mardi 18 janvier 2011

Gestion de l’eau à Marseille : une equation à multiples inconnues


Gestion de l’eau à Marseille : une equation à multiples inconnues
Par Jean-Marie LEFORESTIER le 13 janvier 2011


Crédit photo : Mikey Bean


La communauté urbaine doit revoir sa gestion de l’eau. Marsactu vous a au cours de ces derniers mois régulièrement narré les épisodes du débat entre les pro-régie publique (au niveau politique toute la gauche sauf le PS, qui est encore entre deux eaux et devrait prendre position en février) et les partisans du privé (notamment la majorité municipale UMP de Jean-Claude Gaudin), représenté depuis 50 ans par la Société des eaux de Marseille (Sem, propriété de Veolia). Nous vous proposons aujourd’hui de plonger dans les enjeux réels de ce dossier qui devrait être tranché avant l’été prochain par Eugène Caselli, le président de Marseille Provence métropole (MPM), qui a rappelé lors de ses vœux que toutes les options restaient ouvertes.

1 Les salariés

Aujourd’hui, la Sem, le principal délégataire, emploie environ 850 salariés. Soit – seulement – 80 de moins qu’Eaux de Paris, la nouvelle structure publique mise en place pour la capitale par la majorité de gauche. Cependant, il reste difficile de connaître le nombre de salariés affectés aux contrats liant la Sem et MPM. Ainsi, les services techniques du Canal de Provence, les services centraux (ressources humaines, communication, etc.) ne travaillent qu’en partie sur le territoire de MPM. En cas de retour à une gestion publique, la communauté urbaine serait tenue, conformément au code du travail, de reprendre l’ensemble des salariés de la Sem travaillant jusqu’à présent pour son compte, exception faite de quelques cadres supérieurs. Pas si simple.

Le changement de structure doit en effet se dérouler sans aucune perte pour les employés. Or, comme le rappelait la chambre régionale des comptes en 2000, le délégataire est tenu par contrat de “faire bénéficier son personnel de conditions de rémunération et d’avancement équivalentes à celles du personnel municipal. Les employés de la Sem bénéficient ainsi des avantages du secteur privé, comme par exemple l’intéressement aux bénéfices et du secteur public, comme les conditions d’avancement.”

La question de ces avantages a été au coeur d’une étude remise par Finance Consult à MPM et présenté dans le cadre de la comission Ager (une agglomération éco-responsable) présidée par Martine Vassal (UMP). Durant leur topo, les représentants du cabinet ont à leur tour pointé du doigt un dispositif de retraite complémentaire particulièrement onéreux pour l’employeur. Si elle reprenait la gestion à son compte, MPM aurait donc à intégrer 800 agents parfois en doublon et à des conditions qui feront sans nul doute pâlir d’envie leurs nouveaux collègues. Et comme FO est tout aussi majoritaire à la Sem (1) qu’à MPM, les discussions s’annoncent âpres.

(1) Contactée, la section FO de la Sem n’a pas souhaité s’exprimer

2 Le prix de l’eau

L’enjeu principal de la gestion de l’eau est aujourd’hui sans conteste celui du coût. Le prix pratiqué à Marseille, récemment rabaissé de 5% suite à des discussions entre la communauté urbaine et les délégataires actuels, la Sem et la Seram (filiale de Suez chargée de l’assainissement), se situe grosso modo dans la moyenne nationale. A Marseille, le mètre cube est aujourd’hui facturé 3,15 euros à l’usager. Un prix qui cache d’importantes disparités : il y a quasiment autant de tarifs que de communes desservies par le réseau d’eau pour une variation allant de 1,10 € (Gémenos qui est en régie) à 3,65 € le mètre cube (Le Rove).

Globalement, les prix sur le territoire de MPM apparaissent “relativement élevés [...] par rapport à des collectivités de la même importance” aux yeux de Finance consult. Mais, de l’avis de la plupart des acteurs, délicat de mettre en regard les prix tant ceux-ci dépendent des conditions géographiques. A l’échelle nationale, les gestions privées sont en moyenne 19 % plus cher que leurs homologues publiques selon une étude publiée en décembre dernier par le commissariat général au développement durable. Les entreprises se défendent en expliquant qu’ils ont aussi des impôts à payer, contrairement aux régies.

