Officiel: le réchauffement sera limité à 2,7 °C
Le 30 octobre 2015 par Valéry Laramée de Tannenberg
Energie, Gaz à effet de serre, Changements climatiques, Politique climatique, Politique & Société, Recherche, Administrations, Climat, COP21
Les émissions de GES ne cesseront de progresser.
UNFCCC
UNFCCC
Comme promis, le secrétariat de la convention de l’ONU sur le changement climatique a rendu public, ce vendredi 30 octobre, son évaluation des contributions nationales volontaires, les désormais fameuses INDC. L’institution onusienne a quelques raisons de se montrer satisfaite.
Au moment où ses experts ont commencé à plancher (le 1er octobre dernier) 147 gouvernements avaient publié leurs promesses[1], soit 75% des parties à la convention à l’origine de 86% des émissions comptabilisées en 2010. Du jamais vu. En 2010, à la suite du sommet climatique de Copenhague, une soixantaine de pays avaient publié des engagements rarement comparables les uns avec les autres. Et c’est là le second motif de contentement: les effets sur le climat des INDC peuvent être évalués.
Stratégies mûrement réfléchies
La plupart de ces contributions portent sur le périmètre national, ciblent généralement les mêmes gaz à effet de serre (en général les 6 du protocole de Kyoto[2]) et fixent, la plupart du temps, des objectifs chiffrés de réduction d’émissions. Plus de la moitié d’entre elles prévoient des réductions par rapport à un scénario tendanciel (business as usual), contre un tiers qui comportent des objectifs en valeur absolue, à l’instar de l’Union européenne. Quelques-unes (l’Inde et la Chine) en restent aux intensités carbone de leur croissance économique. Une habile façon de masquer une forte hausse des émissions.
À l’évidence, la rédaction de ces INDC a été mûrement réfléchie. Nombre d’entre elles comportent des objectifs sectoriels (transports, bâtiments, production d’électricité, aviation, fret maritime), en matière d’usage des terres, de foresterie, d’économie d’énergie et d’énergies renouvelables. D’autres, en revanche, conditionnent l’ampleur de l’effort au volume d’aide financière ou technologique extérieure.
à chacun sa référence
Évidemment, chacun choisit les références les plus avantageuses. Certains pays ont pris comme année de référence 1990 (l’année onusienne), démarrent leur politique climatique en 2000, 2005, 2013, 2014, voire 2015. Même hétérogénéité pour l’échéance des programmes: 2025, 2030, 2035, 2040 et —pourquoi pas— 2050.
Les programmes d’action sont plus nombreux qu’on pouvait le craindre. La plupart dévoilent le processus institutionnel qui sera mis en œuvre: institutions concernées, législation à prévoir, etc. Beaucoup ciblent les actions à engager en priorité: modernisation des réseaux, réforme de la fiscalité, captage-stockage géologique du CO2, développement de la finance carbone. À ce dernier propos, plus de la moitié des INDC envisagent d’utiliser des mécanismes de flexibilité, comparables au très décrié mécanisme de développement propre (MDP).
la moitié du chemin
Globalement, estiment les experts onusiens, la mise en œuvre des INDC sera profitable, mais très insuffisante pour stabiliser le réchauffement à un niveau inférieur à 2 °C à la fin du siècle. En 2025, l’Humanité pourrait ainsi émettre 55,2 milliards de tonnes équivalent CO2 par an et 56,7 à l’horizon 2030. Soit une augmentation, en 2020, de 42%, et de 46% en 2030, par rapport au niveau d’émissions comptabilisé en 1990[3].
Malgré un ralentissement de la croissance par rapport aux décennies précédentes, ces chiffres sont trop élevés (de 8,7 Gt/an en 2025 et de 15 Gt/an en 2030) pour que l'on puisse stabiliser le réchauffement à 2 °C. «Les INDC peuvent limiter à 2,7 °C la montée prévisible de la température moyenne en 2100», concède Christina Figueres, secrétaire exécutive de la convention, dans un communiqué. Le pronostic établi, il y a quelques semaines, par Carbon Action Tracker était donc le bon.
«Les INDC permettent de faire la moitié du chemin qui nous sépare de l’objectif des 2 °C. La COP21 doit maintenant crédibiliser la deuxième partie du chemin», complète l’ancien ministre du développement, Pascal Canfin. Cette seconde partie du chemin est-elle encore à notre portée ? Oui, mais ça n’est pas gagné.
Selon la promptitude avec laquelle elle mettra en œuvre ses INDC, l’Humanité devra tout de même réduire de 1,6 à 3,3% par an ses émissions de gaz à effet de serre pour avoir une chance raisonnable de stabiliser le réchauffement à 2 °C. Et encore. «Nous ne pouvons estimer avec précision une température à la fin du siècle à partir d’INDC qui ne couvrent que la période allant jusqu’à 2030. Or rien ne nous dit si l’effort de réduction des émissions va ralentir ou s’accélérer après 2030», rappelle le climatologue Olivier Boucher (LDM/CNRS).
[1] Au moment où nous mettons en ligne, 155 pays ont soumis leur copie à l’ONU.
[2]
Gaz carbonique (CO2), méthane (CH4), oxyde nitreux (N2O), hexafluorure
de soufre (SF6), hydrofluorocarbures (HFC), hydrocarbures perfluorés
(PFC).
[3] En 1990, l’Humanité a rejeté 38,8 Gt équivalent CO2, 40,5 Gt éq.CO2 en 2000, 48,1 éq.CO2 en 2010.
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