lundi 30 avril 2012

Chérèque regrette la volonté de mainmise politique sur le 1er Mai:"Nicolas Sarkozy détourne le 1er mai à des fins politiques"

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Dans un entretien au quotidien Libération, François Chérèque regrette la volonté
 de mainmise politique sur le 1er Mai, récuse les accusations à l'encontre
des organisations syndicales et évoque la méthode proposée par la CFDT pour aborder les sujets de l'après-présidentielle.

C'est demain le 1er mai, qui tombe cette année entre les deux tours de la
 Présidentielle. Appelez-vous à la mobilisation, alors que ce rendez-vous risque de prendre une tournure très politique?
Il y a deux mois encore, ce risque aurait pu nous faire hésiter. Mais depuis les dernières provocations du Chef de l'Etat sur le “vrai” travail, la mobilisation m'apparaît toute naturelle. Et la CFDT, avec ses partenaires de l'intersyndicale, appelle clairement les salariés à se retrouver pour ce 1e mai. C'est aussi l'occasion d'interpeller les deux finalistes de l'élection sur la question de l'emploi.
Le Président-candidat n'aurait pas le droit d'organiser un rassemblement le 1e mai sur le thème du travail?
Cette journée a pour origine, à la fin du 19e siècle, une victoire syndicale aux USA pour la journée de travail à 8 heures. Depuis, elle a été sacralisée, dans le monde entier, pour évoquer les revendications des travailleurs. Or chaque fois qu'il y a eu, dans l'histoire, une mainmise du politique sur cette fête, c'était dans un contexte de dérive anti-démocratique. Qu'il s'agisse des anciens pays du bloc communiste, avec une confusion entre les partis au pouvoir et les syndicats, où encore en France sous l'occupation. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que le Front national a fait du 1e mai sa journée symbolique. Qu'un des deux finalistes à la présidentielle rentre dans cette logique est donc une vraie source d'inquiétude, pour la CFDT, sur l'évolution de notre démocratie.
Comment comprenez-vous la notion de “vrai travail”?
Que certains, notamment les fonctionnaires, feraient un faux travail. Mais l'infirmière qui embauche à 21h et qui finit le lendemain à 7h, qui s'occupe aux urgences du SDF qui vient et qui n'a pas d'emploi parce que la société n'est pas capable de lui en donner, qui s'occupe du fou qu'on lui demande d'enfermer parce que la société ne veut pas le voir, cette femme là, comme des millions de fonctionnaires, ne serait pas une vraie travailleuse? Ce type de discours, qui pousse à la division, est devenu insupportable.
Le Président n'est pas tendre, non plus, envers les organisations syndicales, accusées de bloquer l'évolution du pays...
Depuis le début de la campagne, Nicolas Sarkozy a choisi de fustiger les organisations syndicales, qui seraient, selon lui, responsables de tous les maux de la société, et un frein à la réforme de notre pays. Sous entendu, ''le responsable, ce n'est pas moi, mais eux''. C'est oublier un peu vite les positions de la CFDT dans l'histoire récente. Notre organisation, rappelons-le, n'a jamais hésité à s'engager, à soutenir des réformes, quand nous estimions qu'elles étaient justes. Je pense à la réforme Juppé sur la protection sociale en 1995, ou encore la réforme Fillon sur les retraites en 2003. Il y a également la volonté, en stigmatisant les organisations syndicales et leurs permanents, de récupérer des votes à l'extrême droite. Ce qui est, à notre avis, une faute morale, mais aussi une vraie erreur. La CFDT, ce n'est pas que des permanents, c'est aussi des millions de salariés qui votent pour des militants syndicaux dans les entreprises et les administrions. Il s'agit d'une organisation de masse, avec une légitimité issue des élections professionnelles. Et depuis le début de cette séquence anti-syndicale, ce qui nous remonte du terrain, c'est un profond sentiment d'humiliation vécus par de nombreux militants et sympathisants.
Un sondage considère pourtant que 12% des proches de la CFDT ont voté pour Nicolas Sarkozy au premier tour...
C'est donc bien qu'en insultant les dirigeants syndicaux, il insulte aussi les sympathisants CFDT qui ont voté pour lui aux élections. C'est un manque total de respect pour ses propres électeurs.
Il n'y a également qu'en France, selon lui, que les syndicats font de la politique...
