La mixité proportionnelle, plus qu’une obligation légale, une opportunité syndicale
publié le 18/10/2016 à 17H29
par
Aurélie Seigne
La loi Rebsamen impose la mixité proportionnelle des listes à compter du 1er janvier
2017. Toute la CFDT s’est mise en ordre de marche pour aider les
équipes à anticiper cette nouvelle donne. Et saisir l’opportunité de
diversifier le tissu militant.
Au 1er janvier
2017, les élections professionnelles dans toutes les entreprises de
plus de dix salariés devront respecter le principe de la mixité
proportionnelle. C’est ce que prévoit l’article 7 de la loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015, qui vise une « représentation équilibrée des femmes et des hommes ». Il dispose que « pour
chaque collège électoral, les listes [aux élections des délégués du
personnel et du comité d’entreprise] qui comportent plusieurs candidats
sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part
de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont
composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à
épuisement des candidats d’un des sexes ».
Un
nouveau cadre légal qui, constate Marylise Léon, la secrétaire
nationale chargée du dialogue social, suscite beaucoup de
questionnements et d’appréhensions des équipes syndicales. Parce que
dans les milieux très féminins ou très masculins, il apparaît plus
difficile d’aller chercher des candidats de l’autre sexe. Mais aussi du
fait de la crainte de voir les contentieux électoraux se multiplier
(ceux-ci ne peuvent cependant entraîner l’annulation du scrutin ; seuls
les candidats en surnombre ou mal positionnés sur la liste pourraient
voir leur élection invalidée).
Une mesure voulue et défendue par la CFDT
En juin 2017, la parité des conseillers prud’hommes
Le
renouvellement des conseillers prud’hommes en 2017, sur la base des
résultats de la représentativité, devra respecter la parité
femmes-hommes. « Vu qu’aujourd’hui sur les 1 600 conseillers CFDT, à
peine 35% sont des femmes, nous avons un travail très important devant
nous pour parvenir à la parité », reconnaît Marie-Andrée Seguin. Un
plan d’action a d’ores et déjà été lancé à l’été. L’objectif est que
d’ici à la fin octobre, les unions régionales interprofessionnelles et
les fédérations disposent d’un diagnostic précis de leurs conseillers en
matière de sexe et d’âge. « Cette démarche est capitale ; elle
permettra aux structures de savoir où elles en sont afin de se mettre en
ordre de bataille pour présenter en juin des listes mixtes. »
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C’est
pour cette raison que toute l’organisation s’est mise en ordre de
marche afin d’aider les sections syndicales à s’adapter à la nouvelle
donne. Car cette mesure, la CFDT « l’a voulue et défendue »,
souligne la secrétaire nationale chargée de l’égalité femmes-hommes,
Marie-Andrée Seguin. Et de rappeler que les femmes représentent 48 % des
adhérents (le même poids qu’au sein de la population en emploi) et que
la CFDT avait inscrit dès 2010 dans la résolution de Tours l’objectif de
la mixité proportionnelle de ses responsables au sein de
l’organisation. « Il faut se saisir de cette obligation instaurée par la loi comme d’une opportunité ! » Afin de faciliter le passage du dire au faire, les organisations ont élaboré une série d’outils (lire l’encadré ci-dessous). « Des
fédérations dont les champs professionnels sont très peu féminisés,
comme la Métallurgie ou Construction & Bois, travaillent depuis un
certain temps sur la mixité des listes », rappelle Marie-Andrée Seguin.
