© J. Ber
"Nombre de parlementaires, y compris de la majorité, découvrent dans leur permanence les effets dévastateurs de la réforme", dénonce Claude Domeizel. Recul de l’âge de départ, convergence entre secteurs public et privé, fin du traitement continué… Ces dispositions de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites entrent en vigueur le 1er juillet. L'occasion pour la Gazette des communes d'interroger le président de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) - et sénateur (PS) - Claude Domeizel, qui martèle notamment que rien ne justifiait une telle précipitation.
- Quel regard portez-vous sur la réforme des retraites ?
- Le comportement des agents a-t-il changé ?
- Quelles dispositions posent le plus problème ?
- Comment la CNRACL fait-elle face au nombre croissant de retraités en difficulté ?
- Après le vote de la loi du 9 novembre 2010, comment se portent les finances de la caisse ?
- Comment la CNRACL informe-t-elle agents et employeurs des conséquences de la réforme ?
- Des agents aux carrières longues ignoraient encore récemment leur date de départ. La CNRACL les renseigne-t-elle clairement ?
- Quels points demandent encore à être précisés ?
- La réforme peut-elle être remise en cause en 2012 ?
Quel regard portez-vous la loi de réforme des retraites ?
Claude Domeizel, président de la CNRACL : J’éprouve un sentiment de malaise, comme au Parlement, sur les conditions d’adoption, lecontenu, la mise en œuvre précipitée de la réforme. C’est un plan d’urgence financier, sans cohérence d’ensemble, injuste à l’égard des personnes aux carrières incomplètes et indifférent aux conditions de vie matérielle des retraités.
Nombre de parlementaires, y compris de la majorité, découvrent dans leur permanence ses effets dévastateurs, en particulier sur le minimum garanti qui n’en est plus un. D’aucuns attribueront, à tort, mon malaise à ma sensibilité de gauche…
Tous s’accordent sur le désordre occasionné par la réforme sur les affiliés, les collectivités et la CNRACL, vu l’incertitude et les inquiétudes créées par l’entrée en vigueur précipitée de certaines mesures.
Ainsi, la réforme des conditions d’attribution du minimum garanti peut entraîner une réduction significative de pension. Certains agents, sans information préalable, n’ont pu effectuer un choix éclairé.
Je regrette, en outre, avec la majorité du conseil d’administration de la caisse, le délai imposé comme un couperet aux parents de 3 enfants pour demander un départ anticipé au plus tard le 31 décembre 2010, jour de publication des décrets. Rien ne justifiait une telle précipitation !
Le comportement des agents a-t-il changé ?
Chez les parents de 3 enfants qui, après 15 ans de service, pouvaient partir avant le 1er juillet aux conditions d’avant la réforme, le nombre de demandes est vertigineux.A ce jour, la CNRACL en a enregistré 19 000 pour 2011, dont 11 268 en juillet, au lieu de 9 500 pour toute l’année 2010.
L’activité du centre d’appels a crû de 50 %. Les collectivités et hôpitaux ont dû aider les agents à comprendre la réforme et remplacer en urgence ceux admis à la retraite. Des agents sont revenus sur leur demande, au vu du montant de leur future pension.
Les employeurs ont été invités à accepter ces revirements.
Enfin, la CNRACL a adapté au pas de charge son système d’information et ses procédures alors que les décrets n’étaient pas publiés, d’où des incertitudes et risques d’erreur, corrigés depuis.
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Quelles dispositions posent le plus problème ?
Le bénéfice du minimum garanti (36,5 % des pensions liquidées en 2010) est soumis à conditions et son calcul modifié à compter du 1er juillet 2012 : à cette date, le fonctionnaire devra avoir fait valoir ses droits à toutes ses pensions de droit direct.L’examen des ressources ne le conditionnera pas, mais en impactera le montant, avec des effets importants sur les retraités aux pensions les plus basses et en difficulté financière.
Les plus impactés sont ceux qui bénéficient du dispositif de départ anticipé, essentiellement des femmes.
Comment la CNRACL fait-elle face au nombre croissant de retraités en difficulté ?
La CNRACL par ses actions auprès des pouvoirs publics s’est toujours engagée en faveur d’une réglementation juste et équitable, mais ne disposant pas de pouvoir réglementaire, le régime se doit d’appliquer strictement les dispositions prévues par le législateur.Son conseil d’administration que je préside a, dès 1978, décidé la création du FAS pour apporter un soutien aux retraités les plus défavorisés.
En 2010, 70 000 retraités du régime ont bénéficié de ses aides, majoritairement liées à la santé, à la consommation d’énergie et à l’aide ménagère à domicile. En permettant aux retraités les plus démunis de vivre chez eux avec une prise en compte des besoins vitaux, le FAS répond bien à sa vocation.
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Après le vote de la loi du 9 novembre 2010, comment se portent les finances de la caisse ?
