jeudi 3 mai 2012

Développement durable:Le décret RSE (rapport social et environnemental annuel) est paru le 26 avril 2012

27 avril 2012
Le décret RSE relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale, pris pour l'application de l'article 225 de la loi Grenelle 2 et de l'article 12 de la loi Warsmann du 22 mars 2012, a été publié au Journal officiel du 26 avril.
La loi NRE du 15 mai 2001 obligeait uniquement les sociétés cotées d'inclure des informations sociales et environnementales dans le rapport annuel d’activité. La loi Grenelle 2 a étendu cette obligation à certaines sociétés non cotées, dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent certains seuils. Rappelons que la publication du décret RSE a été retardée par la proposition de loi Warsmann qui modifiait la loi Grenelle 2 en exonérant les filiales de l’obligation de publier des informations RSE dès lors que la société-mère les avait présentées de manière détaillée. Le présent décret détermine quelles sociétés sont soumises à l'obligation de reporting RSE, fixe la liste de ces informations, ainsi que les conditions de vérification des informations par un organisme tiers indépendant.
Les obligations :
a) Emploi :
« ― l'effectif total et la répartition des salariés par sexe, par âge et par zone géographique ;
« ― les embauches et les licenciements ;
« ― les rémunérations et leur évolution ;
« b) Organisation du travail :
« ― l'organisation du temps de travail ;
« c) Relations sociales :
« ― l'organisation du dialogue social, notamment les procédures d'information et de consultation du personnel et de négociation avec celui-ci ;
« ― le bilan des accords collectifs ;
« d) Santé et sécurité :
« ― les conditions de santé et de sécurité au travail ;
« ― le bilan des accords signés avec les organisations syndicales ou les représentants du personnel en matière de santé et de sécurité au travail

 e) Formation :
« ― les politiques mises en œuvre en matière de formation ;
« ― le nombre total d'heures de formation ;
« f) Egalité de traitement :
« ― les mesures prises en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ;
« ― les mesures prises en faveur de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées ;
« ― la politique de lutte contre les discriminations ;
« 2° Informations environnementales :
« a) Politique générale en matière environnementale :
« ― l'organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d'évaluation ou de certification en matière d'environnement ;
« ― les actions de formation et d'information des salariés menées en matière de protection de l'environnement ;
« ― les moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions ;
« b) Pollution et gestion des déchets :
« ― les mesures de prévention, de réduction ou de réparation de rejets dans l'air, l'eau et le sol affectant gravement l'environnement ;
« ― les mesures de prévention, de recyclage et d'élimination des déchets ;
« ― la prise en compte des nuisances sonores et de toute autre forme de pollution spécifique à une activité ;
« c) Utilisation durable des ressources :
« ― la consommation d'eau et l'approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales ;
« ― la consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l'efficacité dans leur utilisation ;
« ― la consommation d'énergie, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ;
« d) Changement climatique :
« ― les rejets de gaz à effet de serre ;
« e) Protection de la biodiversité :
« ― les mesures prises pour préserver ou développer la biodiversité ;
« 3° Informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable :
« a) Impact territorial, économique et social de l'activité de la société :
« ― en matière d'emploi et de développement régional ;
« ― sur les populations riveraines ou locales ;
« b) Relations entretenues avec les personnes ou les organisations intéressées par l'activité de la société, notamment les associations d'insertion, les établissements d'enseignement, les associations de défense de l'environnement, les associations de consommateurs et les populations riveraines :
« ― les conditions du dialogue avec ces personnes ou organisations ;
« ― les actions de partenariat ou de mécénat ;
« c) Sous-traitance et fournisseurs :
« ― la prise en compte dans la politique d'achat des enjeux sociaux et environnementaux.
« II. ― Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 225-105, et en complément des informations prévues au I, le conseil d'administration ou le directoire de la société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé mentionne dans son rapport les informations suivantes :
« 1° Informations sociales :
« b) Organisation du travail :
« ― l'absentéisme ;
« d) Santé et sécurité :
« ― les accidents du travail, notamment leur fréquence et leur gravité, ainsi que les maladies professionnelles ;
« g) Promotion et respect des stipulations des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail relatives :
« ― au respect de la liberté d'association et du droit de négociation collective ;
« ― à l'élimination des discriminations en matière d'emploi et de profession ;
« ― à l'élimination du travail forcé ou obligatoire ;
« ― à l'abolition effective du travail des enfants ;
« 2° Informations environnementales :
« a) Politique générale en matière environnementale :
« ― le montant des provisions et garanties pour risques en matière d'environnement, sous réserve que cette information ne soit pas de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours ;
« c) Utilisation durable des ressources :
« ― l'utilisation des sols ;
« d) Changement climatique :
« ― l'adaptation aux conséquences du changement climatique ;
« 3° Informations relatives aux engagements sociétaux en faveur du développement durable :
« c) Sous-traitance et fournisseurs :
« ― l'importance de la sous-traitance et la prise en compte dans les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants de leur responsabilité sociale et environnementale ;
« d) Loyauté des pratiques :
« ― les actions engagées pour prévenir la corruption ;
« ― les mesures prises en faveur de la santé et de la sécurité des consommateurs
;
« e) Autres actions engagées, au titre du présent 3°, en faveur des droits de l'homme

