«Etoile violette» et la clé des chants
Tant beau qu'étrange, le premier film d'Axelle Ropert.
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Epousant un paradoxe raffiné, la collection Décadrage sort conjointement deux moyens métrages (trois quarts d'heure chacun) qui ont la solitude pour centre. Toutefois, le naturalisme d'Arnaud Simon n'entretient un voisinage qu'extrêmement lointain avec l'art de la flânerie d'Axelle Ropert. Cette différence ne venant en aucun cas à l'encontre de la collection ; Décadrage a les idées larges, son cadre, c'est l'indépendance à tout prix.
«Camion» avec freins. Que ce soit aux festivals de Belfort, Pantin ou Vila Do Conde, Un camion en réparation, première réalisation d'Arnaud Simon (jusque-là acteur de théâtre) rafle des prix partout où il passe. Il faudra qu'on nous explique pourquoi. Eugène est le genre de garçon de 20 ans à qui les vieilles dames continuent de dire mademoiselle, moins pour son allure (neutre) que pour ses anémies de petite adolescente affolée broyant du noir. Pierre a une dizaine d'années de plus que lui, et la jeunesse d'Eugène, le long bras d'Eugène, la voix d'Eugène, le séduisent avant qu'il ne se rétracte : quand on vit une trentaine retirée, officiant comme jardinier sirkien à demeure six mois de l'année, comment faire entrer une histoire dans sa vie ? Face à l'amant buté qui ne veut pas de l'amour, Eugène ira jusqu'à envier la carcasse froissée d'un camion en réparation, «dont, au moins, on s'occupe».
Ascendance naturaliste, soin apporté à un scénario très écrit, mise en scène toute à l'écoute de ses comédiens... Les qualités que l'on reconnaît au film sont les marques de sa limite : quelque chose ici peine à exister vraiment. La pleine nature provençale croisée avec une approche de jeu presque théâtrale est une formule déjà largement usée par le «jeune cinéma français» des années 90. Objet identifié, Un camion en réparation est la carte de visite d'un savoir-faire précoce, un film jamais désagréable dans le ton, dont on regrettera qu'il roule sans excès de vitesse, appuyant à peine sur la pédale, toute fenêtre fermée, pas encore rassuré à l'idée de laisser entrer un peu d'air et d'envie dans son cadre.
Etoile violette est son premier film, Axelle Ropert n'est pourtant pas inconnue dans le ciel de la cinéphilie. Rédactrice en chef de la Lettre du cinéma, scénariste des films de Serge Bozon, son passage à la réalisation ne ressemble à personne, pas même au sein du groupe post-vecchialien depuis lequel elle a fait ses armes. Film de fille où tous les personnages principaux sont masculins, film de dandys revendiquant le port des habits ternes, c'est un traité des solitudes, le portrait par la bande de ceux qui retiennent en eux leurs élans, tous ces satellites discrets, ces étoiles mates que l'on croise dans la rue sans même les remarquer. Un petit tailleur tétanisé rejoint un cours du soir où un professeur de français inquiétant raconte, devant une poignée d'apeurés chroniques, la distance que Jean-Jacques Rousseau entretenait avec le monde. Le tailleur (Serge Bozon, burlesque et grave) s'évade de la classe pour rencontrer Rousseau (Lou Castel, parano) dans une forêt, et entamer avec lui un dialogue anachronique et transparent.
Evanoui. Entamé sous des airs sévères, Etoile violette invente dans son étrangeté inquiète un système à lui, les yeux rivés sur le ciel, là où la parole s'envole, choisissant la fugue pour idéal. C'est la musique qui l'aide à décoller. Le postulat d'Axelle Ropert est très drôle : «Rousseau est le premier folk singer français.» Fini la déconnade, elle a trouvé au français misanthrope des amis patchoulis tombés d'une autre planète, le Vishnu chantant Devendra Banhart, le ténébreux Jackson C. Frank, l'insulaire Shirley Collins. A ces hippies, le temps de trois incursions acoustiques, le soin de faire perdre l'équilibre au film, pour qu'il s'évanouisse comme il était apparu, sans requête précise, en étoile filante. Bel et bien unique en son genre.
