mercredi 12 janvier 2011

Code de procédure pénale Article 40






















REFERENCES
Code procédure pénale, art. 40
« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Devoir de réserve : « Les agents ont de moins en moins en conscience de leurs obligations »

© E. Hannoteaux
Par J. Joannès
Publié le 11/01/2011
Mis à jour le 12/01/2011
Samuel Dyens, DGA du conseil général du Gard et chargé d’enseignement à l’Université de Nîmes et à l’école de formation des avocats (EdA) explique, dans une interview à la Gazette, la frontière entre liberté d'expression, devoir de réserve, et devoir de dénonciation de crimes et délits. Des notions remises sur le devant de la scène avec "l'affaire" wikileaks13.
L’affaire du site « wikileaks13 » révèle-t-elle une contradiction entre l’obligation de réserve du fonctionnaire et l’article 40 du Code de procédure pénale, qui invite le fonctionnaire à dénoncer tout crime ou délit ?
Rappelons les faits : un agent a lancé en 2010 un site pour dénoncer les pratiques illégales dans les Bouches du Rhône. Bien qu’à visée, ou affichage, généraliste, ce site ne pouvait en réalité que viser des dirigeants de sa collectivité. C’est donc d’abord l’obligation de réserve qui, a priori, est susceptible d’avoir été violée. C’est d’ailleurs sur ce fondement que la sanction de suspension a été prononcée contre l’agent concerné. Mais est également concernée l’obligation de discrétion professionnelle.
Y-a-t-il atteinte à la liberté d’expression ?
Obligation de réserve comme obligation de discrétion sont des limitations à la liberté d’expression. Il ne s’agit pas d’une interdiction stricte et absolue. Il s’agit, d’une part, de faire attention à l’information que l’on peut ou pas divulguer : c’est l’obligation de discrétion. D’autre part, l’agent est tenu de faire attention à la forme avec laquelle il va communiquer l’information : c’est l’obligation de réserve.
Quelle est la distinction entre obligation de réserve et obligation de discrétion ?
L’obligation de discrétion, c’est interdiction de divulguer des informations sur son propre service : c’est l’équivalent du « secret professionnel », appliqué au service public. Le secret professionnel couvre des obligations sur les administrés, alors que la discrétion couvre des informations sur l’administration. Mais juridiquement, c’est la même obligation de secret. Typiquement, l’affaire « Zoé Sheppard » relève de la violation de l’obligation de réserve ; mais sa connexité avec la discrétion est grande. L’agent a écrit un ouvrage extérieur à l’exercice de sa mission elle-même, mais en portant une appréciation peu élogieuse, voire excessive, sur son administration. S’agissant donc du site « wikileaks13 », l’agent ne pouvait pas rendre publique toutes les dérives dans une institution sans rendre publique des informations sur sa propre administration, et donc sans violer l’obligation de discrétion.
Qu’implique le respect du Code de procédure pénale ?
L’agent doit, certes, dénoncer tout crime ou délit dont il a connaissance à l’occasion de ses fonctions. Mais l’article 40 impose une voie procédurale spécifique : la saisine du procureur. Les défenseurs du site ne peuvent donc pas s’appuyer sur cette procédure, bien encadrée, pour justifier une diffusion publique large !
Le statut est-il encore adapté alors que les fonctionnaires semblent se saisir ou vouloir se saisir de tous les moyens d’expression et des « réseaux sociaux » ?
De plus en plus souvent, certains agents considèrent qu’à l’extérieur du service, et en tant que citoyens à part entière, ils disposent de leur entière liberté d’expression. Ils utilisent blogs ou autres réseaux comme un citoyen «normal ». Mais les agents publics ne doivent jamais oublier que, lorsqu’ils sont en service, ils restent des citoyens ; mais inversement en dehors du service, ils restent des fonctionnaires. C’est une des justifications fondamentales du statut. Ces éléments viennent limiter, en tout cas sur la forme, la liberté d’expression sur un blog, par exemple. Un agent peut animer un blog. Mais son contenu doit respecter ses obligations déontologiques professionnelles.
Sur le blog d’un agent, c’est le plus souvent le non-respect de l’obligation de réserve, c’est-à-dire la manière d’évoquer les choses, qui pose problème. L’appréciation que porte l’agent peut être fondée sur une réalité, mais qui, dans la forme et son expression ne doit pas violer l’obligation de réserve.
Ces obligations statutaires ne doivent-elles pas s’adapter au regard de l’envolée des « réseaux sociaux » ?
En réalité, ces principes fondamentaux ont d’abord été confrontés aux grandes lois de 1978, sur l’accès aux documents administratifs et sur l’informatique et les libertés. Il s’agissait déjà de considérer que le citoyen est en droit d’obtenir des informations de la part de l’administration. Il faut se rappeler qu’auparavant, le secret était le principe et l’information, l’exception. Le législateur a répondu à la demande de transparence, assimilée à la démocratie. Mais les moyens de communications se sont largement développés depuis et permettent une utilisation plus « populiste » ou démagogique de cette transparence acquise. On parvient peut être à un effet pervers, à un excès inverse, du «tout transparence », qui questionne la démocratie.
Les obligations de réserve et de discrétion professionnelles sont–elles inopérantes ?
Ce n’est pas la règle de droit qui pose problème. L’arsenal déontologique est adapté et demeure plus que jamais utile. Le souci provient des agents eux-mêmes : ils ont de moins en moins en conscience de leurs obligations. Certains, par exemple, affirment de façon péremptoire que le secret professionnel ne concerne que les fonctionnaires du secteur social ! D’autres se déclarent totalement libres de l’expression de leur opinion en dehors du service ou se disent libres de cumuler des emplois dès lors que leurs horaires de travail ne sont pas impactés !
C’est un phénomène nouveau ?
Non. La relativisation des contraintes déontologiques est ancienne. Mais les jeunes générations considèrent que l’on devient fonctionnaire comme on prendrait un autre emploi. C’est un problème de culture : on a tellement relativisé la fonction publique, qu’aujourd’hui on oublie qu’avec la signature de l’acte de recrutement, on signe pour des engagements de service public et d’ordre déontologique. Dans beaucoup d’affaires récentes, il n’y a pas de mauvaise intention avérée et les agents agissent ainsi « de bonne foi ».
C’est un problème de formation ?
Les collectivités, aujourd’hui, se positionnent sur les projets d’administrations, le développement durable etc.… C’est louable et correspond à une évolution sociétale. Mais elles négligent des fondamentaux. Il faut réapprendre les « règles de l’art » de nos missions. La déontologie est souvent perçue par les agents, comme des règles morales contraignantes peu intéressantes, un peu surannées. Mais dans toute profession réglementée, on ne peut se comporter comme si l’on était son seul et unique responsable. Et la déontologie, c’est la remise en cause permanente de sa pratique professionnelle au regard des évolutions sociales et technologiques.
Quel est le rôle des collectivités dans cette adaptation déontologique ?
C’est aux collectivités d’informer les agents. Une note de service peut, de façon très constructive, informer ses agents des règles d’usage des outils informatiques. Il faut constamment rappeler que l’obligation de réserve exige une certaine retenue dans l’expression des opinions, et notamment dès lors qu’il s’agit de propos relatifs à sa propre administration. Ce sont des rappels pédagogiques. Pour ce faire, tous les acteurs et moyens, formations, relais syndicaux, sont les bienvenus. C’est dans l’intérêt de l’administration et de l’agent…

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