Les sociétés concernées
Le texte étend l’obligation de reporting RSE aux sociétés non cotées, dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires est au minimum de 100 millions d'euros et dont le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice est au moins de 500. L’application du décret est échelonnée dans le temps selon que la société soit cotée (dès 2011) ou non cotée, et dans ce dernier cas, en fonction de certains seuils (en 2011, pour les sociétés avec un minimum de 5000 salariés et un chiffre d’affaire supérieur à 1 milliard d'euros ; en 2012 pour les sociétés dont le total du bilan dépasse 400 millions d'euros et comprenant au minimum 2 000 salariés ; dès 2013 pour les sociétés dont le chiffre d’affaire est supérieur à 100 millions d’euros).


L’organisme tiers payant
L'organisme tiers indépendant chargé de vérifier les informations est désigné par le directeur général ou le président du directoire, pour une durée n’excédant pas six exercices. Il est chargé d’attester la présence, dans le rapport de gestion, de toutes les informations prévues par les textes. Il émet un avis motivé portant «, d’une part, sur la sincérité des informations et, d'autre part, sur les explications données par la société sur l'absence de certaines informations ainsi que l'indication des diligences qu'il a mises en œuvre pour accomplir sa mission de vérification ». L’organisme doit vérifier les informations à partir de l'exercice ouvert après le 31 décembre 2011, pour les sociétés cotées, et à partir de l'exercice clos au 31 décembre 2016 pour les sociétés non cotées.
Pour en savoir plus :
Dans le bilan de la désindustrialisation récente de l’hexagone, on oublie qu’il existe un modèle industriel français qui a fait émerger près d’une centaine d’entreprises leaders au plus haut niveau mondial.
Ce modèle a une triple caractéristique : il cumule des savoirs-faire technologiques incontestables dans plusieurs spécialités, avec un management prudent et continu, d’inspiration familiale le plus souvent, et une capacité d’insertion reconnue dans les territoires où nos grandes entreprises sont implantées durablement.
Ce modèle tient bon dans la mutation en cours. Pour autant, il comporte aussi des faiblesses qui sautent aux yeux et dont l’acuité occulte le sous-jacent exceptionnel d’une tradition industrielle nationale qui compte parmi les meilleures du monde : une cohésion sociale interne faible, une chaîne de fournisseurs mal traitée et une innovation portée plus sur les nouveaux process que sur les nouveaux usages.
Ce modèle industriel français tient par ses avancées et ses positions acquises, qui lui permettent aujourd’hui d’espérer se ressourcer pour faire face à trois défis majeurs qui ne l’ont jamais autant remis en question : le défi de sa solidarité avec sa société d’origine, le défi d’une adhésion positive aux besoins de durabilité, le défi d’une intégration multiculturelle en phase avec la mondialisation du progrès.
De fait, cette dynamique nouvelle dépend moins d’un rapport à l’Etat qui peut se régler dans une intelligence collective publique privée évidente, que d’un rapport à la Société civile qui a besoin de dépasser des conservatismes culturels qui se sont renforcés avec les tensions récentes et aiguisés avec la peur du déclin. Là réside l’enjeu de compétitivité français : retrouver entre l’entreprise et la société civile un contrat de progrès qui surmonte les blocages installés depuis trente ans, par peur mutuelle, par insuffisance de dialogue et par sous-estimation des changements en cours.
