Libération publie une tribune de François Chérèque, dans son numéro daté du 13 septembre 2010.
Depuis des décennies le chômage de masse a centré le débat public sur l’emploi délaissant la question du travail, de son contenu et de sa qualité.
Dans la dernière campagne présidentielle, les salariés ont été abreuvés d’un discours sur la « valeur travail ». Il fallait réhabiliter le travail prétendument malade des 35 heures à coups de « travailler plus pour gagner plus ». Une erreur de diagnostic qui ne pouvait conduire qu’à de mauvais remèdes. Trois ans plus tard, l’intensification et la dégradation du travail n’ont jamais été aussi fortes. Plus de précarité, plus d’heures supplémentaires, plus de travail le dimanche, plus de travail de nuit - 4 millions de personnes sont maintenant concernées - . Une dérive qui se traduit par plus de pénibilité et de stress, plus de maladies et d’usure physique, plus d’insatisfaction et de sentiment de manque de respect, de reconnaissance… Les situations dramatiques que l’on a connues à France Télécom ou ailleurs sont les manifestations les plus visibles de ce malaise généralisé.
Les salariés français sont cependant de loin les salariés les plus attachés à leur travail comme le confirment plusieurs études. Cette forte attente est à la hauteur de la frustration qu’ils expriment, regrettant ne pouvoir « bien faire » leur travail. La valeur qu’ils lui donnent ne se retrouve pas dans le diktat d’une rentabilité effrénée qu’impose la logique court-termiste de plus en plus prégnante dans les entreprises et les administrations.
Pourquoi les entreprises ne font-elles pas de cet attachement au travail source de motivation, d’investissement et d’innovation, un levier de leur compétitivité ?
Pour cela, il faudrait s’atteler à donner ou à redonner du sens au travail et redécouvrir qu’au cœur de la performance des entreprises il y a des personnes.
Face aux « risques psychosociaux », les entreprises ont réagi le plus souvent par des mesures individuelles, compassionnelles et gestionnaires : éviter les situations de personnes en danger, repérer les « risques » dont le salarié peut être porteur. Cette approche utile continue cependant de faire l’économie des causes, elle ne questionne ni le travail, ni son organisation, elle oublie que le salarié est bien souvent isolé dans un système où les collectifs de travail sont éclatés, instables et où l’individualisation des relations sociales est devenue la règle.
Concilier performance économique et performance sociale est un enjeu pour l’avenir des entreprises. Il doit devenir un objectif prioritaire d’une nouvelle gouvernance des entreprises.
Or il ne peut y avoir de performance sociale qu’avec la reconnaissance des identités professionnelles, qu’avec la prise en compte du bien-être au travail, la mise en œuvre de critères de qualité du travail, et un meilleur équilibre entre les temps professionnels et personnels.
Redonner du sens au travail ne se décrète pas. Cela se construit avec les salariés en leur permettant de s’exprimer et de débattre de l’organisation et des finalités de leur travail. Il est de la responsabilité syndicale d’agir pour que ces lieux de dialogue social existent et conduisent à des modes de management plus respectueux des personnes. A cette fin, la CFDT préconise aussi que soit intégrés dans les critères de rémunération des dirigeants d’entreprise et de leurs manageurs, des objectifs de performance sociale et pas seulement financière et économique.
Agir pour le bien-être au travail, concilier les aspirations et les besoins individuels avec l’intérêt collectif, est l’occasion de donner corps à un nouveau contrat social dans les entreprises et les administrations. Pour cela, il faut des actes politiques qui tournent le dos à la caricature, et un patronat qui s’engage dans une nouvelle organisation du travail.
François Chérèque
Secrétaire général de la CFDT
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Depuis des décennies le chômage de masse a centré le débat public sur l’emploi délaissant la question du travail, de son contenu et de sa qualité.
Dans la dernière campagne présidentielle, les salariés ont été abreuvés d’un discours sur la « valeur travail ». Il fallait réhabiliter le travail prétendument malade des 35 heures à coups de « travailler plus pour gagner plus ». Une erreur de diagnostic qui ne pouvait conduire qu’à de mauvais remèdes. Trois ans plus tard, l’intensification et la dégradation du travail n’ont jamais été aussi fortes. Plus de précarité, plus d’heures supplémentaires, plus de travail le dimanche, plus de travail de nuit - 4 millions de personnes sont maintenant concernées - . Une dérive qui se traduit par plus de pénibilité et de stress, plus de maladies et d’usure physique, plus d’insatisfaction et de sentiment de manque de respect, de reconnaissance… Les situations dramatiques que l’on a connues à France Télécom ou ailleurs sont les manifestations les plus visibles de ce malaise généralisé.
Les salariés français sont cependant de loin les salariés les plus attachés à leur travail comme le confirment plusieurs études. Cette forte attente est à la hauteur de la frustration qu’ils expriment, regrettant ne pouvoir « bien faire » leur travail. La valeur qu’ils lui donnent ne se retrouve pas dans le diktat d’une rentabilité effrénée qu’impose la logique court-termiste de plus en plus prégnante dans les entreprises et les administrations.
Pourquoi les entreprises ne font-elles pas de cet attachement au travail source de motivation, d’investissement et d’innovation, un levier de leur compétitivité ?
Pour cela, il faudrait s’atteler à donner ou à redonner du sens au travail et redécouvrir qu’au cœur de la performance des entreprises il y a des personnes.
Face aux « risques psychosociaux », les entreprises ont réagi le plus souvent par des mesures individuelles, compassionnelles et gestionnaires : éviter les situations de personnes en danger, repérer les « risques » dont le salarié peut être porteur. Cette approche utile continue cependant de faire l’économie des causes, elle ne questionne ni le travail, ni son organisation, elle oublie que le salarié est bien souvent isolé dans un système où les collectifs de travail sont éclatés, instables et où l’individualisation des relations sociales est devenue la règle.
Concilier performance économique et performance sociale est un enjeu pour l’avenir des entreprises. Il doit devenir un objectif prioritaire d’une nouvelle gouvernance des entreprises.
Or il ne peut y avoir de performance sociale qu’avec la reconnaissance des identités professionnelles, qu’avec la prise en compte du bien-être au travail, la mise en œuvre de critères de qualité du travail, et un meilleur équilibre entre les temps professionnels et personnels.
Redonner du sens au travail ne se décrète pas. Cela se construit avec les salariés en leur permettant de s’exprimer et de débattre de l’organisation et des finalités de leur travail. Il est de la responsabilité syndicale d’agir pour que ces lieux de dialogue social existent et conduisent à des modes de management plus respectueux des personnes. A cette fin, la CFDT préconise aussi que soit intégrés dans les critères de rémunération des dirigeants d’entreprise et de leurs manageurs, des objectifs de performance sociale et pas seulement financière et économique.
Agir pour le bien-être au travail, concilier les aspirations et les besoins individuels avec l’intérêt collectif, est l’occasion de donner corps à un nouveau contrat social dans les entreprises et les administrations. Pour cela, il faut des actes politiques qui tournent le dos à la caricature, et un patronat qui s’engage dans une nouvelle organisation du travail.
François Chérèque
Secrétaire général de la CFDT
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