Très loin de régler la question du partage des richesses dans l’entreprise, la prime de partage des profits a suscité des négociations parfois vives… et la déception des salariés.
Les négociations autour de la « prime dividendes » se sont achevées le 31 octobre dans les entreprises concernées sur un bilan qui, pour être sans surprise, ne se révèle absolument pas conforme aux objectifs affichés par le gouvernement. En effet, celui-ci a fixé à 1 200 euros par salarié le plafond d’exonérations de charges dont bénéficient les employeurs pour l’octroi de cette prime. Or, la majorité des entreprises concernées ont accordé en moyenne le quart de cette somme.
Sans enthousiasme ni illusion…
« Les négociations ont été souvent rugueuses et révélatrices de la difficulté des partenaires sociaux de s’entendre sur le partage des richesses, affirme Philippe Couteux, secrétaire confédéral. Dans beaucoup d’entreprises, la CFDT a signé car il n’y avait pas de raison de priver les salariés du maigre bénéfice de la prime, mais c’était sans enthousiasme ni illusion. Quelques équipes nous ont fait part de discussions qui avaient pour but de savoir si l’entreprise se trouvait dans le périmètre de la loi ou pas, et ce, en dépit des précisions de la direction générale du travail. » Aucune entreprise aurait décidé de ne pas verser de prime à l’issue des négociations, ce qui aurait pu entraîner une procédure devant les prud’hommes de la part des salariés.
En revanche, les négociations ont souvent débouché sur une décision unilatérale de l’employeur « La possibilité pour les entreprises de décider d’un plan d’action unilatéral a parfois été accompagné d’un chantage scandaleux : “Vous signez à 130 euros ou nous ne donnons unilatéralement que 100 euros. Les salariés seront informés que votre refus de signer les prive d’une prime plus élevée” », dénonce le secrétaire confédéral.
Certaines propositions patronales relèvent de la pure provocation. L’exemple médiatisé de Securitas et de ses 3,50 euros par salarié est ainsi révélatrice du comportement de quelques employeurs. « Dans plusieurs entreprises, les directions se sont fondées sur les dividendes versés à leurs actionnaires et ont pris cette base pour établir un lien artificiel avec un montant de prime très faible, explique Philippe Couteux. Or, certaines entreprises ont pu voir leurs profits augmenter sans être beaucoup plus généreuses avec leurs actionnaires. » La loi prévoit pourtant que le montant de la prime ne saurait être symbolique. Chez Ipsos, les salariés ont observé une semaine de grève à l’appel d’une intersyndicale dont la CFDT faisait partie, afin d’obtenir un montant moins indigent que les 24 euros en moyenne accordés par la direction. Cette entreprise se caractérise par un taux de contrats précaires très élevé. La direction a finalement tenu compte de cette réalité, en accordant une prime qui ne les exclut pas de son bénéfice et qui s’avère proportionnelle au temps de présence au sein de l’entreprise. Elle peut ainsi atteindre – certes, péniblement – 300 euros. La direction s’est aussi engagée à augmenter substantiellement l’intéressement et la participation en 2012.
Pression supplémentaire lors des NAO ?
La plupart du temps, les négociations ont abouti à un versement égalitaire de la prime, la même somme étant attribuée à l’ensemble des salariés, ce qui favorise les petits revenus. « Plus la prime est élevée, plus les employeurs introduisent une part de proportionnalité, inversée ou non, aux salaires », observe Philippe Couteux. Le manque de générosité des entreprises leur mettra une pression supplémentaire lors des négociations salariales à venir. « Les employeurs auront du mal à prétexter de la prime de partage des profits pour minorer leurs propositions en NAO. C’est la politique salariale dans sa globalité qui doit tenir compte, entre autres paramètres, de l’accroissement des profits », explique Philippe Couteux.
La prime de partage des profits est donc loin de répondre à la nécessité d’une plus juste répartition des richesses dans les entreprises. Le gouvernement a décidé sa création dans un contexte où les dirigeants des entreprises du Cac 40 augmentaient considérablement leurs rémunérations. Il s’agissait de répondre dans l’urgence à un sentiment d’injustice sociale, avec beaucoup de démagogie, en présentant une solution qui se révèle très éloignée des enjeux.
De la transparence.
La CFDT insiste sur la nécessité de « plus de transparence de l’équation économique des entreprises » pour que les représentants des salariés en comprennent les termes. « Nous ne revendiquons pas la cogestion des orientations stratégiques des entreprises, mais nous voulons aboutir à un dialogue fondé sur un diagnostic partagé quant à leur situation économique, affirme Philippe Couteux. Dans la période actuelle, il semble que la priorité, en matière de partage des bénéfices, devrait aller à l’investissement et au désendettement des entreprises. C’est une condition du retour de leur développement, donc de l’emploi et de l’augmentation des rémunérations. »
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