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• Par
Maud Parnaudeau
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« La Gazette » a sondé pour
la Casden des encadrants de la fonction publique sur leurs motivations,
leurs pratiques professionnelles et les enjeux auxquels ils sont
confrontés. Cette enquête exclusive montre le visage d’un management en
pleine mutation, à l’image de la société.
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Cet article est paru dans
Le Club Ressources Humaines
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Ca bouge dans le management public. Interrogés par « La Gazette » pour la banque Casden , les managers territoriaux, hospitaliers et de l’Etat dressent le portrait d’une fonction en pleine évolution. Une évolution que l’on devine à marche plus ou moins forcée sous le poids des contraintes budgétaires. Les économies sont d’ailleurs l’enjeu n° 1 auquel ils pensent être confrontés dans les années à venir (plus de 200 citations), très loin devant la motivation (84 citations) et la qualité de service (83 citations). « Il y a une vraie prise de conscience du contexte financier. On réfléchit désormais en termes d’efficience et de résultat », constate Jean-François Lemmet, consultant et ancien directeur général adjoint « ressources humaines » au conseil départemental des Hauts-de-Seine.
La passion ne suffit plus
Les managers sont 64 % à considérer que les restrictions budgétaires ont déjà influencé leurs pratiques. « On doit davantage gérer le changement, la contrainte et, au final, la souffrance au travail », témoigne Pierre-Henri Thomazo, directeur des ressources humaines du Centre Pompidou (1 000 agents, Paris) et ancien DRH de collectivité. « Nous sommes dans un pilotage adéquation missions-moyens, avec la nécessité désormais de définir des priorités », complète Gaëlle Jaspard, DRH du conseil départemental de la Loire-Atlantique (4 500 agents).Dans la fonction publique hospitalière, où les managers ont dû digérer la mise en place de la tarification à l’activité, l’impact budgétaire est ressenti par 82 % des cadres interrogés. L’hôpital où l’on compte également le plus de managers favorables à l’attribution de primes à la performance (59 %, contre 44 % toutes fonctions publiques confondues). « Les agents hospitaliers font un métier de passion. Mais la passion ne suffit plus face à un investissement personnel toujours plus important. Ils veulent un retour. Ils sont aussi sûrement en recherche d’équité à l’heure où la ressource financière est rare », avance Jean-François Lemmet.
« Les primes à la performance, pourquoi pas. Mais n’est-ce pas une cuillère pour enfoncer un clou ? interroge de son côté Pierre-Henri Thomazo. L’intéressement ne sera jamais assez significatif dans le public pour avoir un impact sur la motivation. Et trop de managers ne savent pas s’en servir. » « Individualiser les rémunérations va à l’encontre de la dynamique collective », renchérit Gaëlle Jaspard. Qu’ils y soient favorables ou non, le complément indemnitaire annuel – facultatif – du RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) viendra d’ici à la fin 2016 légitimer ce type de dispositif.
Générations X et Y
Interrogés plus largement sur les méthodes de management à l’œuvre dans le secteur privé, 78 % des encadrants publics estiment qu’elles peuvent « totalement » s’appliquer au secteur public, 8 % étant contre. Lesquelles de ces méthodes souhaiteraient-ils voir se développer dans leur administration ? En priorité la nouvelle gestion de la qualité de vie au travail (47 %), le management décloisonné (44 %) et les primes à la performance (44 %). 71 % considèrent en outre que le management transversal est approprié au secteur public. « S’il est souhaitable dans certains services, ce ne peut être un mouvement de fond, tempère Pierre-Henri Thomazo. Les collectivités sont trop protéiformes pour des modèles de management uniques. »La tendance est pourtant là, poussée par les jeunes au contact desquels les pratiques se façonnent. 64 % des managers publics interrogés estiment que les générations X et Y ont transformé leurs manières de faire. Elles les obligent à partager davantage les informations (68 %) et à accorder plus de temps aux échanges (63 %). Même si, selon Gaëlle Jaspard, « ce n’est pas tant une question de génération que d’évolution de la société, des demandes des usagers, des nouveaux outils, des contraintes budgétaires qui obligent à trouver d’autres manières de faire ».
Une certaine abnégation
Et eux, qu’attendent-ils ? Qu’est-ce qui fait courir les managers publics ? D’abord l’évolution de leurs collaborateurs (69 %) et les nouveaux challenges (60 %), loin devant la reconnaissance de leurs efforts (39 %) et les responsabilités (20 %). Des managers qui apparaissent donc globalement plus investis auprès de leurs équipes que préoccupés par leur propre sort. Même si l’on note une demande de reconnaissance plus importante que la moyenne parmi les managers hospitaliers (47 %).« Ils ont compris que faire évoluer les agents est un levier de motivation et d’adaptation », estime Gaëlle Jaspard. Sont-ils pour autant de bons managers ? « On est encore assez loin du compte dans le public, même si l’on s’y emploie ! Et ce ne sont pas quelques heures de formation qui changeront la donne. Il faudrait tester les capacités managériales lors du concours, ou alors faire un cadre de techniciens et un autre de managers », préconise Pierre-Henri Thomazo.
Focus
« Un modèle renouvelé qui vient réinterroger la place de chacun »
Jérôme Grolleau, sociologue et consultant, auteur de « La reconnaissance non monétaire au travail. Un nouveau territoire managérial », mars 2014 (1)« L’enquête manifeste les signes d’une dynamique culturelle chez les managers publics. Celle-ci n’est pas récente mais le processus semble s’accélérer. L’idée d’emprunt de techniques au privé est intéressante. Au nom des valeurs du service public, elle faisait l’objet non pas d’un interdit, mais d’une forte réticence. Elle marque donc une attitude d’ouverture : voyons ce qui se passe ailleurs, ne restons pas dans notre univers de référence. Emprunter, ce n’est pas prendre le modèle dans sa globalité, mais adapter certaines pratiques à son univers. Ainsi, on devient créatif. Ce n’est pas perdre son identité, mais la mettre en mouvement.
On voit aussi que la prise d’initiative des agents, le décloisonnement, l’horizontalité, le partage d’informations sont fortement investis. Ils constituent les linéaments d’un modèle managérial renouvelé qui vient réinterroger la place de chacun et les pouvoirs respectifs. L’agent ne peut plus être considéré comme un exécutant mais comme le producteur de son activité. Il faut redonner pour cela une place stratégique au terrain. »
Focus
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