“Enfin faire ce que nous disons”
Il faut avant tout ne pas se tromper de sujet. « Il ne s’agit pas de trouver des femmes ou des hommes “à mettre sur les listes”, décrypte Dominique Marchal, déléguée Femmes à la Confédération : si
on n’en tient compte qu’au moment de les solliciter pour figurer sur
une liste, ils et elles auront très légitimement tendance à refuser
“l’invitation”. Il s’agit bien plus d’enfin faire ce que nous disons :
nous devons aider nos sections syndicales à être représentatives de
l’ensemble des salariés de l’entreprise parce que c’est un gage d’une
meilleure prise en compte de leurs réalités et donc de revendications et
d’actions répondant mieux à leurs besoins. C’est le gage, aussi, d’une
meilleure reconnaissance du syndicalisme par l’ensemble des salariés. »
Évidemment,
la nouvelle donne peut perturber les pratiques de certaines sections
syndicales. Au point que des collectifs ont souhaité anticiper les
élections pour ne pas avoir à se soumettre à la nouvelle obligation
légale ! « En tout état de cause, même ceux qui n’auront pas d’élections en 2017 doivent commencer à s’y préparer »,
conseille Édith Farinaud, déléguée syndicale centrale d’Atos et membre
depuis quatre ans des Sentinelles, le réseau de militants créé par la
Fédération Communication, Conseil, Culture (F3C) en appui à toutes les
questions d’égalité professionnelle. « Il s’agit d’éviter, au
dernier moment, d’interpeller d’éventuelles candidates en leur disant :
“Tu ne voudrais pas être candidate CFDT, avec nous ?” Et leur donner le
sentiment d’une attitude opportuniste. »
Proximité, repérage, proposition, formation
C’est
là que prend tout son sens la réflexion conduite depuis le congrès de
Tours sur la prise de responsabilité des jeunes, des femmes et des
personnes issues de la diversité, avec à la clé toute une gamme de
pratiques expérimentées et mises en œuvre sur le repérage et la
formation des militants, mais aussi la proximité aux salariés et la
proposition d’adhésion. Selon Édith Farinaud, c’est une véritable
stratégie de section syndicale à construire : « Il faut anticiper ;
regarder dans quel vivier de salariées on va privilégier les contacts ;
montrer, notamment par une communication adaptée, que les questions
d’égalité professionnelle sont des préoccupations de longue date, plus
anciennes que la seule élection. » Rien que les équipes CFDT ne sachent déjà faire. « Je
note que beaucoup d’équipes se font tout un monde autour de cette
nouvelle obligation. Or, je pense sincèrement que la marche n’est pas si
haute », affirme Catherine Faugeroux, déléguée syndicale chez
Orange, à l’issue d’une formation sur le sujet en conseil du S3C Berry
Val de Loire, où elle est très active. En revanche, la mixité
proportionnelle a un impact qui va bien au-delà de la seule constitution
des listes électorales. « Si on va vers les salariées en leur
disant “On vient vers toi parce que c’est la loi, mais une fois dans
l’équipe, tu n’auras pas ton mot à dire”, on risque non seulement
l’échec, mais aussi beaucoup de désillusions de la part des femmes qui
se seront portées candidates, met en garde Édith Farinaud, forte de son expérience de Sentinelle. Je
pense également que dans la recherche de candidates, il faut savoir
leur dire qu’elles seront formées, accompagnées. Éviter le cumul de
mandats, avec une gradation dans les mandats proposés, afin de faciliter
leur implication. » C’est aussi en cela que la loi représente
réellement une opportunité : celle d’impliquer de nouveaux venus dans la
vie de la section. Et d’ainsi progresser dans le renouvellement des
militants, dont l’organisation a tant besoin.
aseigne@cfdt.fr (avec nballot@cfdt.fr et epirat@cfdt.fr)
•
Le site « Loi Rebsamen – Mode d’emploi » : élaboré par la FGMM
(Fédération générale des Mines et de la Métallurgie), avec le soutien
technique du cabinet Syndex, ce site très complet traite tous les
aspects de la modernisation du dialogue social. Dans la rubrique
« Représentation équilibrée », il propose, outre un rappel des règles
pour les élections professionnelles, un simulateur en ligne permettant
de calculer la bonne répartition femmes-hommes sur une liste électorale,
ainsi qu’une application Excel téléchargeable (tout en bas de la page).
À retrouver sur www.guideldse.org.
•
L’application « Services Élections » : cet outil élaboré par la
Fédération des Services vise à faciliter l’appropriation et
l’anticipation par les équipes des enjeux liés à la mixité
professionnelle. Sur le volet mixité, il permet de vérifier la validité
des listes CFDT comme des listes concurrentes. Plus largement, il offre
une fonction de calcul de la représentativité pour déterminer la
validité des accords d’entreprise. L’application est disponible sur
l’App Store (iPhone) et Google Play (Android) ainsi qu’en téléchargement
sur http://federation.cfdt-services.fr/download/setup-serviceselections.exe.
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