Le gouvernement souhaite une
union nationale contre le chômage. Pierre Gattaz, président du Medef,
veut un «pacte républicain». Une concorde pour l’emploi est-elle
envisageable?
L’urgence absolue est de faire baisser
le chômage, d’accord. Qu’il y ait des gens de tout bord qui portent une
volonté commune, très bien. Que le chômage favorise le vote FN, tout le
monde l’a compris. Mais la question est de savoir comment on fait. Je
dis au gouvernement, ne cédez pas à la panique, ne cédez pas à la pensée
unique selon laquelle le problème est le coût du travail comme le dit
le Medef. Le problème, c’est l’investissement, la qualification et la
formation.
Il n’est pas possible de trouver des mesures consensuelles ?
Chacun cherche la martingale contre le
chômage. On rêve d’une solution miracle, on tente la transgression…
Mais le patronat est figé dans ses postures. Je constate que les idées
du Medef, c’est la précarité, la baisse supplémentaire du coût du
travail, et aucune réflexion sur l’économie. Que le gouvernement ne
tombe pas dans ce piège.
Le coût du travail en France n’est plus un sujet?
Les entreprises ont eu l’argent du
pacte de responsabilité, 41 milliards d’euros. Elles devaient investir,
former, embaucher. Quelques branches se sont engagées mais beaucoup ont
failli. Je demande que le gouvernement réunisse dès que possible tous
les partenaires sociaux pour tirer les choses au clair, faire le bilan
des engagements sur l’investissement, les embauches, l’apprentissage. Il
faut commencer par demander des comptes au lieu de se laisser embarquer
dans l’escalade des revendications patronales.
Ce serait la faute au patronat, les syndicats n’ont rien à se reprocher ?
La CFDT a pris ses responsabilités. Je
n’ai pas d’état d’âme pour aider les entreprises à construire les
mobilités, à développer les compétences, à s’organiser avec agilité pour
répondre à la demande. Je dis aussi qu’on peut soutenir
l’entreprenariat comme le fait par exemple l’Association pour le droit à
l’initiative économique (Adie). Personne ne reprochera à la CFDT un
quelconque immobilisme. En revanche, il faut arrêter de considérer que
les organisations patronales n’ont aucune responsabilité dans le
chômage. Définissent-ils le nouveau monde, celui de la transition
énergétique, de la transition numérique, de la qualité des relations
sociales ? Non, rien. Le leader du Medef dit que le social est un
problème, alors que la performance de l’entreprise en dépend.
Le gouvernement promet un effort sur la formation. Cela va dans le bon sens ?
Il faut faire beaucoup, beaucoup plus
sur la formation. Nous avons un besoin urgent de former 450.000
demandeurs d’emploi supplémentaires. Le plan en cours porte sur 150.000
entrées pour les métiers en tension, ceux de la transition numérique et
énergétique. Il faut aller beaucoup plus loin en élargissant aux
qualifications de demain et aux savoirs fondamentaux. On estime que 60%
des métiers qui embaucheront dans 20 ans ne sont pas connus. Il y a donc
beaucoup à faire.
Si c’est urgent, pourquoi cela n’est pas fait jusqu’ici?
Parce que tous les acteurs n’agissent
pas ensemble. Il y a des centres de formation vides et l’Association
pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) doit être
pleinement utilisée. Nous voulons travailler mieux avec les conseils
régionaux. Et nous attendons que l’Etat s’engage fortement sur le
financement des mesures à venir.
Comment relancer l’apprentissage, comme le veut l’exécutif?
Il faut permettre l’entrée en
apprentissage à n’importe quelle période de l’année. Aujourd’hui, si un
jeune rate la rentrée de septembre, il se retrouve démuni pendant un an.
L’apprentissage ne coûte presque plus rien aux entreprises, c’est bien
la preuve que la baisse des coûts ne résout pas tout. Pour débloquer la
situation, nous devrons peut-être en passer par une forme de contrainte
et pénaliser les entreprises sans apprenti. Il faudra aussi un acte
volontariste pour améliorer le statut de l’apprenti et pour relancer les
formations au niveau CAP et bac pro.
Quels sont vos modèles de réussite contre le chômage ?
J’ai beaucoup d’exemples. Quand Renault
recommence aujourd’hui à embaucher, après un accord de compétitivité
qui a sauvé des emplois, c’est la preuve que c’est possible. Quand on a
fait des plans de formation à Saint-Nazaire pour répondre aux nouvelles
commandes des chantiers de l’Atlantique, ça a marché. Quand, à Cholet,
une entreprise de menuiserie est passée de 90 à 450 salariés en
investissant et en augmentant la part de femmes, grâce au dialogue
social, ça a marché aussi.
Vous n’avez pas signé le projet d’accord sur le travail du dimanche dans les grands magasins. C’est un échec?
Ce n’est pas terminé. Dans la loi
Macron, nous avons exigé que le travail dominical passe par un accord
pour que les contreparties soient dument négociées. Nous souhaitons
aboutir dans les grands magasins. Il y a encore des points importants à
traiter, pour les vendeurs démonstrateurs, sur la garde d’enfant, sur
les créations d’emplois. J’invite les dirigeants de la branche
professionnelle à écouter la fédération CFDT pour trouver les solutions.
Nicolas Prissette
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