“NOUS N’ACCEPTERONS PLUS QUE LES FONCTIONNAIRES SOIENT MONTRÉS DU DOIGT”
Dans le cadre de la concertation sur la réforme de l’action publique, Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, réagit aux annonces faites par le gouvernement depuis début février.
Après les annonces chocs faites par le gouvernement le 1er février, comment la concertation sur la réforme de l’action publique s’engage-t-elle ?
Nous avons tout d’abord exigé du gouvernement des clarifications sur les annonces faites par Gérald Darmanin, le 1er février, et qui ont provoqué la sidération chez les agents. Le plan de départs volontaires évoqué par le ministre ne figurait ni dans le dossier de presse ni dans le courrier qui nous a été adressé par la suite. Olivier Dussopt [secrétaire d’État] nous a reçus le 12 février dans le cadre du lancement de la concertation. Il nous a confirmé qu’il n’y aurait pas de plan de départs massif, mais plutôt des mesures d’accompagnement pour ceux qui souhaiteraient partir sur la base du volontariat en cas de restructuration, et qu’il s’agirait « d’une possibilité en plus et pas d’un droit en moins ».
Un certain nombre de sujets figuraient déjà à l’agenda social, sont-ils toujours d’actualité ?
Nous avons réitéré notre demande de voir le rendez-vous salarial annuel avancé au printemps plutôt qu’à l’automne 2018, afin d’être dans le rythme des discussions budgétaires. Nous n’avons pas encore obtenu de réponse. En revanche, il nous a été clairement dit que les chantiers de l’égalité professionnelle, de la protection sociale complémentaire et de la gestion des contractuels seraient poursuivis, ce dernier sujet étant d’autant plus urgent que la loi Sauvadet relative à la titularisation des contractuels arrive à échéance cette année.
Le gouvernement a pourtant annoncé qu’il souhaitait élargir le recours aux contractuels ?
Oui. S’il devait s’agir plutôt d’une forme de prérecrutement afin de faciliter l’entrée dans la fonction publique à des personnes qui n’ont pas accès aux concours, cela ne nous pose pas de problème. Mais si l’emploi contractuel doit se substituer à l’emploi statutaire, c’est non.
Que penses-tu de la qualité du dialogue social tel qu’il est actuellement mené ?
Olivier Dussopt a affirmé que le gouvernement ne ferait pas preuve de surdité aux propositions et revendications des organisations syndicales, dont acte.
Nous avons, de notre côté, posé une exigence de dialogue franc. Nous regarderons de près les réponses apportées à nos propositions, et nous adapterons notre stratégie en conséquence. Nous avons enfin fait passer le message que nous n’accepterions pas que les fonctionnaires soient montrés du doigt comme étant réfractaires à toute évolution. Et cela vaut aussi pour les organisations syndicales qui ont des propositions à faire, à condition que le gouvernement veuille bien les entendre.
Nous avons, de notre côté, posé une exigence de dialogue franc. Nous regarderons de près les réponses apportées à nos propositions, et nous adapterons notre stratégie en conséquence. Nous avons enfin fait passer le message que nous n’accepterions pas que les fonctionnaires soient montrés du doigt comme étant réfractaires à toute évolution. Et cela vaut aussi pour les organisations syndicales qui ont des propositions à faire, à condition que le gouvernement veuille bien les entendre.
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STOP AU FONCTIONNAIRE BASHING ! - HALTE AUX CLICHÉS
Du système de retraite au temps de travail, la liste est longue des critiques faites aux fonctionnaires. Témoignages et chiffres à l’appui, tour d’horizon des idées à déconstruire. Décryptage.
Idée reçue n°1 : Trop de fonctionnaires ?
La question a fait les choux gras des débats de la campagne présidentielle : le nombre de fonctionnaires est-il trop important en France ?
Un candidat n’hésitait pas à réclamer une coupe claire dans les effectifs, de l’ordre de 500 000 fonctionnaires. Un autre, le vainqueur, affichait dans son programme le chiffre de 120 000.
Mais de quoi parle-t-on ? Dans un rapport récent, France Stratégie pose la question en des termes légèrement différents. La France est-elle « suradministrée » ? Selon l’organisme d’expertise placée auprès du Premier ministre, il ne suffit pas de compter le nombre de fonctionnaires – 5,6 millions au 31 décembre 2015 selon l’Insee – pour vérifier si le pays souffre d’obésité administrative mais il convient de comparer son niveau de dépenses publiques à celui d’autres États connaissant le même niveau de développement.
