jeudi 23 février 2012

Report des congés annuels :Côté Europe : un vrai report!Une circulaire du 22 mars 2011pour la fonction publique d'État, demande « à tous les chefs de services d'accorder automatiquement le report du congé annuel ".Et pour la territoriale? L'Europe notre recours!

Les collectivités territoriales sont-elles dans l'obligation d'accorder un report des congés annuels lorsque l'agent n'a pas pu prendre ses congés avant le 31 décembre, du fait de son absence pour congé maladie ?
Il convient pour répondre à cette question d'examiner le droit français pertinent et de mesurer l'influence que peut avoir le droit communautaire sur la question. Une circulaire du 22 mars 2011 apporte une réponse pour la fonction publique d'État (1), transposable aux fonctionnaires territoriaux.

Côté français : un petit report

Le droit français ne prévoit qu'une faculté de reporter, au-delà de la période de référence, les congés annuels non pris pour congés maladies.
Le texte du décret de 1985 pose le principe selon lequel les congés annuels sont pris au cours de l'année civile, au titre de laquelle ils sont acquis, et exclut par principe leur report. Cependant l'autorité territoriale peut autoriser leur report à titre exceptionnel sur l'année suivante, notamment lorsque ces congés n'ont pu être pris du fait d'un arrêt maladie (2). Cette interprétation résulte tant de la formulation de l'article 5 du décret du 26 novembre 1985 que de son interprétation par le juge administratif.
Cette possibilité de report au-delà de la période annuelle de référence ne constitue pas un droit pour l'agent et un refus de report de la part de l'autorité territoriale n'a pas à être motivé. Cela résulte clairement des quelques solutions rendues par le juge administratif.
Ainsi les juridictions administratives indiquent « qu'il appartenait à M. X... de solliciter de son service, sur le fondement des dispositions de l'article 5 précité du décret du 26 novembre 1985, la faveur d'un report de ses congés à titre exceptionnel » (3) ou « la décision par laquelle le supérieur hiérarchique accorde à l'agent, sur demande de celui-ci, l'autorisation exceptionnelle de reporter un congé sur l'année suivante, ne constitue pas un droit mais une simple faveur » (4). Cette dernière jurisprudence considère que le refus de report n'a pas à être motivé et ménage un large pouvoir d'appréciation à l'administration pour apprécier si l'intérêt du service peut s'opposer à un tel report.
Ces solutions paraissent désormais remises en cause par le droit communautaire.

Côté Europe : un vrai report

Le droit communautaire tend à faire naître un véritable droit au report, au-delà de la période de référence, des congés annuels. À la suite de plusieurs questions préjudicielles posées sur le sens à donner à l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 relatif aux congés annuels, la CJUE a répondu aux difficultés d'interprétations soulevées (5).
La Cour de Justice relève tout d'abord que la directive ne comporte pas, à propos de cet article 7, de possibilités de dérogation au profit des États et analyse ce droit au congé annuel comme un « principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière » dont le respect s'impose aux autorités des États membres.

Si la directive ne s'oppose pas en elle-même à la fixation de périodes durant lesquelles de tels congés sont pris et à la perte éventuelle de ces droits à congés, passées ces périodes, c'est seulement sous la réserve que les travailleurs aient pu solliciter de tels congés. Dans le cas contraire, en particulier lorsque le travailleur n'a pu solliciter de tels congés du fait d'un arrêt maladie ou parce que des raisons impérieuses tenant aux intérêts de l'entreprise s'y opposent, il peut prétendre à de tels congés annuels sans que la période de référence ne puisse constituer un obstacle à leur octroi.
La Cour de Justice ne saurait être plus claire en affirmant que « le droit au congé annuel payé ne s'éteint pas à l'expiration de la période de référence fixée par le droit national lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et n'a pas effectivement eu la possibilité d'exercer ledit droit » (6). En effet, si un tel congé déploie pleinement ses effets sur le travailleur s'il est pris durant l'année au titre de laquelle il est octroyé, il ne perd cependant pas son intérêt s'il est demandé et obtenu ultérieurement.
Il faut ainsi considérer que les dispositions du décret de 1985 relatif au congé annuel des agents territoriaux ne peuvent être opposées à une demande de report des congés annuels au-delà de la période de référence, dès lors en particulier que l'agent a été, du fait d'un arrêt maladie (ordinaire ou accident du travail), dans l'impossibilité d'en bénéficier.
Une réponse ministérielle du 6 juillet 2010 à une question parlementaire laissait entendre qu'une étude était en cours sur les implications de cette solution communautaire (7).
Mais, compte tenu de la primauté du droit communautaire sur le droit national, le juge administratif serait tenu de faire prévaloir la directive sur le décret de 1985 organisant les congés annuels des fonctionnaires territoriaux ou, à tout le moins, d'interpréter les dispositions du décret conformément aux objectifs de cette directive.
C'est ce qui explique restant dû au titre de l'année écoulée à l'agent qui, du fait d'un des congés de maladie prévus par l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, n'a pu prendre tout ou partie dudit congé au terme de la période de référence ». Cette solution et les principes qu'elle contient sont, dans l'attente d'une circulaire spécifique, entièrement transposables à la fonction publique territoriale.

1. http://www.circulaires.gouv.fr/index.php?action=afficher Circulaire&hit=9
2. Art. 5 décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux : « Sous réserve des dispositions de l'article précédent, le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale. Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ».
3. Cour administrative d'appel de Paris, 4 juillet 2000, n° 97PA03056
4. Cour administrative d'appel de Nantes, 31 mai 2002, n° 98NT00531
5. CJUE, 20 janvier 2009, affaires C-350/06, Gerhard Schultz-Hoff, et C-520/006, Stringer e.a ; CJUE 10 septembre 2009, Pereda, C 277/08.
6. Formulation reprise par les trois décisions précitées.
7. Question écrite Ass. Nat. (XIIIe législature) n° 72759, Réponse ministérielle publiée au JO le 6 juillet 2010 page 7689.
8. Circulaire du 22 mars 2011 BCRF1104906C relative à l'incidence des congés de maladie sur le report des congés annuels : application du décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires
de l'État.

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