3 Les bénéfices

La rentabilité du contrat marseillais est de 5,6 % par an après impôt selon la Sem. Un chiffre sujet à caution : la chambre régionale des comptes avait ainsi épinglé de nombreuses lignes budgétaires présentées à MPM dans les bilans annuels alors qu’ils n’avaient pas lieu d’être (frais de communication, participation à des congrès et même intéressement versé aux salariés…)

Quand bien même on s’arrête aux chiffres présentés par la Sem, la marge est jugée trop importante par le cabinet Finance Consult qui rappelle que l’on se situe en moyenne sur ce genre de contrats autour de 4 % voire de 3% si l’on se concentre sur ceux récemment conclus. S’il optait à nouveau pour le privé, la réflexion de 2013 devrait donc être l’occasion pour Eugène Caselli d’essayer de faire baisser les prix.

Mais, encore faut-il pour cela qu’il y ait une réelle mise en concurrence. Or, jusqu’à récemment, la Sem, aux manettes depuis 1960, était seule à avoir les connaissances nécessaires pour intervenir sur le réseau. MPM a certes récupéré depuis quelques années une part des maîtrises d’ouvrage mais elle n’a toujours pas une connaissance complète du réseau. Faute d’avoir toutes les cartes en main, difficile de s’adresser à un autre opérateur, d’autant plus lorsque l’on connaît le poids de Veolia dans la région. Même si Suez, autre poids lourd du secteur, était jusqu’à récemment actionnaire à part égale dans la Sem (avant que l’Europe ne dénonce une situation anti-concurrentielle).

4 Le contrôle

On l’aura compris, la capacité de la collectivité à évaluer tous les paramètres est au coeur des enjeux. Avec 35 contrats, le résultat d’un demi-siècle de contrats et d’avenants en tout genre, difficile de s’y retrouver dans toute cette paperasse. Finance consult note ainsi que “la lecture pour les services, la lecture pour les auditeurs est donc relativement compliquée quand bien même ces auditeurs et ces services sont des professionnels du secteur d’activité”. Une opacité d’autant plus forte que MPM ne dispose pas de moyens humains et matériels suffisants pour vérifier que les aménagements provisionnés sont effectivement mis en place sur le terrain.

Ainsi, difficile de savoir le devenir des 70 millions de provisions sur charges constitués par la SEM. Régulièrement, des collectivités territoriales ont pu récupérer du trop perçu. Comme à Lille, qui a encaissé 140 millions d’euros auprès d’une entreprise dont la composition était jusqu’en 2008 identique à celle de la Sem (moitié Suez moitié Veolia). Le retour au public permettrait incontestablement de lever tout ou partie de cette opacité. Revers de la médaille, la communauté urbaine deviendrait alors juridiquement responsable en cas de pépins. Pas une mince affaire.

5 La tarification

Deux types de tarification coexistent à MPM. Le plus répandu est une solution mixte alliant un abonnement, et une part proportionnelle. D’autres communes telle Marseille ont quant à elles opté pour une proportionnelle intégrale, déjà plus favorable aux petits consommateurs.

Quel que soit celui retenu, aucun ne permet véritablement une tarification progressive de l’eau comme elle est à l’heure actuelle pratiquée, par exemple, à Annonay (Ardèche) ou encore à Libourne (Gironde) où les premiers m3 d’eau sont à quelques centimes d’euro. C’est ce que réclame à Marseille le collectif pour une gestion publique de l’eau.

L’avantage est double. D’un point de vue social, les petits consommateurs, qui sont souvent les plus modestes, payent relativement moins cher leurs m3. Un enjeu d’importance quand on sait que l’eau coûte en moyenne 183 euros par personne et par an selon le commissariat général au développement durable. Quand à ceux qui veulent prendre 2 bains par jour, il devront payer plus cher. D’où l’intérêt en matière de préservation de la ressource, le gaspillage se faisant davantage sentir sur la facture.

1 commentaire:

igepac a dit…

La première mesure sociale à prendre est de supprimer les abonnements ( ou parts fixes ) qui ont pour conséquence financière de faire payer l'eau plus chère au plus petit consommateur. Les vrais bénéficiérent des parts fixes sont les activités professionnelles qui consomment quelques centaines de mètres cube, et plus.
igepac.com, le blog des consommateurs d'eau ( 80 % du pastis !!! ) demande la suppression de ces taxes médièvales.
<Pierre