Luc Ferry : un emploi pas fictif,
surtout pour ses amis et ses fans
Luc Ferry l'assure : présider le très discret Conseil d'analyse de la société,
« c'est tout sauf un emploi fictif ». En oubliant de préciser que c'est un emploi
très confortable, qui permet de récompenser ses proches. Et même ses admirateurs.
Selon l'ancien ministre de l'Education nationale, ce n'est qu'un oubli administratif.
Depuis 2004 et son départ du gouvernement, il est officiellement redevenu
professeur de philosophie à l'université Paris-VII. Il a été immédiatement
« mis à disposition » de Matignon, pour présider le tout nouveau
Conseil d'analyse de la société (CAS), chargé de nourrir l'Etat en idées.
« Mis à disposition », c'est-à-dire en restant rémunéré, à son nouveau poste,
par son administration d'origine. Depuis 2004, la fac a donc continué à lui
verser 4 500 euros par mois. Seulement, Luc Ferry aurait dû enfin reprendre
les cours à la dernière rentrée universitaire, et Paris-VII exige
qu'il rembourse sa rémunération pour l'année 2010-2011.
Matignon s'est engagé à rembourser Paris-VII. Fin de la polémique ?
Pas forcément : l'affaire a jeté une lumière sur le très discret Conseil
d'analyse de la société, une institution bien étrange.
au Conseil d'analyse de la société (CAS) beaucoup de proches.
Et même d'admirateurs, puisqu'on y retrouve les auteurs de deux livres
consacrés à, devinez qui, Luc Ferry.
Outre son président et une secrétaire, trois personnes figurent dans
l'organigramme permanent du CAS : une secrétaire générale, venue
de l'Education nationale, et deux universitaires supervisant la production intellectuelle.
Deux professeurs de philosophie très proches de Luc Ferry :
fonctionnaire et ces deux universitaires sont eux aussi « mis à disposition »
par leurs administrations respectives, qui continuent à les rémunérer.
Comme Luc Ferry, ils bénéficient d'un supplément au titre de leurs fonctions au CAS,
une indemnité mensuelle comprise entre 1 000 et 1 200 euros par mois.
L'ancien ministre, lui, reçoit 1 800 euros par mois. En plus des 4 500 euros reçus
comme prof de philo à Paris-VII, et que l'université lui demande de rembourser
aujourd'hui.
Les simples membres du Conseil, eux, réfléchissent gratuitement. Peut-être
par amitié. Dans cette trentaine de personnes, en effet, on retrouve beaucoup
de relations personnelles ou professionnelles de Luc Ferry. Exemples :
une ancienne ministre de la Culture (Christine Albanel), des éditeurs (Bernard Fixot
et Teresa Cremisi, PDG de Flammarion), mais aussi plusieurs économistes.
directeur des études à la banque Natixis, et Nicolas Bouzou, patron du
cabinet de conseil Asterès, et co-vedette de conférences-débats avec… Luc Ferry.
« Je le connaissais par ce biais-là, mais je n'ai jamais travaillé avec lui avant », explique
Nicolas Bouzou. Au CAS, il est chargé de réfléchir à « la question des jeunes »
- de l'emploi au « coût du permis de conduire » -, pour un rapport commandé
par le Premier ministre. Le travail est réel, insiste-t-il :
un énième rapport sur le livre numérique - le ministère de la Culture en avait
aussi commandé un à Hervé Gaymard -, un rapport sur l'illettrisme ou encore,
pour prendre un peu de hauteur face à la crise, une réflexion sur
les « matériaux pour une politique de civilisation ».
Or, l'Etat dispose de nombreux autres organismes de réflexion.
Comme le Conseil d'analyse stratégique, l'héritier du glorieux Commissariat au Plan
qui avait reconstruit la France de l'après-guerre. Certains s'interrogent donc
ouvertement sur l'intérêt du Conseil présidé par Luc Ferry.
organismes dépendant de Matignon à la commission des Finances de
l'Assemblée nationale. Dans son dernier rapport sur la question, il notait ainsi
que le CAS avait coûté 99 866 euros à l'Etat en 2009 :
par l'un des postes les plus coûteux, l'impression et la diffusion des rapports :
plutôt que de faire appel aux services - publics mais facturés - de la
Documentation française, Luc Ferry avait « obtenu d'éditeurs extérieurs […]
la publication gratuite des rapports du Conseil ». En l'occurence, l'éditeur Odile Jacob,
qui accueille ainsi dans son catalogue des livres co-signés de… Luc Ferry,
vedette des librairies.
