mercredi 18 juillet 2012

Décision créatrice de droits : cas d’une prime versée par erreur



Par A. Ralaidovy
Publié le 13/07/2012
Le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de 4 mois suivant la prise de cette décision.
Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage.
Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l’avantage en cause ne résulte pas d’une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l’administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l’administration.
Références



Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 25/06/2012, 334544



Références

Conseil d'État 

N° 334544    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon 
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Edmond Honorat, président
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


lecture du lundi 25 juin 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Texte intégral


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 11 décembre 2009, 11 mars 2010 et 18 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE (ONCFS), dont le siège est 85 bis, avenue de Wagram, à Paris (75822) ; l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900257 du 9 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Caen a, à la demande de M. Pascal A, d'une part, annulé la décision du 2 décembre 2008 par laquelle il a rejeté la demande de l'intéressé d'être déchargé de la somme de 5 932,89 euros mise à sa charge en vue de la récupération de sommes qui lui avaient été indûment versées au titre d'une prime de risque d'octobre 2006 à mars 2008, et, d'autre part, l'a condamné à reverser cette somme à M. A ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance de M. A ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 98-1264 du 29 décembre 1998 ;

Vu le décret n° 2001-1273 du 21 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes, 

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, 

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A ;




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Pascal A, ingénieur du ministère de l'agriculture détaché à l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE (ONCFS), s'est vu allouer, d'octobre 2006 à avril 2008, une prime de risque mensuelle dont l'attribution est régie par les dispositions du décret du 29 décembre 1998 relatif au régime indemnitaire des personnels de l'Office national de la chasse et du décret du 21 décembre 2001 relatif aux primes et indemnités allouées aux fonctionnaires des corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement ; que le 5 mai 2008, le directeur national de l'ONCFS a informé M. A de ce qu'il n'avait pas droit au versement de cette prime, qui lui avait été attribuée par erreur, et que la somme totale de 5 932,89 euros, correspondant aux montants versés à ce titre depuis le mois d'octobre 2006, ferait l'objet d'un recouvrement par prélèvements opérés sur son traitement ; que, par une décision du 2 décembre 2008, le directeur national de l'ONCFS a rejeté la demande de M. A tendant à ce qu'il soit déchargé du reversement de la somme litigieuse ; que, par le jugement du 9 octobre 2009 contre lequel l'ONCFS se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Caen a, à la demande de M. A, annulé la décision du 2 décembre 2008 et condamné l'ONCFS à verser à ce dernier la somme de 5 932,89 euros correspondant aux montants récupérés sur son traitement ;

Considérant, d'une part, qu'en relevant, pour en déduire que l'ONCFS ne pouvait, en l'espèce, procéder au retrait de sa décision d'allouer la prime de risque litigieuse à M. A plus de quatre mois à compter de son édiction, que la mise en paiement de cette prime de risque révélait par elle-même l'existence d'une décision administrative créatrice de droits et ne présentait pas le caractère d'une erreur de liquidation, le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ; que la circonstance que ce dernier énonce que la prime litigieuse est versée mensuellement " aux agents effectuant des missions de police ", alors qu'elle ne serait en réalité due, parmi ces agents, qu'aux seuls agents techniques et techniciens assermentés, est sans incidence sur sa régularité ;

Considérant, d'autre part, que, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'il en va de même, dès lors que le bénéfice de l'avantage en cause ne résulte pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l'administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l'administration ; 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'après avoir relevé que la mise en paiement au profit du requérant de la prime de risque a fait suite à la transmission aux services centraux de l'ONCFS du procès-verbal de sa prestation de serment préalable à l'exercice des fonctions de police judiciaire, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, la mise en paiement de la prime de risque au bénéfice de M. A, qui ne résultait pas d'une simple erreur de liquidation ou de paiement, révélait l'existence d'une décision administrative individuelle créatrice de droits ; 

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE est rejeté.

Article 2 : L'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE versera à M. A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE et à M. Pascal A.

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