JASMIN d'HIVER
Une amie tunisienne a envoyé à un journaliste de
Bakchich son témoignage sur la journée de dimanche, deux jours après la fuite de Ben Ali.
En fuite avec 1,5 tonne d'or et tout le reste
Jour III
Hélicoptères qui font de temps en temps des rondes, tirs lointains… La trouille, la frousse, soigneusement entretenues par les rumeurs, les on-dit, les gens bien informés, et même les informations télévisées. Hier, une chaîne de télévision (Hannibal, donnée pour proche de l’ancienne clique, mais cela n’a rien d’étonnant) recevant des appels en direct de citoyens qui croyaient avoir vu les "hommes de la garde présidentielle" ou "des hommes masqués" se livrer à des méfaits, brûler, tirer, entrer dans les maisons…
L’ennemi est partout, attaque, sème la terreur, s’en prend aux familles. Aux personnes enfermées dans leur maison avec consigne de ne pas bouger…
On a vu des ambulances -une seule peut-être- emplie d’équipes perdues de ces snipers, hommes et femmes de l’ombre, oui deux femmes dans l’ambulance… L’ambulance a été annoncée sur une chaîne de télé, et aujourd’hui, les gens expliquent que l’équipée sauvage a été stoppée : l’une à l’aéroport, tous les vilains -dont deux femmes !- tués alors qu’ils allaient commettre un massacre dans l’aéroport. Pas de morts du côté des valeureux soldats défenseurs du peuple désarmés… Et j’apprends ensuite que cette ambulance, et bien on l’a neutralisée au moins à trois autres endroits.
En plus, on parle de mercenaires étrangers. Des tueurs sur la ville, Tunis et ses banlieues semble-t-il, je n’entends pas parler d’équipée ailleurs. Ou j’ai l’oreille sélective, bouchée par l’émotion…
Mais, halte-là ! Appel, à la télévision paraît-il, à l’organisation de comités populaire ! c’est un raz de marée, qui sort ses barrières, son pot de fleurs, ses pierres de construction, ses branches d’arbre, son panneau de travaux, même un sommier en fer et, dans notre rue, la voiture de fonction d’un directeur administratif quelconque, c’est plus classe chez les bourges, en travers de la rue, et inspection des voitures. Les voisins de quartier peuvent passer une fois reconnus par nos justiciers bénévoles.
De toutes façons, comme hormis quelques cafés (les plus nombreux) et quelques petits épiciers, tout est fermé, autant s’occuper.
Les gens s’érigent en défenseurs, jeunes bien souvent, hommes plus mûrs, mais aussi leurs garçons, privés d’école. Et qui de s’improviser une arme. Les couteaux et gourdins sont pour les mieux nantis, branche d’arbre, morceaux de bois… un club de golf et une raquette chez nos privilégiés… Cela reste heureusement plutôt bon enfant.
Peut-être que cette vigilance est-elle efficace pour limiter les déplacements des desperados, soutenus dans leur entreprise de chaos par les prisonniers de droit commun dont les prisons ont été ouvertes largement. En tous les cas, elle montre la volonté très large de ne pas subir dans la peur.
Ce soir, bruits de balle dans le stade proche. Il paraît, mais je n’ai pu voir, que les traces des tirs étaient visibles dans le ciel. Maison verrouillée et pas le droit de mettre le nez sur le pas de la porte, et montée chez moi de claustrophobie. On rit moins quand on ne respire pas.
Donc, les malfaisants de la garde présidentielle, qui ne répondaient qu’à lui, placés au-dessus des lois, qui furent les snipers des manifestations depuis un mois, seraient retranchés dans le palais présidentiel de Carthage et le palais de Sidi Bou Saïd. Un assaut serait en cours à l’instant, ou depuis un certain temps, contre ces hommes (et femmes !) habillés de sombre, autour du palais… Ils bondissent dans les jardins… Ils sont passés partout…
Lumière allumées dans les jardins, pour permettre à l’armée d’y voir… Les balles, impossible de savoir où elles sont tirées. On entend juste une détonation, et comme il n’y a que très peu de bruit, ça peut venir de très loin.
Dernières infos inédites, de source sûre vous dis-je (les voisins) : les retranchés du palais ont fui vers le lycée français de la Marsa (échange de coups de feu nourris il y a une demi-heure) puis ont gagné le couvert des bois des hauts de Gammart, la colline boisée (ce qu’il en reste du moins après construction de palaces et de villas chics pour le bénéfice du clan) où ils sont pourchassés par la glorieuse armée et ses trois (guère plus, il était pingre avec l’armée, Ben Ali) hélicoptères.
Voilà, demain lundi toutefois, il faudra repartir au boulot : besoin de pain, de médicaments, d’essence, il faut que ça tourne.
La grande trouille, c’est cette nuit, la porte à côté, les jeunes qui combattent l’ennemi dans l’obscurité, les courageux militaires…
La famille Ben Ali aurait fui avec 1,5 tonne d'or, selon Le Monde
PARIS (AFP) - 17/01/2011 11:00
Zine El Abidine Ben Ali sa femme Leila et son gendre Sakhr Materi le 9 mai 2010 à Tunis. (AFP/Archives - Fethi Belaid)La famille du président déchu Zine El Abidine Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d'or, selon le journal Le Monde, qui cite des sources à la présidence française.
"L'Elysée soupçonne la famille Ben Ali d'avoir fui la Tunisie avec 1,5 tonne d'or", affirme le grand quotidien français daté de mardi.
Le Monde indique que la présidence "se fonde sur des recoupements des services secrets français" qui "essaient de comprendre comment s'est achevée la journée de vendredi 14 janvier, qui a vu le départ du président et de sa famille et la chute de son régime".
Selon les services secrets français cités par Le Monde, Leïla Trabelsi, la femme du président, "se serait rendue à la Banque centrale de Tunisie chercher des lingots d'or", et aurait essuyé un refus du gouverneur, avant qu'il ne cède sous la pression de Zine El Abidine Ben Ali.
"Il semblerait que la femme de Ben Ali soit partie avec de l'or (...) 1,5 tonne d'or, cela fait 45 millions d'euros", a déclaré au journal un responsable politique français. Une information émanant de "source tunisienne" qui "a l'air relativement confirmée", selon un conseiller de l'Elysée, en dépit de dénégations officielles de la Banque centrale de Tunisie, ajoute Le Monde.
Zine El Abidine Ben Ali a fui vendredi son pays pour l'Arabie Saoudite, après un mois de manifestations réprimées dans le sang qui ont mis fin à 23 ans d'un règne sans partage.
Sa seconde épouse, Leïla Trabelsi, et la famille de cette dernière, se sont accaparé les richesses du pays en utilisant l'appareil d'Etat, usant d'alliances, de corruption, de menaces. Depuis trois jours, les membres du clan sont pourchassés en Tunisie, arrêtés ou tués, et leurs somptueuses villas saccagées.
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