«Camion» avec freins. Que ce soit aux festivals de Belfort, Pantin ou Vila Do Conde, Un camion en réparation, première réalisation d'Arnaud Simon (jusque-là acteur de théâtre) rafle des prix partout où il passe. Il faudra qu'on nous explique pourquoi. Eugène est le genre de garçon de 20 ans à qui les vieilles dames continuent de dire mademoiselle, moins pour son allure (neutre) que pour ses anémies de petite adolescente affolée broyant du noir. Pierre a une dizaine d'années de plus que lui, et la jeunesse d'Eugène, le long bras d'Eugène, la voix d'Eugène, le séduisent avant qu'il ne se rétracte : quand on vit une trentaine retirée, officiant comme jardinier sirkien à demeure six mois de l'année, comment faire entrer une histoire dans sa vie ? Face à l'amant buté qui ne veut pas de l'amour, Eugène ira jusqu'à envier la carcasse froissée d'un camion en réparation, «dont, au moins, on s'occupe».
Ascendance naturaliste, soin apporté à un scénario très écrit, mise en scène toute à l'écoute de ses comédiens... Les qualités que l'on reconnaît au film sont les marques de sa limite : quelque chose ici peine à exister vraiment. La pleine nature provençale croisée avec une approche de jeu presque théâtrale est une formule déjà largement usée par le «jeune cinéma français» des années 90. Objet identifié, Un camion en réparation est la carte de visite d'un savoir-faire précoce, un film jamais désagréable dans le ton, dont on regrettera qu'il roule sans excès de vitesse, appuyant à peine sur la pédale, toute fenêtre fermée, pas encore rassuré à l'idée de laisser entrer un peu d'air et d'envie dans son cadre.
Etoile violette est son premier film, Axelle Ropert n'est pourtant pas inconnue dans le ciel de la cinéphilie. Rédactrice en chef de la Lettre du cinéma, scénariste des films de Serge Bozon, son passage à la réalisation ne ressemble à personne, pas même au sein du groupe post-vecchialien depuis lequel elle a fait ses armes. Film de fille où tous les personnages principaux sont masculins, film de dandys revendiquant le port des habits ternes, c'est un traité des solitudes, le portrait par la bande de ceux qui retiennent en eux leurs élans, tous ces satellites discrets, ces étoiles mates que l'on croise dans la rue sans même les remarquer. Un petit tailleur tétanisé rejoint un cours du soir où un professeur de français inquiétant raconte, devant une poignée d'apeurés chroniques, la distance que Jean-Jacques Rousseau entretenait avec le monde. Le tailleur (Serge Bozon, burlesque et grave) s'évade de la classe pour rencontrer Rousseau (Lou Castel, parano) dans une forêt, et entamer avec lui un dialogue anachronique et transparent.
Evanoui. Entamé sous des airs sévères, Etoile violette invente dans son étrangeté inquiète un système à lui, les yeux rivés sur le ciel, là où la parole s'envole, choisissant la fugue pour idéal. C'est la musique qui l'aide à décoller. Le postulat d'Axelle Ropert est très drôle : «Rousseau est le premier folk singer français.» Fini la déconnade, elle a trouvé au français misanthrope des amis patchoulis tombés d'une autre planète, le Vishnu chantant Devendra Banhart, le ténébreux Jackson C. Frank, l'insulaire Shirley Collins. A ces hippies, le temps de trois incursions acoustiques, le soin de faire perdre l'équilibre au film, pour qu'il s'évanouisse comme il était apparu, sans requête précise, en étoile filante. Bel et bien unique en son genre.
Etoile violette d'Axelle Ropert, avec Serge Bozon, Lou Castel. 45 mn. Un camion en réparation d'Arnaud Simon avec Pierre Moure, Antoine Régent. 43 mn.
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