MarsActu/Jean-Daniel Favre
"A faire des contrôles pour améliorer nos politiques, on se tire une balle dans le pied. Mais c'est un mal nécessaire parce qu'après, on s'améliore", juge une conseillère régionale de la majorité. En envoyant son inspection générale des services visiter les comptes et les usages du comité des oeuvres sociales, la région PACA a mis au jour des pratiques pour le moins contestables dans cet équivalent pour une collectivité territoriale d'un comité d'entreprise.
Ce COS, quoique constitué en association indépendante et géré par les syndicats représentatifs de la région, est pourtant largement lié à la collectivité territoriale. Depuis sa création il y a dix ans, il a bénéficié de plus de dix millions d'euros du conseil régional qui a choisi de lui déléguer bons-cadeaux et autres voyages à prix réduit plutôt que de le gérer en interne. Au dernier budget, sur 3 millions de budget total, la région en apporte encore 2. En retour, la région est représentée dans les diverses instances de l'association notamment au sein de son conseil d'administration et, avec voix consultative, de son bureau.
Au printemps 2013, la région s'est décidée à regarder de plus près la gestion du comité, depuis longtemps à la dérive. Le rapport de l'inspection générale des services portant sur la période 2008-2012 est longtemps resté plus que confidentiel. Il a fallu la pugnacité du syndicat SUD collectivités territoriales, non représentatif et donc non représenté au COS, pour qu'une bonne partie des élus découvre ses conclusions. L'organisation a dû saisir la commission d'accès aux documents administratifs pour contraindre la région à lui fournir un document sur lequel elle a pris soin de biffer certains passages.
32 000 euros de bons-cadeaux évaporés
On comprend aisément les réticences de l'exécutif régional. Les conclusions de l'IGS suggèrent que les largesses dans la gestion pourraient relever de questions pénales. Elles tournent essentiellement autour de trois problématiques : une perte de 32 000 euros de bons cadeaux destinés aux agents, des cadeaux en nature pour les membres du bureau ainsi que des attributions de marchés publics hors de tout cadre légal. C'est sur cette base que le SUD a au début du mois de juin porté plainte contre X pour prise illégale d'intérêt et favoritisme.
Dans le rapport de l'IGS, tout concourt à décrire une organisation trop faible pour gérer un tel budget et rendre le service promis aux plus de 5000 adhérents, agents du conseil régional. Il en va ainsi de 32 000 euros de bons-cadeaux en 2009 pour lesquels "l'équipe du COS n'a pas été en mesure de prouver la distribution" selon le procès-verbal de l'assemblée générale de 2010 consulté par l'IGS. "N'ayant reçu aucune réclamation d'adhérent, [le COS] a considéré qu'il n'y avait pas eu d'acte de malveillance et qu'il n'était pas nécessaire de porter plainte", poursuit le même document. Interrogé, le président du COS Daniel Ferreti (membre de la FSU) plaide aujourd'hui "une négligence. Il y a des feuilles pour l'émargement mais là, il en manquait. On n'en a retrouvé qu'une partie. Mais, en cas de problème, on l'aurait forcément su !" Reste une importante perte qu'on peut imaginer liée au fonctionnement particulier du COS. Pour desservir l'ensemble des lieux de travail de la région, il est fait appel aux "relais du COS", "des volontaires"selon Daniel Ferreti bien souvent proche d'une des organisations syndicales qui pilotent le comité et parfois peu au fait des pratiques administratives.
Des marchés publics oubliés
Problème, cette légèreté administrative menée par un bureau complètement bénévole mais extrêmement présent a contaminé aussi la gestion des marchés de l'association. Comme la majorité de son budget est constitué de fonds publics, elle aurait dû se plier à la règle publique. Or, le 24 avril 2008, où siègeaient théoriquement plusieurs représentants de la région, le conseil d'administration a pris "la décision [à l'unanimité] de ne pas appliquer le code des marchés publics". Une liberté non sans conséquence même si Feretti plaide "un respect des règles dans l'esprit".
