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Elle avait fière allure la DS de Gaston Defferre, avalant l'asphalte du tunnel du Vieux-Port lors de son inauguration en 1967. A ses côtés se trouvait Georges Lacroix, directeur général des services techniques de la Ville et ingénieur des ponts et chaussées, qui a dirigé les travaux durant trente-cinq mois. Lors de son décès la semaine dernière, Jean-Claude Gaudin a tenu à rendre hommage à "ce Marseillais qui a fait beaucoup au service de sa ville". Ce haut fonctionnaire est "notamment à l'origine du percement du tunnel du Vieux-Port".
En réalité, l'expression du maire est à moitié vraie. Si ce tunnel a bien été percé dans deux extrémités, la partie centrale a été immergée à partir de tronçons flottants. C'est un des premiers tunnels au monde élaborés suivant cette technique.
30 secondes sous la mer
"Les collectivités et administrations intéressées vont avoir à faire face à des travaux d'une ampleur jusqu'ici inconnue en site urbain", annonçait Georges Lacroix dans le dossier de présentation des travaux en 1964. Il avait pour principale tâche de construire un tunnel automobile sous-marin reliant la cathédrale de la Major au fort Saint-Jean. La distance n'est pas très importante, moins de 300 mètres, mais ce genre d'aménagement n'est pas courant à l'époque. Il opte pour un tunnel immergé, composé de tronçons préfabriqués plongés dans l'eau et assemblés une fois au fond.
Ce tunnel ne doit pas non plus entraver la circulation du port, c'est pourquoi Lacroix impose la contrainte de maintenir une profondeur de 7 mètres au-dessus du toit de l'ouvrage. Il "devrait résister dans le cas accidentel où il serait envahi par l'eau et également au cas, à vrai dire fort improbable, où le plus gros navire pouvant entrer dans le Vieux-Port viendrait s'échouer sur le toit du tunnel", explique le dossier technique que MPM a conservé dans ses archives.
L'ingénieur imagine alors un tunnel composé de six caissons de 45 mètres chacun, "préfabriqués dans le bassin de carénage aménagé en cale de construction", comme l'annonce le dossier de présentation de l'époque. En réalité, ces pièces ne pèsent que 4,46 tonnes chacune. Les parois sont relativement fines, formées d'une tôle de 0,4 cm d'épaisseur, recouverte de 10 cm de béton.
Flotteurs
Jusque là, un tunnel sous la mer, rien de très impressionnant. L'anecdote historique prend des airs mythiques quand on découvre la manière dont les caissons ont été installés. Ils ont été déplacés comme des glaçons flottant dans l'eau. En effet, les deux extrémités étant temporairement obstruées, ces pièces flottaient. Après avoir été placées rigoureusement dans l'axe, il a donc fallu les lester pour qu'elles rejoignent le sol. Les tronçons sont ainsi "immergés dans une fouille préalablement draguée et reposent sur des appuis constitués de poutres préfabriquées en béton légèrement armé". Ils ont ensuite été assemblés avec des "profilés en caoutchouc naturel en forme d'anneau" pour l'étanchéité, tout cela avec l'aide de scaphandriers. Ci-dessous, le schéma de l'époque, tracé à la main.
En 2011, le tunnel a été entièrement rénové avec notamment un désamiantage complet et une mise aux normes. S'il compte toujours deux fois deux voies, il n'a plus la même envergure qu'à l'époque de Defferre. Au journaliste de la télé qui l'interroge, le maire illustre se fait visionnaire.
Le pont transbordeur, c'est fini. Maintenant nous devonsregarder vers l'avenir, c'est-à-dire vers les liaisons routières qui permettront d'aller de l'autoroute Nord jusqu'à l'autoroute Est en passant par une voie supérieure jusqu'à l'entrée du tunnel du Vieux-Port ensuite par le tunnel du Carénage au Prado dont les travaux vont commencer. Les crédits sont obtenus.
Defferre se montrait plus qu'optimiste. En fait, le tunnel Prado Carénage n'a été inauguré qu'en 1993. Ce très long chantier a valu une condamnation à deux de ses anciens adjoints. En revanche, soixante ans plus tard, avec la L2 et le tunnel Prado Sud, la vision defferriste de Marseille n'a pas totalement disparue. A l'heure des modes doux et de la fin du tout voiture, on parie encore sur les grands axes autoroutiers.
Et, pour finir, le document technique d'époque :
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