La France comptait 88,5 emplois publics pour mille habitants en 2015 d’après les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Office statistique de l’Union européenne Eurostat. Elle se situe dans une fourchette haute mais relativement proche de la moyenne observée dans les pays de l’OCDE (83 ‰).
À titre de comparaison, le Royaume-Uni compte 80 agents publics pour mille habitants, les États-Unis 68 ‰ mais les pays nordiques beaucoup plus (le Danemark autour de 140, la Norvège 159). Et cette photographie ne donne qu’une vision partielle de la situation. Lorsque l’on tient compte des dépenses de fonctionnement des États, qui comprennent donc l’achat de prestations privées et les transferts en nature pour remplir des missions de service public, les écarts se resserrent. Des pays qui semblaient sous-administrés, comme l’Allemagne, se rapprochent de la moyenne, voire la dépassent (exemple des Pays-Bas). Selon France Stratégie, « la France figure dans le groupe des pays européens qui ont arbitré en faveur de l’emploi direct au détriment de l’externalisation, à la différence du Royaume-Uni ». Pour quelle efficacité ? Voilà sans doute une question beaucoup plus pertinente.
Idée reçue n°2 : Un système de retraite trop confortable ?
Objet de tous les fantasmes, le régime des retraites des fonctionnaires ferait pâlir d’envie les salariés du privé qui ne manquent jamais une occasion d’opposer la différence de calcul des pensions entre les deux systèmes.
À première vue, l’inégalité est en effet criante. La pension des salariés au régime général est calculée sur la base des 25 meilleures années tandis que celle des agents l’est sur les six derniers mois. Alors que les différentes réformes des retraites ont presque gommé toutes différences en matière de durée de cotisation et d’âge de départ entre les deux régimes (à l’exception des catégories dites actives : policiers, égoutiers…), il ne reste plus aux détracteurs de la fonction publique que cette différence de calcul des pensions pour crier à l’injustice.
À première vue, l’inégalité est en effet criante. La pension des salariés au régime général est calculée sur la base des 25 meilleures années tandis que celle des agents l’est sur les six derniers mois. Alors que les différentes réformes des retraites ont presque gommé toutes différences en matière de durée de cotisation et d’âge de départ entre les deux régimes (à l’exception des catégories dites actives : policiers, égoutiers…), il ne reste plus aux détracteurs de la fonction publique que cette différence de calcul des pensions pour crier à l’injustice.
L’argument est un peu faible. En effet, le calcul de la pension des fonctionnaires ne prend que très partiellement en compte les primes, contrairement au régime général. Or, entre 2000 et 2010, la part moyenne des primes dans la rémunération globale est passée de 17% à 29% avec de très grandes différences selon les métiers. Très faibles chez les enseignants, les primes peuvent représenter 30% voire 40% de la rémunération des corps techniques et de l’encadrement.
Selon les différentes études du Conseil d’orientation des retraites, qui font référence en la matière, les pensions sont bien en moyenne plus élevées pour les anciens fonctionnaires que pour les anciens salariés du privé. Néanmoins, cette différence s’explique non pas par la méthode de calcul mais par la sociologie. Les fonctionnaires sont en moyenne plus qualifiés que les salariés du privé – le pourcentage de cadres est plus élevé – et ont reçu à ce titre des salaires plus élevés et donc, in fine, des pensions plus importantes.
Dernière précision : la règle des six derniers mois peut s’avérer avantageuse pour les fonctionnaires qui ont une carrière ascendante, mais elle n’est pas si payante pour un fonctionnaire qui a une carrière dite plate, c’est-à-dire une rémunération qui n’a que faiblement évolué, comme c’est le cas pour nombre d’agents.
Idée reçue n°3 : Toujours malades, les fonctionnaires ?
Les fonctionnaires seraient toujours absents. Si l’on regarde trop rapidement certaines statistiques, il serait tentant de souscrire à ce cliché coriace. Les études du ministère de la Fonction publique semblent l’indiquer d’elles-mêmes : « Environ un agent sur trois de la fonction publique [33% en moyenne] a eu au moins un arrêt maladie dans l’année, contre 28% des salariés du privé » peut-on lire dans « Faits et chiffres » (édition 2015 du rapport annuel sur l’état de la fonction publique)* issu de la grande enquête Conditions de travail 2013. Mais à y regarder de plus près, il est urgent de relativiser puisque le document précise que « les agents de la fonction publique s’arrêtent moins longtemps que les salariés du privé : 52% des agents de la fonction publique absents au moins une fois pour maladie se sont arrêtés moins de huit jours dans l’année contre 46% des salariés du secteur privé ».