A droite aussi, on s'interroge sur le rôle du Conseil d'analyse de la société et
sur les moyens qui lui sont accordés. En réponse à
une question du député UMP Richard Mallié, le gouvernement a ainsi révélé
discrètement en décembre que le CAS occupait 106 m2 de bureaux dans
le VIIe arrondissement de Paris. Pour Luc Ferry, cela ressemble plus au confort
de son ancien ministère qu'à celui de l'université qui lui réclame le remboursement de ses cours.
« c'est tout sauf un emploi fictif ». En oubliant de préciser que c'est un emploi
très confortable, qui permet de récompenser ses proches. Et même ses admirateurs.
Selon l'ancien ministre de l'Education nationale, ce n'est qu'un oubli administratif.
Depuis 2004 et son départ du gouvernement, il est officiellement redevenu
professeur de philosophie à l'université Paris-VII. Il a été immédiatement
« mis à disposition » de Matignon, pour présider le tout nouveau
Conseil d'analyse de la société (CAS), chargé de nourrir l'Etat en idées.
« Mis à disposition », c'est-à-dire en restant rémunéré, à son nouveau poste,
par son administration d'origine. Depuis 2004, la fac a donc continué à lui
verser 4 500 euros par mois. Seulement, Luc Ferry aurait dû enfin reprendre
les cours à la dernière rentrée universitaire, et Paris-VII exige
qu'il rembourse sa rémunération pour l'année 2010-2011.
Matignon s'est engagé à rembourser Paris-VII. Fin de la polémique ?
Pas forcément : l'affaire a jeté une lumière sur le très discret Conseil
d'analyse de la société, une institution bien étrange.
Des proches et des fans de Ferry
On réfléchit peut-être mieux entre amis. En tout cas, l'ancien ministre a recrutéau Conseil d'analyse de la société (CAS) beaucoup de proches.
Et même d'admirateurs, puisqu'on y retrouve les auteurs de deux livres
consacrés à, devinez qui, Luc Ferry.
Outre son président et une secrétaire, trois personnes figurent dans
l'organigramme permanent du CAS : une secrétaire générale, venue
de l'Education nationale, et deux universitaires supervisant la production intellectuelle.
Deux professeurs de philosophie très proches de Luc Ferry :
- Claude Capelier, « conseiller scientifique et éditorial » du CAS,
- était conseiller spécial de Luc Ferry au ministère de l'Education nationale ;
- c'est « un ami de trente ans », selon Challenges.
- Eric Deschavanne, « chargé des recherches, des études et de
- la rédaction de publications » au CAS, appartenait aussi au cabinet
- de Luc Ferry à l'Education nationale. Il est notamment l'auteur
- du Deuxième humanisme, un livre d'« introduction à la pensée de »… Luc Ferry ;
- il contribue aussi au site Atlantico, sur lequel il a pris la défense de l'ex-ministre.
fonctionnaire et ces deux universitaires sont eux aussi « mis à disposition »
par leurs administrations respectives, qui continuent à les rémunérer.
Comme Luc Ferry, ils bénéficient d'un supplément au titre de leurs fonctions au CAS,
une indemnité mensuelle comprise entre 1 000 et 1 200 euros par mois.
L'ancien ministre, lui, reçoit 1 800 euros par mois. En plus des 4 500 euros reçus
comme prof de philo à Paris-VII, et que l'université lui demande de rembourser
aujourd'hui.
Les simples membres du Conseil, eux, réfléchissent gratuitement. Peut-être
par amitié. Dans cette trentaine de personnes, en effet, on retrouve beaucoup
de relations personnelles ou professionnelles de Luc Ferry. Exemples :
- la philosophe Alexandra Laignel-Lavastine a co-signé en mars
- un livre d'entretiens, L'Anticonformiste, une « autobiographie intellectuelle »
- de… Luc Ferry ;
- Claudine Pons est la fondatrice de l'agence de communication et d'événementiel
- Les Rois Mages, qui vend aux entreprises des conférences avec des penseurs
- comme… Luc Ferry ;
- le philosophe Pierre-Henri Tavoillot co-dirige chez Grasset Le Collège
- de philosophie, une collection publiant des auteurs comme… Luc Ferry ;
- cette collection est co-dirigée par Alain Renaut, co-auteur de La Pensée 68,
- le livre qui a révélé… Luc Ferry ;
- à la rubrique people, Amélie de Bourbon-Parme est l'épouse
- d'un des frères Bogdanov, dont le livre Avant le big bang avait
- été préfacé par… Luc Ferry.
une ancienne ministre de la Culture (Christine Albanel), des éditeurs (Bernard Fixot
et Teresa Cremisi, PDG de Flammarion), mais aussi plusieurs économistes.
