MIXITÉ PROPORTIONNELLE : RECUL FINAL DES ORDONNANCES SUR LA SANCTION
L’enjeu et l’importance de la mixité proportionnelle ne se discutent pas pour la CFDT. Elle assure l’effectivité de l’accès des
représentants de tous les sexes à la fonction d’élus du personnel et garantit une instance de représentation du personnel à l’image des salarié.e.s qui composent l’entreprise. En revanche, ce qui se discute, c’est la sanction qui s’applique
en cas de non-respect de cette règle. Plus précisément les conséquences de
cette sanction en terme de droit à la représentation pour les salariés. Une alerte identifiée et portée par la CFDT lors des concertations autour des ordonnances. Alertes dans un premier temps entendues, intégrées aux ordonnances, pour être finalement sorties par la commission mixte paritaire. Reste aujourd’hui le recours au juge pour tenter de modifier un cadre juridique qui compromet gravement le droit à la participation des travailleurs.
- Un principe de mixité proportionnelle, préféré à la parité et porté par la CFDT
Inséré depuis 2015 dans le Code du travail, par la loi Rebsamen[1], l’article L2324-22-1 impose le respect de la mixité proportionnelle dans la composition des listes aux élections professionnelles (DP, CE et demain CSE)
La règles est ainsi libellée:« Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2324-22 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.(…) Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité d'entreprise et à la liste de ses membres suppléants ».
Des dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2017 rendues nécessaires par la très faible proportion de femmes qui, malgré les diverses lois et incitations en la matière, étaient candidates aux élections professionnelles dans l’entreprise.
a proportion de femmes candidates aux élections professionnelles était, entre 2008 et 2012, d’environ 32%, tandis que celle d’élues oscillait entre 36 et 39% .
Le principe de la mixité proportionnelle des listes électorales s a été porté très fermement par la CFDT lors des débats parlementaires entourant la loi Rebsamen.
Largement préférée à la parité, inadaptée aux élections professionnelles en raison de la composition différente des entreprises, liée à la concentration de femmes et d’hommes dans certains secteurs, la mixité proportionnelle ainsi mise en place n’est pas seulement un objectif, mais une règle de droit positif qui ne peut être détournée par des artifices qui la vident de son effet utile.
- D’une obligation de moyen à une obligation de résultat, sévèrement sanctionnée
Grâce à cet impératif, on est donc passée d’une obligation de moyens d’avoir à veiller à une représentation équilibrée femmes/hommes, sans parvenir à avoir d’effet suffisant sur les pratiques à une obligation de résultat, non pas quant à la composition des instances elles-mêmes, mais quant à la composition des listes électorales.
Une obligation qui a été très critiquée, et dans son principe et dans certaines de ses conséquences par certains syndicats eux même (et qui a donné lieu à de nombreuses tentatives de contournement !)
Sur au principe, le Conseil constitutionnel l’a déclaré conforme à la Constitution[2] dans une décision très récente : «Le législateur a entendu assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les institutions représentatives du personnel afin de mettre en œuvre l’objectif institué au second alinéa de l’article 1er de la Constitution.À cette fin, il était loisible au législateur de prévoir un mécanisme de représentation proportionnelle des femmes et des hommes au sein du comité d’entreprise et de l’assortir d’une règle d’arrondi pour sa mise en œuvre. »
Sur la sanction de cette règle, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé, mais pour la CFDT, elle soulève pourtant un nombre important de difficultés.
- La question des conséquences de la sanction pour les salariés
En effet, en cas de non-respect de la mixité proportionnelle par la liste, l’élection du/des élus « du mauvais genre » est annulée[3].
Une sanction nécessaire qui assure l’efficacité de l’obligation de mixité. En effet, si le non-respect par une liste syndicale de l’obligation de mixité dans la composition de sa liste se soldait pas une simple admonestation, ou par la possibilité de remplacer le candidat mal élu, par une candidate, a posteriori, cela pourrait donner lieu à des tentatives de contournement, au préalable, avant de finalement se plier à la règle.
L’organisation se donc voit lourdement sanctionnée puisque son candidat n’est finalement pas élu, et le syndicat n’est pas représenté.
Une sanction qui certes touche le syndicat, mais impacte aussi, peut-être même plus lourdement, les salariés puisqu’aucun mécanisme de remplacement n’est prévu par le législateur.
Pire encore, la loi exclut l’application dans ce cas du mécanisme d’élections partielle squi s’enclenche pourtant automatiquement dans les hypothèses où un nombre significatif d’élus sont partis ou on démissionnés en cours de mandat.
L’article L. 2314-10 a sur ce point prévoit que :« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus »
Le fait que la loi ne prévoit pas l’obligation d’organiser des élections partielles implique que le nombre de représentants du personnel reste diminué pour toute la durée du mandat, sans remplacement prévu. Ce sont donc les salariés qui sont pénalisés dans leurs droits par l’erreur de l’organisation, qui ne leur est nullement imputable.
Pourtant le principe de participation ne garantit pas des droits aux représentants du personnel, mais en confère aux salariés. Ce sont les salariés qui, par l’intermédiaire de leurs représentants, bénéficient de ce principe de participation et de la liberté syndicale.
Or, l’application de la sanction, sans organisation d’élections partielles, aboutit à la suppression d’un ou plusieurs, voire de la totalité des mandats d’élus. Ce qui prive de portée et d’effet le vote des salariés.
Il est donc directement porté atteinte au droit des salariés à être représentés, et de participer à la détermination collective de leurs conditions de travail et à la gestion des entreprises, ce qu contrevient aux articles 6 et 8 du Préambule du 27 octobre 1946.
De plus le non-respect de la règle de mixité proportionnelle est sanctionné – au détriment des salariés – plus sévèrement que toute autre irrégularité. Ce qui porte atteinte au principe d’égalité, sans motif légitime.
- Les actions de la CFDT contre la sanction et ses conséquences
Une exception aussi incompréhensible que dangereuse avait été pointée très tôt par la CFDT. Lors des débats entourant les ordonnances, la CFDT avait rappelé ce point et demandé la rectification de cette anomalie. Une alerte dans un premier temps entendue, puisque les ordonnances avaient modifié les dispositions sur les élections partielles, imposant indirectement à l’employeur d’en organiser, quand bien même les élus verraient leur élection annulée pour cas de non-respect de la mixité proportionnelle.
Le Sénat est finalement revenu détricoter ce qui avait été "rapiécé" par les députés. Sur un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat, cette modification a été retirée, et, dans le texte adopté, la sanction de la violation de la règle de mixité proportionnelle redevient l’invalidation des élus du sexe surnuméraire, sans remplacement ni élection partielle pour toute la durée du mandat restant à courir.
L’article L. 2314-10 du code du travail dispose dorénavant que « Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ou s'ils sont la conséquence de l'annulation de l'élection de membres du comité social et économique prononcée par le juge en application des troisième et avant-dernier alinéas de l'article L. 2314-32 » ;
Au-delà du terrain politique, la CFDT va investir le terrain juridique, notamment devant le juge constitutionnel. Elle a déjà soulevé des QPC sur ce point à l’occasion de litiges devant les tribunaux de première instance. Elle compte également sur l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori. Des sages qui,espérons-le, viendront reconnaître l’inconstitutionnalité de la règle. Et protéger le droit à la représentation des salariés.
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