De fait, la dynamique industrielle française court le risque important de ne plus croire en elle si elle ne se mobilise pas dans un pacte national qui associe ces trois dimensions : la solidarité avec son territoire, avec sa société, avec son monde. Ce pacte est attendu par les forces sociales qui font de son équité une condition d’adaptation des modes en place, qui leur semble avoir fortement fait défaut dans le passé ; il est une condition de rénovation de l’Etat qui ne peut rentrer dans sa fonction stratégique que s’il n’a plus besoin d’être appelé en gestionnaires des offres de marché ; il ne peut inspirer les acteurs que si ceux-ci se persuadent que la nouvelle frontière de notre grande inventivité est l’immensité des besoins du monde émergent.
Le passage à un 2ème modèle industriel français repose donc pleinement sur la responsabilité de ses élites. C’est à elles de prendre l’initiative des réformes comportementales et des propositions de changement qui doivent marquer l’adaptation de nos modes de fonctionnement et de nos relations aux autres, sans lesquelles des retards irréversibles pourraient s’accumuler : la capacité à passer des accords, inter-activités, inter-générationnels et inter-acteurs, la transparence accrue sur les modes de décision et la considération des parties prenantes et l’éco-conception des offres à ré-inventer où existent des gisements considérables de création de valeur que nous excellons à deviner et amorcer. La main tendue de la classe dirigeante, qui est restée beaucoup sur la défensive ces dernières années, est indispensable à la cristallisation de ce nouveau pacte industriel offensif du siècle qui vient, autour d’une responsabilité sociétale d’entreprise volontariste, pour ne plus laisser penser qu’elle pouvait parfois préférer sa cause à son pays, sachant « qu’il n’existe jamais d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd ».
Depuis que la France s’interroge sur ses problématiques de compétitivité, on sait largement ce qu’il faut faire, allant de la maîtrise des coûts au renouvellement de l’offre, en passant par l’encouragement des filières porteuses et des entreprises moyennes et par des implantations élargies sur tous les continents, en pariant sur la qualification des jeunes générations et les prises de risque économiques etc..
Ce qui nous manque est de l’ordre de la méthode. Le modèle industriel français gagnant est dans la continuité des succès existants pour fédérer les démarches à succès, corriger les dysfonctionnements connus et créer la dynamique dont nous sommes capables, si les grands groupes acceptent de mieux tirer les trains de leur secteur et les grands capitaines d’industrie s’engagent dans une offre collective qui crédibilisera enfin leurs projets. La société française est prête à acheter un nouveau modèle économique si ses acteurs économiques font le pas d’une démarche de succès entrepreneurial partagé, en lui donnant des formes, des moyens et des méthodes, dans une vision collective qui doit être formalisée et qui les engage. La première réussite serait que cette mutation ne soit pas issue de l’Etat mais des acteurs eux-mêmes, en toute responsabilité. C’est à l’industrie de refonder le 2ème modèle français, en accord avec la société civile, au travers de dialogues de fond et de contrats pragmatiques entre parties prenantes. La RSE peut être une méthode opératoire pour faire renaître un modèle industriel de référence.
La loi Grenelle 2 qui aura crée les conditions d’une dynamique de la RSE est toujours en attente de son cadre d’application. Le gouvernement qui l’a porté aurait avantage à revendiquer cette démarche, en publiant le décret attendu avant son départ. Cette décision aura une importance majeure, non pour savoir si la RSE est de droite ou de gauche, mais si elle peut être enfin partagée par tous, ce qui nous espérons par-dessus tout. Dans l’intérêt général.
Patrick d’Humières

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