cancer de la prostate, le cancer le plus courant chez les hommes. Les scientifiques du Niehs ont réussi  à montrer un risque accru, pour un agriculteur ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate, de développer la maladie. °Pour ces hommes, le risque est estimé à 1,8 fois supérieur en étant exposés à certains pesticides et notamment le fonofos, un insecticide organophosphoré.
Autre résultat intéressant présenté par Francine Laden, de l’école de santé publique de Harvard. L’épidémiologiste a participé à la Nurses’ Health Study qui, depuis 1976, essaye de déterminer les facteurs à l’origine du cancer du sein, le plus fréquent chez la femme, en France. Au total, plus de 250 produits chimiques interfèrent avec notre système endocrinien. Trois facteurs principaux ont été mis en évidence grâce à cette étude menée sur 121.700 femmes américaines : les produits organochlorés, les radiations et le travail de nuit. Ces agents physico-chimiques semblent être plus nocifs à certaines périodes de la vie (in utero, pendant l’adolescence).
Egalement suspectée dans les contaminations au BPA [JDLE], l’existence de ces fenêtres de sensibilité n’a jamais été formellement prouvée. En revanche, les scientifiques américains montrent le rôle primordial joué par la mélatonine, l’hormone sécrétée pendant la nuit lorsque le corps est en éveil. Pour ces femmes faisant des quarts de nuit, le risque de cancer du sein augmenterait ainsi après la ménopause. Autre facteur déclencheur mis en évidence : l’exposition à des radiations ionisantes pendant l’enfance.
Mais ces études cancer expositions-environnementales sont contrariées : par la nature ubiquitaire de certains polluants, les effets des faibles doses difficiles à mettre en évidence, la période de latence qui peut être très longue entre l’exposition et l’apparition de la maladie. Sans oublier, ces phénomènes de fenêtres d’exposition. Ce qui fait que jusqu’à présent, encore peu de facteurs environnementaux ont été identifiés.
Jacqueline Clavel, médecin et épidémiologiste de l’Inserm, a présenté le projet «Geocap» dont l’objectif est de faire le lien entre les cas de cancers infantiles (leucémies) et le lieu d’habitation des enfants. Si les résultats de l’enquête cas-témoin relative à  la proximité des installations nucléaires sont toujours attendus, la scientifique évoque des travaux en cours sur l’exposition des enfants aux lignes électriques à hautes tension. «Il s’agit d’une pure observation épidémiologique», les champs électromagnétiques de basse fréquence étant des cancérigènes possibles.  Différentes études dont la dernière réalisée en 2006 au Japon, a montré un risque multiplié par 2 à proximité de ces installations. « L’association est là ! » déclare l’épidémiologiste. Reste à expliquer les causes de la maladie car les niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques à proximité des lignes à haute tension sont très faibles.
Chaque année, 12 millions de personnes, dans le monde, contractent un cancer. Et 7 millions en meurent. Or, la plupart des malades se trouvent dans des pays pauvres ou en développement. Cette proportion tend d’ailleurs à croître. Lors d’une conférence internationale organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mars dernier à Gijon en Espagne, les scientifiques du centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et ceux de l’OMS ont lancé un appel à l’action. Ils ont réaffirmé que l’exposition environnementale et professionnelle à des cancérogènes peut être évitée. L’ «appel des Asturies » évoque le fait que les recherches sur les causes environnementales du cancer soient renforcées, notamment dans les pays ou régions où l'exposition est particulièrement forte.
Ils appellent également la mise en place de stratégies de prévention dans le cadre de plans nationaux d'action adaptés au fardeau régional du cancer. «Comme le cancer se développe lentement et apparaît souvent des décennies après l'exposition, ce n'est que dans l'avenir qu'apparaîtra le bénéfice de la prévention primaire». Selon eux : «c'est maintenant donc qu'il faut se mobiliser contre ces facteurs de risque qui sont modifiables ».

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