Les militants de Florange viennent d’achever une marche de dix jours qui s’est conclue vendredi par un concert au Trocadéro avec Bernard Lavilliers et Zebda. Récit d’une exemplaire aventure humaine et syndicale.
« On est arrivé, on est arrivé, on est, on est, on est arrivé… ! » Bras dessus, bras dessous, les dix-sept marcheurs de Florange achèvent en chantant leur périple devant la Bourse du travail de Bobigny. Vu de là, Paris est enfin tout proche. Les solides gaillards viennent de réussir un pari un peu fou : se rendre à pied dans la capitale afin de mieux faire entendre la voix des sidérurgistes lorrains. Pour ce faire, ils ont avalé près de 400 kilomètres de routes en neuf jours, à raison de huit heures quotidiennes de marche.
Un accueil dans la liesse et l’émotion
Les traits sont tirés, les jambes lourdes et les ampoules aux pieds toujours aussi douloureuses – mais la joie et l’excitation de toucher au but leur fait oublier la fatigue accumulée. Accueillis en héros par des militants de toutes les organisations syndicales de Seine-Saint-Denis, ils savourent ce moment en ayant le sentiment d’avoir vécu une aventure exceptionnelle. « Notre combat va bien au-delà du site d’ArcelorMittal de Florange, s’exclame leur porte-parole, Édouard Martin. Il concerne l’avenir des usines dans tout le pays. Nous sommes des patriotes de l’industrie. »
Larmes et joie mêlées : ces ouvriers se lâchent un peu, laissent libre cours à leurs émotions. « Demain, ça va être un grand jour, s’enthousiasme Jérôme. Seize bus viennent de Florange pour le concert au Trocadéro. Je vais retrouver ma petite amie et mes parents. » Grégory attend aussi ce moment avec impatience ; sa femme et ses enfants seront de la partie. « Elle m’a déjà fait une première surprise : le 1er avril, elle est venue faire une étape avec nous. Belle façon de nous encourager. »
Pour cette fine équipe, plus soudée que jamais, ces neufs jours resteront gravés dans leur mémoire tant ils ont été marqués par l’accueil qu’ils ont reçu à chaque étape. « Sur le bord de la route, les gens nous encourageaient, raconte Jérôme. On a senti partout un énorme élan de solidarité. À Épernay, nous avons même reçu en cadeau une caisse de champagne. » En vue d’assurer la logistique, le réseau CFDT a fonctionné à plein. Tout au long de leur parcours, il a fallu trouver des municipalités qui acceptaient de les accueillir ; certaines ont ouvert un gymnase, d’autres ont offert des nuits d’hôtel. Il faut dire qu’il n’y a eu qu’une semaine de battement entre le moment où cette marche a été décidée et le jour du départ. « C’est parti d’une boutade, raconte l’un d’eux. De retour de Paris, où l’on nous avait aspergés de gaz lacrymogènes, nous cherchions de nouvelles actions. L’idée d’une marche sur la capitale est alors sortie du chapeau. »
Combat légitime et mobilisation durable
Ces militants chevronnés ont l’intention de ne pas en rester là, tant qu’ils n’auront pas l’assurance que les investissements nécessaires seront faits afin d’assurer la survie des installations de Florange. « On ne lâche rien !, aime à rappeler Édouard Martin. Certains nous accusent de faire de la politique pour décrédibiliser notre action, mais nous savons que notre combat est légitime. Qui que soit le président de la République élu dans les prochaines semaines, nous continuerons à nous mobiliser. La Lorraine a le droit d’avoir des usines, du travail et des emplois ! »
Photos : Olivier Clément et Chambre Noire
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