Un plan pour relancer l'apprentissage
PUBLIÉ LE 17/07/2014 À 10H11par Marie-Nadine Eltchaninoff
Le gouvernement a voulu « mettre le paquet » sur l’apprentissage. Si elle manque d’élégance, l’expression reflète bien la volonté de multiplier les angles d’attaque pour relancer l’apprentissage, comme le réclame la CFDT depuis des mois.
La feuille de route adressée aux partenaires sociaux à l’issue de la conférence sociale fixe un cap de 500 000 jeunes apprentis à l’horizon 2017 – ils sont aujourd’hui 416 000. Le projet de loi de finances rectificative dégage à cet effet 200 millions d’euros afin de financer en priorité une aide de 1 000 euros aux entreprises qui signent un contrat d’apprentissage pour la première fois, « dans les branches professionnelles qui auront conclu un accord pour fixer des objectifs de développement de l’apprentissage ». Une aide financière que la CFDT ne juge pas indispensable. « Ce sont un peu des réductions sur les réductions », dit Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT. En revanche, l’obligation de dialogue social dont elle est assortie constitue un élément positif.
Chute du nombre d’apprentis
Avec un jeune de moins de 25 ans sur quatre au chômage et le phénomène inquiétant des jeunes décrocheurs quittant l’école sans diplôme ni emploi, il y a urgence à enrayer le déclin de l’apprentissage. Depuis 2013, les effectifs de jeunes en première année d’apprentissage sont en chute libre : moins 9,4 % en 2013, moins 14 % lors des quatre premiers mois de l’année 2014. « La baisse la plus massive concerne les plus basses qualifications, sur lesquelles nos efforts doivent précisément porter », note Véronique Descacq. Cette chute est en partie due à la crise économique, mais aussi à d’autres facteurs, financiers, structurels ou encore liés à l’image de l’apprentissage. Sur le plan budgétaire, 100 millions d’euros supplémentaires, issus de fonds européens, « financeront l’insertion professionnelle des jeunes et en particulier l’alternance dans seize régions de France où le chômage des jeunes dépasse 25 % », indique la feuille de route sociale. Sur le plan structurel, la réforme de la taxe d’apprentissage, dont les derniers arbitrages sont en cours, devrait entraîner le transfert vers les régions d’une part de la taxe autrefois directement gérée par les entreprises, et utilisée par exemple pour financer les centres de formation des apprentis (CFA).
Une image peu valorisée
Quant à la négociation dans les branches, le travail a déjà commencé pour certaines d’entre elles. Dans la métallurgie, les discussions sont en cours. « Nous avons commencé à négocier un volet apprentissage dans le cadre du pacte de responsabilité, explique Philippe Portier, secrétaire général de la Fédération générale de la métallurgie et des mines CFDT. Nous définissons un nombre précis de postes par branche et nous identifions les profils et les formations nécessaires. La formation est un véritable enjeu pour de nombreux jeunes qui sortent de l’école sans qualification. Contrairement ce que l’on pourrait croire, la métallurgie doit beaucoup embaucher afin de pallier les départs à la retraite. » Encore faut-il que les jeunes le sachent et aient envie de s’engager dans la voie de l’apprentissage. On touche là un autre frein à l’essor de l’apprentissage – son image. « Plus de 26 000 jeunes suivent une formation en apprentissage dans la métallurgie ; 64 % d’entre eux préparent un diplôme de l’enseignement supérieur (BTS, licence pro, diplôme d’ingénieur) avec un taux d’insertion de 83 %, constate Odile Denis, secrétaire nationale de la CFDT-métallurgie chargée de la formation. Ces chiffres surprennent toujours. Seulement 2,5 % des jeunes préparent un CAP, et leur taux d’insertion n’est que de 59 %, alors que les employeurs du secteur déplorent le manque de chaudronniers ou de soudeurs. »
Dans le secteur du BTP, où l’on constate également une forte baisse de l’apprentissage depuis 2009, une négociation entre partenaires sociaux relative à la formation professionnelle continue a été lancée, incluant l’apprentissage. Selon la Fédération nationale de la construction et du bois CFDT, qui consacre le dossier de sa revue de juin à ce thème, l’apprentissage a besoin d’« une volonté forte des acteurs de la profession ». Or « la faible implication des employeurs du BTP dans l’apprentissage est en contradiction avec les discours des fédérations d’employeurs ».
Des apprentis en demande
Pour identifier les obstacles à l’apprentissage, et donc les points à améliorer, l’enquête réalisée par la CFDT auprès de plus de 2 000 jeunes apprentis est riche en enseignements. Tout d’abord, l’apprentissage s’avère discriminant. Le taux de jeunes femmes choisissant cette voie n’est que de 34,6 %, et seulement 7 % de jeunes filles s’orientent vers un métier de l’industrie. Voilà qui laisse une marge de progression considérable. Pour 60 % des jeunes interrogés, la principale difficulté a été de trouver une entreprise d’accueil, et 60 % déclarent l’avoir trouvée seul. Le faible niveau de salaire (pourcentage du Smic selon l’âge) constitue également un obstacle et ne permet pas de financer les frais d’hébergement et de transport nécessaires si la résidence, le centre de formation et l’entreprise sont éloignés les uns des autres. Un apprenti sur trois a eu au moins deux employeurs au cours de son contrat. Les raisons invoquées par les jeunes sont les mauvaises conditions de travail, les relations avec l’employeur, les problèmes d’orientation, de logement ou de transport.
« L’accompagnement des jeunes, une meilleure formation des maîtres d’apprentissage, l’aide à la mobilité doivent être mis en place, explique Véronique Descacq. Nous souhaitons que les aides financières dégagées par le gouvernement soient utilisées sur ces aspects qualitatifs de l’apprentissage. » À la rentrée, une réunion associant représentants du patronat, organisations syndicales, régions et État sera organisée à l’échelle nationale, avec des déclinaisons régionales, afin de faire avancer le plan apprentissage. Bien entendu, la CFDT sera présente.
photos © Réa
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