Depuis 2002, les résultats annuels de la CNRACL sont positifs, mais l’équilibre financier demeure fragile pour des raisons structurelles et de solidarité nationale.En 2010, le régime a connu une situation déficitaire qui a 3 explications principales. L’augmentation des prestations, plus rapide que celle des cotisations, est liée à la dégradation du rapport démographique du régime avec 2,07 millions de cotisants (en progression de 1,1 %) et 990 000 pensionnés (en progression de près de 4 %) alors que l’équilibre se situe à 2,1 cotisants pour 1 retraité.
La contribution aux compensations vieillesse inter-régimes pour 2,1 milliards d’euros, qui contribue à ce déficit, disparaîtra en 2012. L’instauration, dans le cadre de l’article 59 de la loi de finances pour 2010, du dispositif de neutralisation financière du coût des personnels de l’Etat intégrés dans la FPT suite au transfert de compétences prévu par la loi « libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004, devrait à terme bénéficier à la CNRACL, mais pour l’heure il l’affecte négativement de 434 millions d’euros.
Les mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites devraient augmenter le montant des cotisations encaissées avec l’augmentation de 0,27 % par an durant 10 ans de l’effort contributif des fonctionnaires cotisants sans toutefois suffire à compenser la hausse des charges.
Globalement, les mesures contenues dans la loi portant réforme des retraites ne font que reporter l’année du déficit structurel (cotisations – prestations) de 10 ans (2026 après réforme, au lieu de 2016) selon les scénarios établis par le COR.
L’alignement du taux de cotisation des fonctionnaires de manière progressive sur celui du régime de base des salariés du secteur privé constitue la mesure la plus significative, financièrement, pour l’équilibre des comptes du régime.
L’année 2011 sera la première année impactée par la réforme des retraites. La montée en charge progressive des différentes mesures ne devrait pas inverser la tendance constatée en 2010.
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Comment la CNRACL informe-t-elle agents et employeurs des conséquences de la réforme ?
La CNRACL a mis en place dès juin 2010 un dispositif d’alerte permettant aux employeurs et aux actifs de connaître les mesures mises en place, au fur et à mesure de la publication des textes législatifs et réglementaires, avec une analyse de leurs conséquences.Toutes les informations disponibles ont pu être diffusées en quasi-temps réel, que ce soit sur le site internet, avec des diaporamas, fiches techniques, foire aux questions, directement auprès des employeurs en rendez-vous individuels et séances collectives ou par la lettre aux employeurs ou la lettre aux affiliés, et en réponse aux questions posées au centre d’appels.
Les procédures dématérialisées de pré-liquidation et de simulation de pensions permettent également aux employeurs et aux futurs retraités de mieux connaitre et évaluer les conséquences sur leur situation personnelle de cette réforme.
Ce dispositif a parfaitement fonctionné mais nous ne pouvions communiquer que sur des éléments certains, donc après la publication des textes légaux, lesquels sont parus avec retard et en imposant des choix rapides aux futurs pensionnés.
Des agents aux carrières longues ignoraient encore récemment leur date de départ. La CNRACL les renseigne-t-elle clairement ?
Des dates différentes figuraient dans la loi et les décrets. Saisis, les ministères ont fait connaître mi-avril leur position : il s’agit de la date de liquidation et non de demande, pour les pensions liquidées dès le 1er juillet 2011.[Retourner en haut]
Quels points demandent encore à être précisés ?
Trois dispositifs essentiels sont en attente de décrets d’application :- sur le traitement continué, aucun article relatif à la rupture du paiement du traitement et de la pension ne figure dans le décret n°2010-1740 du 30 décembre 2010 portant application de diverses dispositions de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010. En l’état des textes, la mesure n’est pas applicable à la CNRACL alors qu’elle devrait s’aligner sur le régime des pensions de l’Etat au 1er juillet 2011 ;
- à ce jour (21 juin 2011, ndlr), ne sont pas publiés non plus les décrets relatifs aux conditions de ressources pour le minimum garanti,
- et au droit à l’information.
La réforme peut-elle être remise en cause en 2012 ?
Tout à fait. Cette réforme n’en est pas une. Elle ne préserve pas l’avenir. Malgré la communication gouvernementale, il ne s’agit aucunement d’une réforme globale, cohérente, structurée, fondée sur une vision sociale de la société et du sort réservé aux aînés et à la solidarité nationale. Elle ne règle rien.Elle a en revanche détérioré durablement la qualité du dialogue entre pouvoirs publics et partenaires sociaux, indispensable à toute réforme juste.
Il faut revenir à la possibilité d’un départ à 60 ans, revoir les conditions du minimum garanti et relever les pensions les plus faibles.
Tout débat réouvert sera le bienvenu, je m’y engage
Réforme des retraites : quels effets sur la FPT - Dossiers d'actualité
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