Les enquêteurs ont dévoilé les liens tissés par Alexandre Guérini dans le Milieu, les institutions, et le monde politique. Une toile qui serait bien incomplète sans une petite touche de couleur syndicale.
Guernica, le tableau, était l’autopsie d’un massacre. Celui perpétré dans la ville basque par les troupes franquistes contre les républicains lors de la meurtrière guerre d’Espagne. Un peu moins sanglant, le dossier Guernica, nom de code poétique trouvé par les gendarmes marseillais à leur vaste enquête sur les marchés publics du coin, n’en est pas moins prometteur…Il recèle en lui les remous d’un raz de marée propre à engloutir le Vieux Port.
De cette véritable boîte de pandore que la classe politique, économique et syndicale a tue ou cautionnée pendant des années, un homme, pour l’instant ressort. Une tête de turc des médias, tête de proue du dossier, dont on osait à peine susurrer le nom dans les allées du pouvoir de la ville jusqu’aux révélations de Bakchich en novembre 2009. Alexandre Guérini, le frère du président du conseil général des Bouches du Rhône Jean-Noël, incarcéré depuis le 1er décembre. Auquel a été enfoncé le vaste chapeau de "pieuvre", chef de bande, patron du système. A lui et à lui seul.
Las, à l’ombre du "capeou", bien du monde a pris la fraîche. Déjà, les enquêteurs ont dévoilé les liens tissés par Alex dans le Milieu, les institutions, et le monde politique.
Une vaste toile qui serait bien incomplète si était oubliée une petite touche de couleur syndicale.
Et notamment l’étrange mainmise de FO sur le Vieux Port, de la mairie au conseil général en passant par la communauté urbaine. Le vieux syndicat né d’une scission de la CGT au sortir de la guerre a fait sienne la ville. L’historique maire de Marseille, Gaston Deferre, lui a offert les clés de la cité, que ni le maire UMP Gaudin, ni le président socialiste du conseil général Jean-Noël Guérini, ni même le président de la Communauté Urbaine Caselli ne lui ont retirées. Les héritiers de Gastounet n’ont eu de cesse de choyer Force Ouvrière. Dont principalement, le leader local du syndicat, Elie Claude Argy, ou même sa femme.
Elie Claude Argy
Comme l’avait révélé Bakchich, l’office des HLM du département s’est empressé de racheter la maison du couple, quand bien même il apparait bien improbable de le transformer en logement social. Madame a été engagé et promue en un temps record à la police de la propreté de la communauté urbaine, promotion visée par une plainte devant le tribunal administratif. Et Monsieur jouit d’un statut fort envié. La mairie l’a chargé de gérer le futur stade Vélodrome, sachant que la gestion du Palais des Sports est déjà de sa responsabilité.
Auditions et écoutes judiciaires du dossier Guernica attestent un peu plus l’ascendant l’influence de FO dans la plus vieille ville de France. Interrogé sur cet ascendant, Alexandre ne fait pas le prude…
"Il est bien connu que depuis 1953, date où Gaston Deferre devint maire de Marseille, c’est toujours le syndicat majoritaire FO qui a proposé, propose et proposera les nominations de fonctionnaires, décrit-il doctement en garde-à-vue. De Gaston Deferre en passant par Robert Vigouroux et Jean-Claude Gaudin, c’est toujours le syndicat majoritaire qui aura seul la possibilité de propositions de nominations". Dès lors autant se mettre au mieux avec le patron, Elie-Claude Argy, auquel M. Frère porte à la fois "amitié et affection".
Des oranges pour Jean Noel Guérini
Farceurs syndicalistes marseillais. Les malotrus ont fêté à leur façon la nouvelle année lors des voeux du président Jean-Noël Guérini au conseil général des Bouches-du-Rhône le 6 janvier. Une sorte d’intersyndicale (FO excepté) s’est ingénié à lui balancer des oranges aux cris de "tu les apporteras à ton frère".
Suffisant pour travailler en bonne intelligence ? Apparemment. Les deux compères paraissent avoir œuvré de concert pour nommer le directeur général adjoint à la propreté, de la CUM, Michel Karabadjakian… désormais mis en examen pour corruption passive. Nommé en 2008, le secrétaire des cadres techniques de FO depuis 1995 a admis en audition avoir opiné à nombres d’oukases d’Alexandre sur la gestions des marchés publics des déchets. "Je me suis senti oppressé parce que ces personnes m’ont installé à ce poste", lâche le fonctionnaire. Avant de se faire plus précis. "Je sais qu’il [Alexandre] a rencontré à plusieurs reprises avant ma prise de fonction Elie Claude Argy qui est le secrétaire général du syndicat FO et que celui ci est intervenu au minimum pour accélérer les délais et obtenir le poste". Un coup de pouce, bien appuyé… "J’ai eu connaissance que Jean-Noël Guérini était lui-même intervenu auprès du président Caselli pour appuyer ma nomination […] au cours d’une réunion politique à laquelle assistait Patrick Mennucci, Eugène Caselli […] La position tenue par Jean-Noël Guérini ne tient qu’aux seuls intérêts de son frère". De la bonne entente entre politique et syndicats…Un deal gagnant-gagnant.
Très introduit à l’OPAC 13, dont son frère a longtemps présidé aux destinées, Alexandre se démène pour trouver un appartement pour un ponte du syndicat. "Voilà et l’autre le T4, vous le donnez à FO s’il le veut. D’accord ?" ordonne Alex à Antoinette Camiglieri, directrice de cabinet du boss de l’office de HLM, selon une écoute judiciaire interceptée en 2009. Et les correspondants de dévoiler l’identité de l’huile syndicale, Patrick Rué, secrétaire général adjoint de FO territoriaux.
Patrick Rué, dont le nom est mal orthographié par les enquêteurs, fait l’objet de toute les attentions d’Alexandre Guérini
Un Rué fort impliqué dans la marché de la ville. En 2008, selon nos informations, le syndicaliste avait beaucoup œuvré pour la réélection du maire Jean-Claude Gaudin.
Le dossier Guernica n’a pas fini de livrer ses secrets. Et de dévoiler les recettes de l’autre bouillabaisse marseillaise ?
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