Pour les bons-cadeaux (une enveloppe d'environ un million d'euros annuel) comme pour d'autres prestations du COS, tout se décide par "commande de gré à gré au mépris des règles de la commande publique qui garantissent notamment la publicité et la transparence. Cette situation expose l'association à des risques judiciaires importants" à savoir un éventuel délit de "favoritisme", estime l'IGS. Pire, celle-ci esquisse la possibilité d'un "délit de prise illégale d'intérêts" pour "les élus ainsi que les agents participant aux instances dirigeantes du COS[puisque] la région attribue des aides et subventions à certaines entités, sociétés, enteprises qui démarchent le COS et en sont également des prestataires".
"Intérêts particuliers"
Le risque judiciaire est encore pointé concernant "des actions qui se rattachent davantage à la poursuite d'intérêts particuliers qu'à celle d'intérêt général". Concrètement, les membres du bureau ont selon l'IGS profité de leur statut pour bénéficier de certaines activités à titre gracieux. Plusieurs mécanismes semblent conduire à ces journées ou voyages gratuits. Des voyages dits "Eductour" doivent normalement servir à découvrir des séjours touristiques organisés par des tour opérateurs. Le compte-rendu de l'IGS critique des tests "honorés sans que cela corresponde à un projet ou à un besoin", le tout de façon opaque puisqu'elle souligne que "dans le cadre du contrôle, [sa] demande de se voir communiquer la liste et les bénéficiaires de ceux-ci" n'a pas abouti.
Tous les deux ans, le COS organisait aussi à ses frais des séjours de cohésion pour l'équipe dont un week-end à Bormes-les-Mimosas réunissant 74 personnes en 2008. Sur d'autres séjours, c'est un système d'accompagnement qui permettait aux membres du bureau de partir encadrer certains séjours. Durant ces périodes, en plus de voyager gratuitement, ils bénéficiaient de décharge de service à la région, n'affectant pas leurs jours de congé. Certaines gratuités, au total 31 sur 66 retrouvées, auraient même bénéficié à la famille de membres du bureau. Le président lui-même est visé avec un voyage en Crête en 2010 pour lequel il a bénéficié de "trois places pour lui et sa famille". Bref, pour l'IGS, "l'intérêt bien compris des membres du bureau ne semble pas absent".
La région veut "sortir de la cogestion"
Face à cela, le président Daniel Ferreti n'est pas très à l'aise : "Après mûre réflexion, je reconnais que ce n'était pas terrible, lâche-t-il. Mais sur le moment, on ne s'est pas posé la question. Aujourd'hui, il y a toujours des gratuités offertes par les agences mais on les perd. Plus personne n'en bénéficie." Surtout, insiste-t-il, "tout a été remboursé". En interne à la région, on indique qu'après avoir un peu traîné, le rendu de l'argent est en effet en bonne voie quoiqu'incomplet. Et il vaudrait mieux, indique l'IGS car "à défaut, la structure s'expose à une saisine du procureur de la république sur le fondement du code de procédure pénale".
Ce remboursement est un des derniers points encore en suspens du processus de rénovation des pratiques enclenché suite à la copie de l'inspection. Celle-ci a finalement fait savoir dans un message interne qu'elle estimait les faits insuffisamment caractérisés pour transmettre le dossier au procureur. La rénovation du COS doit elle aboutir ce lundi à l'adoption de nouveaux statuts par l'association. Déjà, avant de voter son financement 2014, la région avait pris soin d'inclure explicitement l'obligation d'utiliser la procédure de marchés publics dans son fonctionnement. Lors de l'assemblée générale à l'hôtel de région, le COS devrait valider une nouvelle gouvernance où les représentants de la région n'auraient désormais au mieux qu'une voix consultative.
"Il faut vraiment réformer cette organisation et sortir de la cogestion, argumente Sylvie Massimi, conseillère régionale déléguée au dialogue social. Le COS doit se gérer de manière plus autonome et la région doit être présente pour exercer son contrôle analogue, parfois de manière plus précise en exigeant notamment que les documents soient transmis en temps et en saison."L'idée des différents acteurs est de proposer un COS en ordre de marche avant les élections professionnelles de décembre prochain. À moins que d'ici là, la plainte de SUD ne prospère.
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