Le jour de carence inefficace voire injuste
Autre procès fait aux agents publics, plus pernicieux, l’absence de jour de carence en cas d’arrêt maladie – jusqu’à son rétablissement depuis le 1er janvier 2018 – les inciterait à s’arrêter. Là encore, une étude de l’Insee de novembre 2017 vient démontrer que de 2012 à 2014, période durant laquelle un jour de carence avait été instauré, « la part des agents absents pour raison de santé n’apas [été] modifiée ». L’institut statistique va encore plus loin en assurant que « les absences pour raison de santé d’une semaine à trois mois ont augmenté avec le jour de carence »entre 2012 et 2014. Donc en plus d’être inefficace, vu qu’il ne diminue pas le nombre d’arrêts maladie d’agents et aurait même tendance à les rallonger, le rétablissement du jour de carence est, comme l’explique la CFDT-Fonctions publiques, « injuste car pour une majorité de salariés du secteur privé, les employeurs compensent la perte financière due aux jours de carence ».
Idée reçue n°4 :Temps de travail : remettre les pendules à l’heure
Qui n’a jamais entendu de fines allusions au temps de travail des agents ? Le rapport Laurent (sur le temps de travail dans la fonction publique), remis en mai 2016, montre certes une différence de 100 heures par an en moins pour les agents publics par rapport au privé, mais il insiste sur la responsabilité de l’employeur : les dérogations aux 1607 heures légales ou « la journée du maire » ont le plus souvent été accordées en échange de modérations salariales ou de travail le week-end. Des contraintes spécifiques pèsent en outre sur certains agents, les astreintes par exemple.
Denis est agent de maîtrise, il travaille au conseil départemental de Saône-et-Loire. Son métier est de veiller au bon état d’un réseau routier dans un rayon de 30 km autour d’Autun. En cas d’accident, d’intempéries, de chute d’arbre, etc., il fait intervenir les personnels compétents. Pendant la période hivernale, il prend souvent son véhicule à 4h30 afin de coordonner le travail des déneigeuses.
Une fois par mois, il devient « patrouilleur » pendant une semaine, il est alors d’astreinte 24 heures sur 24 et peut cumuler jusqu’à 20 heures supplémentaires, au-delà des 35 heures hebdomadaires. « Cette nuit, j’ai été appelé à 3 heures à cause d’un accident de la route. Les pompiers, le Samu et les forces de l’ordre sont intervenus, il a fallu aménager la circulation. » Après une intervention de nuit, Denis enchaîne avec sa journée de travail habituelle.
Idée reçue n°5 : Les profs, toujours en vacances ?
Si les agents des collectivités locales sont souvent brocardés, les enseignants le sont encore plus. Cela a le don d’exaspérer Claire Bonhomme [photo ci-contre], professeure d’histoire-géographie depuis douze ans au lycée Jean-Baptiste Corot, dans l’Essonne. En tant qu’agrégée, elle doit assurer quinze heures de cours en classe, le service étant porté à dix-huit heures pour les enseignants titulaires du Capes. « Notre temps de travail ne se limite pas au temps passé en classe. Durant toute une année, j’ai noté mes heures sur un carnet, je suis arrivée à une moyenne de 43 heures par semaine, en comptant cinq semaines de vacances comme dans le privé.
La préparation des cours prend beaucoup de temps, nous les renouvelons lorsque nous changeons de niveau de classe, d’établissement, nous nous adaptons aux nouveaux programmes ou aux méthodes recommandées. La partie évaluation est incompressible, on ne peut pas corriger plus de six copies par heure pour un bac blanc par exemple, ce ne serait pas sérieux. Préparer et encadrer un voyage scolaire ou une sortie éducative sont aussi des activités chronophages. Sans parler de tous les à-côtés : échanger en salle des profs sur sa pratique pédagogique ; évoquer le cas d’un élève avec le proviseur ou le conseiller d’éducation ; donner des pistes aux élèves sur leur orientation ; monter un projet avec la documentation ; recevoir les parents… »
Idée reçue n°6 : Les fonctionnaires trop payés ?