C'est méconnaître l'histoire sociale. Dans de nombreux pays, les syndicats sont liés à des partis politiques. En France, c'est l'inverse: la charte d'Amiens de 1906 a instauré l'indépendance du mouvement syndical par rapport au politique, même si parfois, il y a eu des entorses. Quand on a été président de la République pendant cinq ans, on doit le savoir. Ou c'est encore une volonté de nuire.
Pensez-vous pouvoir retrouver une relation normale avec l'Elysée si Nicolas Sarkozy est réélu?
Je n'ai pas souvenir d'une telle agressivité vis à vis des organisations syndicales, fondée qui plus est sur de faux constats. La confiance sera donc difficile à restaurer.
Appellerez-vous, comme la CGT, à battre le Président sortant?
Je pense que ce serait une erreur. Les salariés n'attendent pas des syndicats une consigne de vote. La CFDT est pour l'émancipation des salariés, ce n'est pas pour leur tenir la main dans l'isoloir. C'est aussi une question de respect pour la diversité des opinions des salariés. comme on le voit dans le sondage précité (supprimer). Par ailleurs, se retrouver ensuite face à un élu qu'on aurait appelé à sanctionner dans les urnes, c'est mettre le syndicalisme dans une situation difficile. C'est aussi se placer, dans le cas inverse, dans une position de soumission par rapport à l'élu qu'on aurait soutenu. La situation sociale à venir sera difficile, quelque soit le futur président, je souhaite que la CFDT garde sa capacité d'action intacte.
Etes-vous inquiet de la situation sociale après les élections?
Beaucoup d'équipes de terrain s'attendent à de nouveaux plans sociaux après les élections. En Franche Comté, par exemple, le chômage partiel est au même niveau que pendant la crise, au printemps 2009. Le chômage ne cesse de progresser, la croissance s'annonce poussive et la question de l'endettement public n'est pas réglée: tout laisse à penser que les mois à venir, quelque soit le vainqueur du scrutin, seront difficiles. Il n'y aura pas d'état de grâce.
Le Président de la République a pourtant montré qu'il était possible de sauver des entreprises...
Tant mieux pour les salariés qui en ont profité de la campagne électorale Mais faire croire qu'un responsable politique a la possibilité, par une claquement de doigts, de sauver l'ensemble des entreprises en difficulté, c'est donner un faux espoir à des milliers d'autres salariés qui sont dans la même situation.
Quelles solutions, alors?
Il faut aller vers une relance collective de l'économie au niveau européen. Car si la maîtrise des finances publiques est nécessaire, l'austérité ne contribuera pas, en elle même, à la croissance. Il faut donc mener une vraie politique d'investissement, de recherche, de formation qualifiante, et ne pas avoir peur d'un débat sur le coût du travail. Il faut également très vite aborder ce qui intéresse les salariés: l'emploi, le pouvoir d'achat, les conditions de travail.
Comment y parvenir?
La méthode sera déterminante pour être efficace. La CFDT propose que dès le mois de mai, on suive une méthode axée autour de trois points: D'abord définir les thèmes relevant exclusivement de la négociation entre partenaires sociaux (syndicats et patronat): réforme des institutions représentatives du personnel, répartition de la valeur ajoutée, accords de compétitivité-emploi, conditions de travail, sécurisation des parcours professionnels... Fixer un calendrier, avec une date butoir imposée par l'exécutif pour faire aboutir les négociations, afin d'éviter que certains, comme le Medef, jouent la montre pour les enliser. Ensuite, il s'agit de définir les sujets communs aux partenaires sociaux et au gouvernement, comme la protection sociale, la question des revenus (SMIC, allègement de charges, maîtrise des coûts du logement...). Enfin, avec l’ensemble de la société civile il faut organiser un Grenelle pour lutter contre la pauvreté. Si on est en mesure d'établir cet agenda, il y a alors moyen de normaliser et pacifier les relations sociales dans notre pays.
Propos recueillis par Aurore Hennion et Luc Peillon
Interview consultable sur le site http://www.liberation.fr/

Nicolas Sarkozy détourne le 1er mai à des fins politiques" (F. Chérèque)
FranceInfoPar FranceInfo
Invité de France Info à la veille du 1er Mai, François Chérèque a rappelé le sens de cette mobilisation syndicale, qui doit permettre de remettre le travail au cœur des débats, et insisté sur l'importance du dialogue pour que "le pays avance".

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