Pour Ferry, « c'est un travail gigantesque »
C'est le cas des deux dernières recrues, arrivées en février : Patrick Artus,directeur des études à la banque Natixis, et Nicolas Bouzou, patron du
cabinet de conseil Asterès, et co-vedette de conférences-débats avec… Luc Ferry.
« Je le connaissais par ce biais-là, mais je n'ai jamais travaillé avec lui avant », explique
Nicolas Bouzou. Au CAS, il est chargé de réfléchir à « la question des jeunes »
- de l'emploi au « coût du permis de conduire » -, pour un rapport commandé
par le Premier ministre. Le travail est réel, insiste-t-il :
« Nous avons une réunion plénière par mois, mais aussi des réunions
par groupes de travail. Par exemple, nous sommes trois ou quatre
à travailler sur le sujet des jeunes. Ferry et moi, on se voit tous les quinze jours,
on échange des textes tout le temps… On va les discuter en plénière d'ici dix ou quinze jours, et nous commencerons les auditions en septembre. »« C'est tout sauf un emploi fictif », souligne aussi Luc Ferry dans Le Parisien. La preuve :
« C'est nous qui avons intégralement fait le service civique, tout comm
e la loi sur les pompiers volontaires qui passe cette semaine à l'Assemblée.
C'est un travail gigantesque. » (sic!)
Ces deux exemples commencent à dater. Le rapport sur le service civique a été remis en septembre 2008,
et la loi qui en a découlé a été votée en février 2010. Le rapport sur les pompiers volontaires, lui,
remonte à septembre 2009.
Depuis, le Conseil n'a pas vraiment influencé l'action gouvernementale. On lui doitun énième rapport sur le livre numérique - le ministère de la Culture en avait
aussi commandé un à Hervé Gaymard -, un rapport sur l'illettrisme ou encore,
pour prendre un peu de hauteur face à la crise, une réflexion sur
les « matériaux pour une politique de civilisation ».
Or, l'Etat dispose de nombreux autres organismes de réflexion.
Comme le Conseil d'analyse stratégique, l'héritier du glorieux Commissariat au Plan
qui avait reconstruit la France de l'après-guerre. Certains s'interrogent donc
ouvertement sur l'intérêt du Conseil présidé par Luc Ferry.
106 m2 de bureaux dans le VIIe arrondissement
C'est le cas du député apparenté communiste Jean-Pierre Brard, chargé desorganismes dépendant de Matignon à la commission des Finances de
l'Assemblée nationale. Dans son dernier rapport sur la question, il notait ainsi
que le CAS avait coûté 99 866 euros à l'Etat en 2009 :
- 67 266 euros en indemnités pour Luc Ferry, la secrétaire générale et
- les deux universitaires-conseillers ;
- 32 600 en frais de fonctionnement, dont… un quart (8 256 euros)
- pour la restauration.
« Dans un contexte de rigueur budgétaire, on peut s'interroger sur les
spécificités d'une gestion, celle du Conseil d'analyse de la société,
dans le cadre de laquelle les frais de restaurant (en séance plénière ou en petit comité) constituent le quart du budget de fonctionnement, même
si les dépenses unitaires par convive sont relativement peu élevées. Les réunions
plénières du Conseil doivent-elles donner lieu systématiquement à un déjeuner ? »Le Conseil avait préféré souligner la maîtrise des autres dépenses. A commencer
par l'un des postes les plus coûteux, l'impression et la diffusion des rapports :
plutôt que de faire appel aux services - publics mais facturés - de la
Documentation française, Luc Ferry avait « obtenu d'éditeurs extérieurs […]
la publication gratuite des rapports du Conseil ». En l'occurence, l'éditeur Odile Jacob,
qui accueille ainsi dans son catalogue des livres co-signés de… Luc Ferry,
vedette des librairies.
A droite aussi, on s'interroge sur le rôle du Conseil d'analyse de la société et
sur les moyens qui lui sont accordés. En réponse à
une question du député UMP Richard Mallié, le gouvernement a ainsi révélé
discrètement en décembre que le CAS occupait 106 m2 de bureaux dans
le VIIe arrondissement de Paris. Pour Luc Ferry, cela ressemble plus au confort
de son ancien ministère qu'à celui de l'université qui lui réclame le remboursement de ses cours.
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