Simplification
Ça y est, nous y sommes :
depuis notre article de vendredi (*) , le principe selon lequel « le silence vaut acceptation »
s'appliquera aux décisions des collectivités, sauf exceptions. Une
réforme de simplification… qui porte mal son nom.
Annoncée en mai 2013 par le président de la République, à
l’occasion d’une conférence de presse, la réforme du « silence vaut
acceptation », présentée comme une mesure de simplification des
relations entre les usagers et l’administration, est devenue loi
(n°2013-1005) par voie d’amendement en 2013. Mais, comme s’il était
conscient de la complexité de l’application d’une telle réforme, le
législateur a prévu une mise en vigueur échelonnée en donnant la primeur
aux décisions de l’Etat. Ainsi, depuis près d’un an, le silence de
l’Etat, mais aussi celui des autorités locales lorsqu’elles agissent au
nom de l’Etat, vaut acceptation… sauf exceptions. Et elles sont
nombreuses. Outre les cinq exceptions prévues par la loi, un train de
42 décrets a complexifié la donne en énumérant 2 400 exceptions ! « Ce
qui réduit complètement la portée de la réforme », ironise l’avocat
spécialiste du droit des collectivités, Yvon Goutal.
Le texte énonce que « le silence gardé par l’administration durant deux mois vaudra rejet au 12 novembre pour les demandes présentées par un ayant droit ou un ayant cause d’un agent public et celles relatives aux procédures d’accès aux emplois publics des autorités territoriales et leurs établissements publics ».
Quant aux trois autres décrets, publiés le jour de l’entrée en vigueur de la réforme, leur application est un vrai casse-tête. Sont ainsi prévues 71 procédures d’exclusion au principe fondées sur « le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle, et la sauvegarde de l’ordre public » ; 40 procédures pour lesquelles le silence vaut rejet pour « des motifs tenant à l’objet de la décision ou de bonne administration » et 23 procédures administratives pour lesquelles le délai à l’issue duquel le silence de l’administration vaut acceptation est différent du délai de droit commun de deux mois. Beaucoup moins que les exceptions applicables aux décisions étatiques donc.
Christophe Bernard, secrétaire général de l’Assemblée des communautés de France - qui a été consultée pour les trois projets de décrets -, déplore que certaines procédures n’aient pas été inscrites dans les décrets : « Notre inquiétude concerne notamment le pouvoir réglementaire local, on s’interroge sur la gestion tant au niveau des demandes d’inscription à des créneaux d’horaire pour une patinoire qu’aux demandes de logement. » Et cette association n’est pas la seule à s’inquiéter. Anne Rinnert, responsable du pôle « citoyenneté et affaires juridiques » du Centre national de la FPT, chargée de l’organisation des 6èmes rencontres juridiques des collectivités territoriales à Pantin (qui ont eu lieu les 4 et 5 novembre), précise que « cette session a ouvert sur cette thématique afin de préparer les juristes à cette réforme ».
L’autre grande inquiétude des juristes est la multiplication des décisions illégales prises involontairement par l’administration. En effet, si cette dernière laisse passer le délai, une autorisation créatrice de droits que l’administré n’aurait pas dû avoir va produire ses effets juridiques. Et ce, parfois, en toute illégalité. « Le risque contentieux est important, explique Yvon Goutal, puisque la collectivité peut se retrouver avec une annulation de la décision et voir sa responsabilité engagée pour carence. »
Alors, que faire quand l’expiration du délai approche et que la décision n’est toujours pas tranchée ? Faut-il envoyer un courrier de rejet ou une autorisation à tort, puis la retirer ? « Attention à la solution du retrait, alerte l’avocat, celui-ci ne peut se faire que sur une décision illégale - et pas seulement inopportune - et le choix de retirer à tort amène le risque d’engager sa responsabilité, donc, peut présenter un coût financier pour la collectivité. »
Face à de tels risques, la collectivité doit trouver des solutions pragmatiques, notamment, en réorganisant toute la chaîne du circuit interne entrant du courrier papier et internet. Car, pour les demandes dématérialisées, par exemple, comment être assuré que les courriers reçus dans une boîte mail d’un agent en vacances seront consultés dans les délais ?
En période de restriction budgétaire, toutes les collectivités ne vont pas être armées de manière égale. « Les grandes collectivités pourront organiser des procédures nouvelles de gestion des demandes, les petites pourront réagir face à peu de demandes, mais les collectivités moyennes pourraient avoir à faire face à des difficultés organisationnelles et juridiques », déplore Anne Rinnert. Enfin, les formations des agents et, surtout, ceux affectés au service « courrier » devront être développées car ces derniers, souvent de catégorie C, vont devoir acquérir de nouvelles compétences : savoir quelle procédure s’applique, c’est savoir de quel acte il s’agit. L’occasion peut-être de vraiment repenser les relations usagers-administration ?
