Par D.
Gerbeau
Publié le 15/10/2012
Non.
La loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010
interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ne comporte aucune
disposition permettant de refuser l’accès à un lieu affecté à un service public
à une personne se dissimulant le visage. Elle n’autorise pas, non plus, à la
contraindre à quitter les lieux. La loi ne sanctionne que la dissimulation du
visage dans l’espace public.
Ce n’est que dans des cas
limitatifs prévus par la loi tels que les lieux publics dans lesquels la
sécurité des biens et des personnes a vocation à être particulièrement
protégée, notamment les gares, les aéroports (Cour européenne des droits de
l’homme, «Suku Phull c/ France», 11 janv. 2005, req. n° 35753/03),
les consulats (Conseil d’Etat, 7 décembre 2005, req. n°264464),
que l’accès à un lieu affecté à un service public peut être refusé à une
personne se dissimulant le visage.
En effet, s’agissant par
exemple du port d’un vêtement religieux, selon l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre
1950, la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire
l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent
des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique,
à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la
protection des droits et libertés d’autrui.
En l’état actuel du droit, nul
ne peut légitimement exercer une contrainte physique à l’encontre d’une
personne dissimulant son visage afin de lui refuser l’accès à un établissement
ouvert au public ou la faire quitter ce lieu, y compris de faire ôter le
vêtement qui dissimule le visage. Un agent de service public constatant la
présence d’une personne dont le visage est dissimulé dans un établissement
ouvert au public ne peut qu’inviter cette personne à retirer le vêtement ou
l’accessoire lui cachant le visage ou, en cas de refus, l’inviter à quitter le
lieu. Il peut également avertir un officier de police judiciaire de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent aux fins de
faire cesser le trouble qui serait occasionné.
L’agent de police municipale,
en sa qualité d’agent de police judiciaire adjoint conféré par
l’article 21 du Code de procédure pénale, n’est habilité, aux termes de
l’article 78-6 du CPP, qu’à relever l’identité des contrevenants pour
dresser des procès-verbaux concernant trois domaines: les contraventions à
un arrêté de police du maire (contraventions de 1re classe), les contraventions
au Code de la route (sous réserve de restrictions prévues à
l’article L.2212-5 du Code général des collectivités territoriales) et les
contraventions qu’il peut constater en vertu d’une disposition législative
expresse.
La loi n°2010-1192 du 11
octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public ne
prévoyant aucune disposition qui permette à un agent de police judiciaire
adjoint de relever l’identité du contrevenant, l’agent de police municipale ne
peut donc que rendre compte immédiatement de cette contravention à tout
officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie
nationale territorialement compétent en vertu de l’article 21-2 du Code de
procédure pénale. Seul cet officier de police judiciaire peut établir un
procès-verbal de contravention à l’encontre de la personne dissimulant son
visage.
Dans le cas où la personne
refuse de se prêter au contrôle d’identité nécessaire à l’établissement du
procès-verbal et si son identité ne peut être établie par un autre moyen,
l’officier de police judiciaire peut la conduire dans des locaux de police ou
de gendarmerie pour y procéder à une vérification d’identité dans le cadre de
la procédure de l’article 78-3 du Code de procédure pénale.
Cette procédure de l’article
78-3 constitue la seule forme de contrainte susceptible d’être exercée sur la
personne concernée pour lui faire quitter un lieu affecté à un service public.
Dès lors, il ne paraît pas envisageable que les agents de police municipale
puissent disposer d’un pouvoir de contrainte plus étendu que celui existant
pour les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la
gendarmerie nationale dans le cadre de cet article 78-3 du Code de procédure
pénale.
Par ailleurs, selon le Conseil
constitutionnel (10 mars 2011, n°2011-625 DC), confier le
pouvoir de contrôle et de vérification d’identité à des agents de police
municipale, qui ne sont pas à la disposition des officiers de police judiciaire
mais relèvent des autorités communales, est contraire à l’article 66 de la
Constitution, selon lequel la police judiciaire doit être placée sous la
direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.
Références
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