La question est sensible à l’heure où le gouvernement recherche des économies tous azimuts. Tout d’abord, de quoi parle-t-on ? Les fonctionnaires sont-ils trop payés par rapport au secteur privé ou trop payés par rapport à leurs camarades des autres pays européens ? Le cas des enseignants est révélateur. Si leur rémunération se situe dans la moyenne française, ils font partie des plus mal payés en Europe, selon une étude de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). À pouvoir d’achat égal, seules la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, l’Estonie, la Slovaquie et la Grèce proposent une rémunération moindre.
Une queue de peloton particulièrement surprenante et incompréhensible.
Cet exemple montre la difficulté de « juger » le bon niveau de rémunération. Tout juste peut-on rappeler les statistiques globales en fonction des trois versants de la fonction publique. La rémunération mensuelle nette moyenne est de 2 660 euros dans la fonction publique d’État, de 1990 euros à la territoriale et de 2 320 euros à l’hospitalière. En comparaison, le salaire net moyen des salariés du privé tourne autour de 2 200 euros.
Seule certitude, le système de rémunération des fonctionnaires, évidemment plus encadré que dans le privé, a permis de limiter les écarts de salaires entre les agents contrairement aux dérives observées dans les entreprises privées.
Idée reçue n°7 : La précarité dans la fonction publique, ça n’existe pas
« Vacataire : Personne chargée d’une fonction précise pour une période limitée. » La définition sur le portail de la fonction publique est très claire. Les vacataires n’ont pas vocation à occuper des postes permanents.
Ils ne sont là que pour répondre à un besoin précis, isolé et identifiable.
Et pourtant. Dans les trois versants de la fonction publique et dans de nombreuses métropoles, des bataillons de personnes sans statut clairement défini – ni fonctionnaire ni agent contractuel de droit public – complètent durablement des effectifs en tension. Leur caractéristique ? Une précarité à laquelle les patrons les plus libéraux n’osent même pas rêver ! « Pendant deux ans, j’ai vécu avec le téléphone à portée de main au cas où on m’appellerait pour travailler », témoigne Anaïs [photo]. Entre 2013 et 2015, cette jeune femme de 29 ans a cumulé les petites missions dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour la Ville de Rennes. À la lingerie, en restauration, à l’entretien… « J’étais polyvalente », et très disponible. « Il m’arrivait de travailler six jours d’affilée puis d’enchaîner avec une seule journée la semaine suivante, se souvient-elle. Parfois, un besoin se manifestait le matin même dans une des maisons de retraite. » Après chaque appel, elle signait une lettre d’engagement en guise de contrat, avec très peu de garanties et des droits limités.
Une situation que connaît trop bien Julie. À 35 ans, cette infirmière occupe depuis 2013 un poste en Ehpad en alternant les vacations tout au long de l’année scolaire et les contrats à durée déterminée pour combler les absences des vacances d’été. « J’ai deux enfants, précise-t-elle. J’aimerais plus de stabilité et surtout pouvoir prendre mes vacances avec eux. » Une envie légitime contrariée par un statut qui n’ouvre aucun droit à congés payés. Pas plus qu’il ne permet de prétendre aux mêmes primes que ses collègues titulaires, au supplément familial, à la mutuelle… Ces cas ne sont malheureusement pas isolés. Combien sont-ils ? Difficile à dire. En plus d’être précaires, les vacataires sont très souvent absents des tableaux des effectifs de la fonction publique.
STOP AU FONCTIONNAIRE BASHING !
Ce sont eux qui nous protègent, nous soignent, éduquent nos enfants. Les agents publics sont une richesse, et la réforme annoncée ne doit se faire ni contre eux ni sans eux.
La vraie vie des fonctionnaires
Accuser les fonctionnaires de tous les maux semble être un sport national. Il est temps de corriger des visions erronées et de rendre justice à ces professionnels motivés, animés par le sens du service public.
