lundi 17 janvier 2011

Des services aux publics !




Cette tribune prend place dans le cadre du Forum Libération, à Grenoble, où François Chérèque débattra, le 28 janvier, sur le thème "Réinventons les services publics".

A tendre l’oreille, on pourrait croire que les services publics sont une plaie pour la France : ils seraient à la fois beaucoup trop coûteux et vraiment inefficaces. Tenir un discours comme celui-là, c’est oublier qu’ils sont un facteur essentiel de démocratie et un pilier du pacte social. Ils produisent et garantissent des droits, permettent de lutter contre les exclusions et les inégalités sociales, culturelles ou territoriales.

La crise économique et la montée des inégalités ont rendu sa légitimité à la nécessité des services publics. Malheureusement, la réponse du gouvernement est la pire qui soit : c’est une erreur de poser les questions financières comme unique motivation (Révision générale des politiques publiques en tête) en ignorant la cohésion sociale que doivent garantir les missions de service public. Le court-termisme politique a eu la peau du temps long du pacte social.

S’il faut repenser des services publics pour une société du vingt-et-unième siècle, leur raison d’être doit rester intacte : assurer la cohésion économique, sociale et culturelle pour lutter contre les inégalités. Mais cela doit se faire aussi dans un cadre européen. A l’heure où on parle de mobilité géographique des salariés et de sécurisation de leurs parcours professionnels, l’Europe doit être en mesure d’avancer dans la construction d’un droit du travail européen, mais aussi de penser harmonisation et continuité des services publics de santé, des transports et de l’énergie. A ce titre, l’espace européen est le lieu pertinent pour débattre de l’évolution de la production énergétique, plutôt que de construire des services publics nationaux concurrentiels, comme si le réchauffement climatique s’arrêtait aux frontières !

On doit débattre des objectifs des services publics car en matière de santé, de transports ou de communication, les besoins fondamentaux d’hier ne sont plus forcément ceux d’aujourd’hui. Notre société connaît des mutations d’envergure en matière économique, politique, technologique, environnementale et démographique. Le monde change, les aspirations et les attentes des individus évoluent. Services publics et conservatisme ne font pas bon ménage. Il faut prendre en compte ces évolutions pour rester au service des publics.

Un bon exemple : l’accès à Internet haut débit. L’Etat doit désormais garantir que chacun, où qu’il vive, puisse y avoir accès. Ce qui vaut pour les moyens de télécommunication vaut aussi pour l’avenir de l’éducation et de la santé. C’est l’enjeu du progrès des technologies et de l’aménagement du territoire qui est soulevé.

Le débat doit aussi porter sur la nature de ces services : il y a des fonctions régaliennes à maintenir sous l’autorité directe de l’Etat (parmi elles, le triptyque police-armée-justice) qui doivent être assurées par des fonctionnaires avec des obligations d’impartialité, de continuité, d’égalité de traitement, qui justifient les garanties protectrices de leur statut. Ces obligations ne peuvent pas se permettre de varier selon les changements politiques

Pour l’ensemble des autres missions, qu’elles soient conduites par le public ou par des opérateurs privés, l’Etat doit assurer contrôle, évaluation et péréquation afin de garantir la cohésion, la solidarité et l’objectif de réduire les déséquilibres territoriaux et sociaux.

Une mission de service public ne se résume pas à la forme juridique de l’entreprise ou au statut du personnel. Un salarié du privé qui assure une mission de service public n’est pas moins républicain qu’un fonctionnaire qui effectue la même tâche.

Dans tous les cas, toute réforme du service public doit viser à assurer sa pérennité, sa qualité et sa démocratisation. La question européenne est au cœur des réponses à apporter. Il est grand temps de la poser.

Aucun commentaire: