lundi 3 janvier 2011

Manoeuvres sur les marchés publics à Marseille source (sauce ?) Mediapart via Marsactu


A quand un article (après investigations , bien sûr ..)à droite (par exemple sur Mr 10%, vous connaissez?) ???.

Entre Karachi et Woerth, quand Médiapart enquête sur nos affaires marseillaises…
Par Marsactu le 27 décembre 2010


Alexandre Guérini à la manœuvre sur les marchés de déchets marseillais

Par Louise Fessard

Article publié le samedi 25 décembre 2010 dans Médiapart

La collecte des déchets à Marseille est un long poème, entre les montagnes d’ordures qui s’accumulent à chaque grève des éboueurs, le système du «fini-parti» qui autorise les salariés à quitter leur travail sitôt leur tâche finie (voire expédiée), et l’incivisme supposé des Marseillais qui ne trient que 25% de leurs déchets (contre 46% au niveau national). L’enquête sur les marchés de traitement des déchets ménagers des Bouches-du-Rhône, dans laquelle Alexandre Guérini, patron de plusieurs décharges et frère du président PS du Conseil général, a été mis en examen et écroué le 1er décembre, lève au passage le voile sur certaines raisons de ces dysfonctionnements. Et montre surtout les liens inextricables qui sont tissés entre monde politique, économique et syndical dans la gestion des déchets de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole (MPM).

Responsable de l’ensemble des activités liées aux déchets à MPM, Michel Karabadjakian a été mis en examen le 30 novembre pour «trafic d’influence et corruption passive». Il a décrit aux gendarmes «un contexte truqué par les intérêts personnels et politiques de quelques-uns dont au moins Alexandre Guérini et Eric Pascal (pdg de la société Queyras en- vironnement mis en examen en juin 2010)». De nombreuses fées ont veillé à la nomination de cet ingénieur territorial, par ailleurs numéro trois local du syndicat Force Ouvrière (FO), à la tête de la direction de la propreté de MPM. D’abord Alexandre Guérini qui «attendait un retour de ma part pour ses sociétés ou celles de ses amis », a expliqué Michel Karabadjakian aux enquêteurs. Mais également Elie Claude Argy, secrétaire général du tout-puissant syndicat FO. Alexandre Guérini «avait rencontré à plusieurs reprises avant ma prise de fonction Claude Argy (…) et celui-ci est intervenu auprès du président (de MPM, ndlr) au minimum pour accélérer les délais et obtenir ce poste », a raconté Michel Karabadjakian. Enfin Jean-Noël Guérini, patron du conseil général et de la troisième fédération socialiste de France, serait, selon l’intéressé, «lui-même intervenu auprès du président (de MPM) Caselli pour ma nomination au poste de directeur général adjoint de la collectivité ». «La position tenue par M. Jean-Noël Guérini à mon endroit ne tient qu’aux seuls intérêts de son frère puisque nous ne nous connaissions absolument pas », a bien précisé le fonctionnaire. En contradiction avec la version de Jean-Noël Guérini qui affirme dans La Provence n’être «concerné, ni de près ni de loin, par les affaires et les entreprises de mon frère ».

Au cœur de ce mélange des genres, Me Olivier Grimaldi, avocat marseillais aux multiples casquettes, qui défend aussi bien le syndicat des territoriaux FO, que MPM et la ville de Marseille. Alexandre Guérini l’aurait sollicité «au moins à quatre reprises » selon Michel Karabadjakian pour rédiger des analyses juridiques facturées à MPM. Au moins trois de ces interventions, selon la description faite par Michel Karabadjakian aux enquêteurs, semblaient viser à écarter des entreprises des marchés de déchets de la Communauté urbaine au profit de Bronzo. Me Olivier Grimaldi aurait également été l’avocat d’Alexandre Guérini, à en croire la déposition de Michel Karabadjakian, qui reconnait devant les enquêteurs «un possible conflit d’intérêt » entre ces activités de conseil à l’entrepreneur spécialisé dans les déchets et celles de conseil à MPM sur les marchés de traitement des ordures ménagères. Olivier Grimaldi était encore jusqu’à récemment associé à Me Emmanuel Molina qui défend aujourd’hui Alexandre Guérini. «Olivier Grimaldi fait du droit public et n’intervient pas au pénal, pourquoi son associé ne pourrait-il pas défendre Alexandre Guérini ? », rétorque Me Florence Rault, l’autre avocate de l’entrepreneur.Il est également l’avocat de Franck Dumontel, l’ex-directeur de cabinet d’Eugène Caselli, mis en examen pour «complicité de détournement de fonds publics» dans une autre affaire concernant l’attribution de subventions de la région Paca au profit d’associations bidons.

Des marchés «truqués» ?

En 2009 sur deux marchés litigieux de collecte et de tri, les services de Michel Karabadjakian ont à chaque fois défendu devant la commission d’appel d’offre (CAO) de MPM l’offre la plus chère, celle de la société Bronzo (filiale de Veolia). En s’appuyant notamment en juin 2009, pour un important marché du transfert, tri et valorisation de déchets recyclables, sur l’analyse juridique et technique de Me Olivier Grimaldi, favorable à Bronzo. «Les services de MPM ont voulu nous forcer la main pour choisir une entreprise plus chère et pas forcément plus compétente, ce qui nous a mis la puce à l’oreille », nous confie Jean-Marc Corteggiani (UMP), un des six élus membre de la CAO. Contacté l’unique élu communiste de la CAO, Marc Poggiale proteste : «L’offre la plus chère n’est pas obligatoirement soupçonnable ! »

La déposition de Michel Karabadjakian est pourtant accablante : «Dans plusieurs dossiers, il (Alexandre Guérini) m’a mis la pression et m’a demandé de favoriser une entreprise sur les appels d’offre, en l’occurrence une fois (…) il s’agissait du dossier de tri de la société Bronzo .» La société Bronzo était associée sur ce marché à Queyras Environnement, une entreprise gérée par Eric Pascal un proche d’Alexandre Guérini. «Eric Pascal s’était engagé à verser le volume de ce qui ne pouvait être valorisé, c’est-à-dire 20% environ du volume global, sur les décharges d’Alexandre », a expliqué Michel Karabadjakian aux enquêteurs. Malgré ces efforts conjugués, le marché échappe au groupement Bronzo-Queyras. Les élus de la CAO refont les calculs faussés et choisissent en juin sa concurrente Sita Sud (filiale de Suez), moins chère de 2 millions d’euros. Alexandre Guérini aurait alors contacté Me Olivier Grimaldi «afin que ce conseil produise une étude juridique permettant au président Caselli de prendre une décision de rendre sans suite ce marché, ce qui sera le cas ». Le 8 juin 2009, Eugène Caselli annule en effet le marché en invoquant une raison juridique. Il faut faire revoter la CAO et attendre décembre 2009 pour que le marché de tri soit finalement attribué officiellement à Sita Sud. Même scénario en novembre 2009 pour un marché de collecte et de tri marseillais qu’Eugène Caselli déclare sans suite après une grève des salariés de la société Bronzo, furieux d’avoir été une nouvelle fois écartés par les élus de la CAO, alors qu’ils pensaient le marché acquis. Encore un coup d’Alexandre Guérini, qui aurait fait fuiter les rapports d’analyse, pourtant secrets, aux salariés de Bronzo ? «Il pensait faire pression sur Eugène Caselli (…) et ainsi désigner l’entreprise Bronzo auprès de laquelle (…) Alexandre Guérini a des intérêts ou accords », a répondu Michel Karabadjakian aux gendarmes. Le marché est repassé en juillet 2010. Cette fois c’est un bureau d’étude extérieur qui est chargé d’analyser les offres des sociétés concurrentes. «Pour éviter les éventuelles pressions à venir », précise aux enquêteurs un Michel Karabadjakian visiblement coincé par un Alexandre Guérini qu’il considérait «comme (s)on patron ». «Eugène Caselli avait si peu confiance dans ses propres services qu’il a fait rédiger les analyses des offres par une société extérieure », ironise un autre élu UMP de la CAO, Xavier Cachard.

Au préjudice de la collectivité

Bilan de ces retards successifs et de la prolongation de marchés antérieurs : un préjudice estimé par Michel Karabadjakian à 3 millions d’euros pour la communauté urbaine et des déchets recyclables triés par les Marseillais qui pendant plus d’un mois ne furent pas recyclés… voire terminèrent à la décharge. Plus les honoraires de l’avocat Olivier Grimaldi «de l’ordre de 40.000 euros », selon Michel Karabadjakian. «Ça a coûté à cause des avenants », reconnaît à la communauté urbaine le président socialiste de la CAO, François-Noël Bernardi, qui préfère mettre en avant les économies réalisées par rapport au précédent marché passé en 2004 par une communauté urbaine alors aux mains de la droite. «Les contrats actuels coûtent 4 millions de moins qu’il y a dix ans, la concurrence a énormément joué », se félicite-t- il. Ce qui n’est pas non plus un exploit, quand on sait que que lors du renouvellement de marché de 2004, les prix avaient connu des augmentations injustifiées allant jusqu’à 266% dans certains arrondissements marseillais (2e, 14e, 16e) confiés au privé (ISS Environnement et Bronzo). Eugène Caselli a porté plainte contre X, avec constitution de partie civile mais déclarait le 10 décembre ne pas avoir «d’éléments suceptibles de me faire penser que la Communauté urbaine ait subi des préjudices financiers ». «Si des démarches coupables ont été tentées, elles n’ont pas eu le succès escompté », a-t-il ajouté.
Le président de MPM se retrouve aujourd’hui seul, après avoir débarqué le 15 décembre son directeur de cabinet, Franck Dumontel. La décision faite suite à la publication d’écoutes téléphoniques pour le moins troublantes dans le Journal du dimanche . Dans une conversation avec Henri Proglio, alors président du groupe Veolia, en date de mai 2009, Alexandre Guérini décrivait Franck Dumontel comme «le vrai patron de la communauté urbaine» et «notre ami intime », placé à ce poste par son frère Jean-Noël Guérini.

«Eugène est mon ami depuis très longtemps , assurait récemment Jean-Noël Guérini à La Provence . Il n’y a pas une feuille de cigarette entre nous. » Pourtant l’unité affichée lors des assises militantes socialistes des Bouches-du-Rhône d’octobre semble déjà bien loin. Selon un témoignage sous couvert d’anonymat, Eugène Caselli ne prendrait plus Jean-Noël Guérini au téléphone depuis une dizaine de jours. Face au silence prudent de Jean- Claude Gaudin, c’est le député UMP Renaud Muselier, désormais sous protection policière, qui mène l’attaque à droite. «Je comprends votre solidarité amicale ou politique mais à quel moment se transforme-t-elle en complicité ? , a-t-il lancé au patron de MPM lors du conseil communautaire du 10 décembre. Vous rendez-vous compte de ce à quoi vous avez participé, ce que vous avez cautionné ? » L’avocat du député, Xavier Cachard, s’est fait plus direct : «Eugène Caselli n’a pas suivi l’avis de la CAO à deux reprises, c’est soit de la lâcheté, soit de la complicité, mais quoi qu’il arrive, il doit démissionner ». Eugène Caselli s’est contenté de paraphraser le maire UMP de Marseille, dans un hommage surprenant à la «sagesse » de son adversaire politique : «Je dors dans mon lit et je dors tranquille ».

Selon l’avocate parisienne d’Alexandre Guérini, qui soutient la thèse d’une «cabale politique » contre son client, l’entrepreneur a contesté devant les gendarmes l’ensemble des infractions qui lui étaient reprochées. «C’est juste un chef d’entreprise qui travaille et se démène pour faire vivre sa boite », soutient Florence Rault. Ses défenseurs multiplient les recours : ils ont déposé une nouvelle demande de mise en liberté et comptent également déposer une requête en annulation de la mise en examen de leur client.

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