Les fonctionnaires sont trop nombreux, ils coûtent cher, ne servent pas à grand-chose et bénéficient d’un statut qui leur assure un emploi à vie… C’est ce que les principaux intéressés ont pu lire entre les lignes des mesures annoncées le 1er février par Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Un plan de départs volontaires, la rémunération au mérite, un recours accru aux contractuels, des instances de représentation du personnel fusionnées permettraient de parer la fonction publique de toutes les vertus supposées du privé : productivité, agilité, flexibilité. Il y a là de quoi creuser un peu plus l’abîme d’incompréhension qui semble grandir entre l’employeur public et les agents, alors que la colère monte dans les hôpitaux, les Ehpad ou les prisons. « Nous n’avons pas le sentiment d’être soutenus par notre employeur, l’État, quand ses représentants véhiculent une image aussi péjorative des fonctionnaires », commentait Alain Rei, directeur d’école, lors d’un échange organisé autour de la présentation du livre L’Autre Trésor public [lire p. 21], un ouvrage collectif coédité par la CFDT-Fonctions publiques. « Le discours punitif à l’égard des fonctionnaires vise à plaire à l’opinion publique, regrette Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale CFDT responsable de la fonction publique. Il est paradoxal de tenir des propos aussi démotivants quand on gère les ressources humaines d’un pays, aucun manager d’entreprise privée n’aurait cette attitude. »
Les mesures annoncées, outre qu’elles abordent la réforme de l’action publique sous le seul angle budgétaire sans poser au préalable la question des finalités, dénotent une vision fantasmée d’une fonction publique monolithique et poussiéreuse. La réalité est bien plus complexe. La fonction publique dans ses trois versants, hospitalière, État et territoriale, est un monde du travail à part entière avec ses 5,6 millions de travailleurs exerçant de multiples métiers. Loin de l’employé aux écritures de Courteline, qui hante encore l’imaginaire collectif, l’agent public est aujourd’hui informaticien, ouvrier, cuisinier, contrôleur de gestion, chauffagiste, juriste, acheteur, ingénieur… le tout se déclinant largement au féminin, puisque la fonction publique compte 62 % de femmes.
Ces professionnels n’ont pas tous le statut de fonctionnaire. Plus de 20 % d’entre eux sont des contractuels, de droit public ou privé. Ils cumulent les CDD dans la limite de six ans au terme desquels ils peuvent se voir proposer un CDI, ou pas. La précarité existe bel et bien dans la fonction publique, dans la territoriale particulièrement, où elle touche un nombre élevé de femmes occupant des emplois peu qualifiés en CDD et à temps partiel subi. « Les contrats très courts se généralisent, les agents d’entretien dans les écoles, par exemple, sont embauchés pour trois mois sur des contrats qui prennent fin avant le début des vacances », constate Claire Le Calonnec, secrétaire générale de la Fédération CFDT-Interco.
Un statut assorti d’obligations
Quant au statut, que le gouvernement souhaite aujourd’hui « assouplir », il peut en effet sembler enviable, surtout dans un contexte de chômage persistant. Mais le statut général, révisé en 1983, est assorti d’obligations qui garantissent l’égalité d’accès aux services publics pour tous les citoyens. Les policiers et les enseignants souvent affectés loin de chez eux ou dans des régions peu attractives, où d’ailleurs les entreprises privées peinent à recruter, en savent quelque chose. Le fonctionnaire n’est pas titulaire de son emploi, mais de son grade, c’est-à-dire de sa place dans la hiérarchie. Il est à la merci d’une restructuration qui l’amènera à changer de service, d’établissement, voire de région.
Et c’est assez fréquent. Contrairement aux préjugés, la fonction publique n’est pas figée dans l’immobilisme. « Les services publics se réorganisent en permanence, les agents ont vécu la réforme de la carte judiciaire, la fusion des collectivités locales, des régions, des agences régionales de santé, les regroupements hospitaliers… chaque année, les effectifs s’adaptent aux fermetures et ouvertures d’écoles, et c’est bien l’existence du statut qui permet cette souplesse, plaide Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques. La transition numérique, dont on parle beaucoup dans le secteur des banques, a été mise en œuvre sans bruit et avec succès par les services des finances publiques, la déclaration en ligne existe depuis vingt ans. Cela fait partie de la culture du service public de s’adapter aux besoins de la population et d’innover. »
Les agents se prêtent à ces transformations et font preuve d’un fort engagement professionnel malgré le peu de reconnaissance qu’ils reçoivent de leur employeur. Cela transparaît dans les résultats de l’enquête de la CFDT Parlons travail. Les agents publics sont 80 % à déclarer « aimer [leur] travail » (75 % dans le privé), mais 50 % à dire « aimer [leur] administration » contre 63 % de salariés du privé qui affirment « aimer [leur] entreprise ». Cela indique une crise de confiance que l’employeur public, en bon manager, ne devrait pas négliger.
©Soudan E/Alapca/Andia.fr
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