vendredi 13 avril 2012

Dans une tribune, qu'il cosigne notamment avec Jacques Delors dans Le Monde en date du 13 avril 2012, François Chérèque rappelle l'importance de "refonder ensemble notre pouvoir de penser, agir, vivre autrement en démocratie".

"Réveillez-vous, la démocratie recule !"


Il y a moins d'un an, nous appelions dans une tribune du Monde, à un sursaut politique face au désarroi social et moral qui touchait les français. Nous invitions à "se mobiliser pour un pacte civique fondé sur des impératifs de créativité, sobriété, justice et fraternité". Nous espérions une campagne électorale qui soit "l'occasion d'aborder en citoyens responsables les défis auxquels nous sommes confrontés".
Malheureusement, plus qu'à une progression de la qualité démocratique et éthique de la campagne nous avons assisté ces dernières semaines, en particulier de la part de certains candidats, à l'exploitation des peurs, à la recherche de boucs émissaires, à la stigmatisation d'une partie de la population...
En outre, nombre de positions relèvent davantage de postures ou de polémiques qui finissent par oublier que notre pays n'est pas une île et qu'aucun projet digne de ce nom ne peut aujourd'hui s'abstraire d'une vision européenne et mondiale des problèmes à débattre.
Nous ne sous-estimons pas les difficultés devant lesquelles se trouvent des responsables politiques. Mais tous nous attendons que la campagne électorale en cours permette de faire des propositions crédibles, exprimant une vision claire et désirable de l'avenir. Si le changement est nécessaire, encore faut-il dire comment il peut être l'affaire de tous, comment chacun peut participer, dans la durée, à un projet commun de société.
Les Français ne sont pas dupes : ils savent que demain, notre pays ne pourra plus reculer devant la réduction du chômage et des inégalités, condition d'un retour à l'équilibre financier qui ne se traduise pas encore par une aggravation des injustices sociales. Il est donc grand temps de savoir quel Etat nous voulons ? Quels rapports doivent s'établir entre cet Etat et la sphère financière ? Quels liens relient cet Etat avec l'Europe ? Quels principes guideront nos dépenses ? Quelle fiscalité nous accepterons pour assurer l'équité ? Comment nous comptons faire face à une triple dette financière, sociale et écologique ? Comment nous réduirons le chômage et préserverons l'environnement ? Il est grand temps de leur faire connaître le mode de gouvernement que l'on nous propose pour favoriser le lien social et pour renouveler la qualité de notre démocratie.
En débattre clairement nous permettrait les 22 avril et 6 mai de mettre en toute connaissance de cause notre bulletin dans l'urne. Parce que c'est ainsi que nous saurons à quoi nous renoncerons et ce pour quoi nous choisirons. C'est de cette manière, et de cette manière seulement, que nous choisirons la juste et créative sobriété, condition d'une économie maîtrisée, source de bien être pour tous, dont notre société a besoin. Parce que faute d'avoir ouvert ces débats, c'est l'austérité qui nous sera imposée. Et avec elle son cortège de drames humains et de misère, de désespoir et de révolte.
La dégradation de notre vie publique exige l'invention par les Français d'un avenir commun prenant en compte nos potentiels humains, multiples, et mal utilisés, ainsi que les opportunités et les impératifs européens et mondiaux. Ce ne sont ni une sphère politique donnant l'illusion de détenir les solutions à nos problèmes, ni une société civile divisée, ni des médias privilégiant la recherche d'audience qui arriveront à apporter les solutions. C'est une réponse citoyenne commune qu'il nous faut construire, car la participation à la vie démocratique ne peut se résumer aux échéances électorales.
L'enjeu est donc de refonder ensemble notre pouvoir de penser, agir, vivre autrement en démocratie. C'est ce qu'a entrepris le Pacte civique qui réunit une centaine d'organisations de la société civile prêtes à s'engager dans la durée avec des citoyens, des chefs d'entreprises, des syndicalistes, des maires, etc., pour inventer un futur désirable pour tous. Il s'agit de rassembler les français à un moment grave de notre histoire autour d'un nouveau projet politique national s'articulant à une vision de l'avenir de l'Europe et du monde. Alors, mesdames et messieurs les candidats, faites un effort ! Faites preuve d'audace, de clarté et de simplicité dans l'exposé de votre projet pour la France. Avec nous, ouvrez les vrais débats et appelez les femmes et les hommes de ce pays à choisir en sachant que tout ne sera pas possible, mais que rien ne le sera sans eux.
Claude Alphandéry, Dounia Bouzar, François Chérèque, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delors, Jean-Baptiste de Foucauld, Patrick Viveret.

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