dimanche 26 juin 2011

"Atlas du bétonnage et SCOT scandaleux" : 3 questions à Jean Canton ancien directeur de l’urbanisme à la ville de Marseille



Jean Canton, urbaniste indépendant des Ateliers du 28 et ex-directeur général de l’urbanisme et de l’habitat de la ville de Marseille (de 2002 à 2009), répond à nos questions pour notre Atlas du bétonnage.
Depuis quelques mois, on assiste à un nombre de recours grandissant concernant les projets immobiliers à Marseille. Pensez-vous comme Roland Blum, premier adjoint au maire de Marseille, qu’il faut légiférer afin de limiter ces recours?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe deux types de recours. Il y a ceux qui sont fondés car les riverains jugent qu’un projet leur fera subir des préjudices. Ceux-ci sont tout à fait légitimes. En revanche il y a un autre type de recours qui sont le fait d’un ou deux avocats spécialisés à Marseille qui listent les permis de construire et, en fonction de leur importance, entrent en contact avec les riverains en leur disant que s’ils déposent un recours, ils peuvent toucher une indemnité et eux aussi par la même occasion. Ces recours méritent d’être sanctionnés et donc il faut une loi.
Pour juger de la bonne foi d’un recours, je pense, qu’il faut s’interroger sur l’intérêt à agir du plaignant : est-ce qu’il a une raison valable de déposer un recours ou est-ce simplement pour obtenir une indemnité ou une place de parking supplémentaire de la part du promoteur?
Cette multiplication des recours n’est-elle pas simplement la conséquence d’un manque d’anticipation d’un point de vue urbanistique de la part des élus concernés? Une absence de planification foncière qui pousse les promoteurs à se saisir du moindre terrain…
C’est le résultat d’un double phénomène qui a débuté dans les années 80 : la ville perd environ 100 000 habitants et des dizaines de milliers d’emplois. Elle s’appauvrit de manière constante durant ces années. Ensuite à la fin des années 90, l’habitat devient une valeur de placement, on recommence à construire, et Marseille devient un véritable eldorado pour les promoteurs. Une véritable aubaine pour la ville qui, avec  «l’exode» des années 80, avait perdu des ressources (les habitants) pour alimenter la machine «commune» et compte désormais sur ces constructions de logement pour repeupler la ville et renflouer les caisses. Le problème c’est que la révision du plan d’occupation des sols a été faite à la hâte. Résultat : l’ouverture pour la construction a été faite de manière trop brutale. Mais surtout, la ville n’a effectué aucune stratégie sur le foncier, pas assez de terrains ont été acquis pour prévoir dans le temps le développement de la ville. Une abberation quand on voit qu’une ville comme Montpellier possède une grande majorité des terrains qui peuvent être urbanisables. Ce qui est un avantage non négligeable : quand la ville possède le terrain, c’est elle qui pose ses exigences aux promoteurs en terme de voirie, espaces verts, transports, etc.
Avec le PADD (le résumé ici) et le SCOT, on semble aller vers plus d’anticipation, une vision globale de la ville semble se dégager…
Si le prochain PLU s’inspire du PADD, alors oui l’orientation paraît être la bonne. En revanche, le SCOT est assez scandaleux ! C’est un document publicitaire, mensonger. Il est complètement creux, il parle de Marseille comme on pourrait raconter la même chose de Lyon, Bordeaux… on s’est voilé la face sur ce qui fait la spécificité de Marseille : son centre-ville habité par les habitants mais aussi par la pauvreté et non un centre-ville musée comme dans la plupart des grandes villes. C’est pour cela que le PLU ne doit surtout pas s’inspirer du SCOT. Pour en revenir au PADD, j’ai entendu ici et là que des débats ont lieu entre la ville et l’agence d’urbanisme pour tenter d’effectuer un vrai travail sincère en terme d’urbanisme. C’est une bonne chose. Les mairies de secteur ont également pris conscience de l’importance du PLU et certaines effectuent un travail en amont avec des assistants à maître d’ouvrage pour identifier les besoins urbanistiques de leur territoire afin de les intégrer au PLU. En complément de cela, je pense qu’il est indispensable aussi de mettre en oeuvre des méthodes réactives pour développer le territoire : être capable de faire des acquisitions d’opportunités, contrôler attentivement la spéculation immobilière, établir des veilles avec l’établissement public foncier, mettre l’accent sur la réhabilitation.

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