Casse-tête en vue
A portée limitée ou pas, cette réforme rentre bien en vigueur pour les décisions des collectivités le 12 novembre. Ainsi, à partir de cette date, le silence gardé pendant deux mois par une collectivité vaut, par principe, acceptation de sa part. Mais les collectivités s’inquiètent : comment appliquer une telle réforme sans connaître à l’avance les exceptions applicables ? Car, seul un décret dans le domaine de la territoriale a été publié en amont, au « Journal officiel » du 17 septembre.Le texte énonce que « le silence gardé par l’administration durant deux mois vaudra rejet au 12 novembre pour les demandes présentées par un ayant droit ou un ayant cause d’un agent public et celles relatives aux procédures d’accès aux emplois publics des autorités territoriales et leurs établissements publics ».
Quant aux trois autres décrets, publiés le jour de l’entrée en vigueur de la réforme, leur application est un vrai casse-tête. Sont ainsi prévues 71 procédures d’exclusion au principe fondées sur « le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle, et la sauvegarde de l’ordre public » ; 40 procédures pour lesquelles le silence vaut rejet pour « des motifs tenant à l’objet de la décision ou de bonne administration » et 23 procédures administratives pour lesquelles le délai à l’issue duquel le silence de l’administration vaut acceptation est différent du délai de droit commun de deux mois. Beaucoup moins que les exceptions applicables aux décisions étatiques donc.
Christophe Bernard, secrétaire général de l’Assemblée des communautés de France - qui a été consultée pour les trois projets de décrets -, déplore que certaines procédures n’aient pas été inscrites dans les décrets : « Notre inquiétude concerne notamment le pouvoir réglementaire local, on s’interroge sur la gestion tant au niveau des demandes d’inscription à des créneaux d’horaire pour une patinoire qu’aux demandes de logement. » Et cette association n’est pas la seule à s’inquiéter. Anne Rinnert, responsable du pôle « citoyenneté et affaires juridiques » du Centre national de la FPT, chargée de l’organisation des 6èmes rencontres juridiques des collectivités territoriales à Pantin (qui ont eu lieu les 4 et 5 novembre), précise que « cette session a ouvert sur cette thématique afin de préparer les juristes à cette réforme ».
Risques contentieux
Selon Anne Rinnert, « la complexité de cette réforme est double car il faut expliquer la réforme (et ses exceptions) aux agents afin qu’ils puissent la mettre en œuvre, mais aussi communiquer auprès des usagers pour éviter les situations de confusion : croire avoir une autorisation alors que l’on ne l’a pas ou, a contrario, penser à tort que l’on n’a pas le feu vert ».L’autre grande inquiétude des juristes est la multiplication des décisions illégales prises involontairement par l’administration. En effet, si cette dernière laisse passer le délai, une autorisation créatrice de droits que l’administré n’aurait pas dû avoir va produire ses effets juridiques. Et ce, parfois, en toute illégalité. « Le risque contentieux est important, explique Yvon Goutal, puisque la collectivité peut se retrouver avec une annulation de la décision et voir sa responsabilité engagée pour carence. »
Alors, que faire quand l’expiration du délai approche et que la décision n’est toujours pas tranchée ? Faut-il envoyer un courrier de rejet ou une autorisation à tort, puis la retirer ? « Attention à la solution du retrait, alerte l’avocat, celui-ci ne peut se faire que sur une décision illégale - et pas seulement inopportune - et le choix de retirer à tort amène le risque d’engager sa responsabilité, donc, peut présenter un coût financier pour la collectivité. »
Face à de tels risques, la collectivité doit trouver des solutions pragmatiques, notamment, en réorganisant toute la chaîne du circuit interne entrant du courrier papier et internet. Car, pour les demandes dématérialisées, par exemple, comment être assuré que les courriers reçus dans une boîte mail d’un agent en vacances seront consultés dans les délais ?
Capacités de réaction
« La centralisation du courrier électronique peut être une solution à envisager, tout comme la généralisation de l’envoi d’un email accusant lecture des demandes », conseille Yvon Goutal.En période de restriction budgétaire, toutes les collectivités ne vont pas être armées de manière égale. « Les grandes collectivités pourront organiser des procédures nouvelles de gestion des demandes, les petites pourront réagir face à peu de demandes, mais les collectivités moyennes pourraient avoir à faire face à des difficultés organisationnelles et juridiques », déplore Anne Rinnert. Enfin, les formations des agents et, surtout, ceux affectés au service « courrier » devront être développées car ces derniers, souvent de catégorie C, vont devoir acquérir de nouvelles compétences : savoir quelle procédure s’applique, c’est savoir de quel acte il s’agit. L’occasion peut-être de vraiment repenser les relations usagers-administration ?
Focus
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