Energie, Production d'énergie, Risques & Santé, Santé publique, Sites et sols naturels, Politique & Société, Recherche, Entreprises, Politique
La fracturation à l'eau est presque la seule technique utilisée dans le monde
La «Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux» a été officiellement créée par décret jeudi 22 mars, soulevant un tollé parmi les ONG écologistes. Sa mission est d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives, précise le décret.
Cette commission a été prévue par la loi du 13 juillet 2011 par laquelle la France interdit d'explorer et d'exploiter les gaz et huiles de schiste par la technique de la fracturation hydraulique.
Elle sera composée de 21 membres titulaires, dont cinq représentants de l'Etat, un député et un sénateur, trois représentants des collectivités locales - un représentant de l’association des maires de France, un des conseils généraux et un des conseils régionaux - et douze membres nommés par les ministères des mines, de l’industrie, de l’énergie et de l’écologie incluant trois représentants d'associations «agréées pour la protection de l’environnement», trois des entreprises des secteurs gazier et pétrolier, trois représentants des personnels de ces industries et trois personnalités scientifiques. Des membres qui seront nommés pour trois ans mais pas avant les prochaines échéances électorales, selon les sources du JDLE. Ils devraient se réunir au moins deux fois par an et exerceront leurs fonctions à titre gratuit, selon le décret.
Une dizaine d'ONG, du réseau Sortir du Nucléaire à ATTAC en passant par Greenpeace, les Amis de la Terre et France Libertés entre autres, ont dénoncé aujourd’hui «l'hypocrisie du gouvernement qui contourne en douce une interdiction mise en scène à travers la loi». Les écologistes mettent en doute la nécessité d'une évaluation par une telle commission alors que tant d'études scientifiques indépendantes démontrent de manière certaine la dangerosité de la fracturation hydraulique. Ils s'interrogent également sur l'équilibre des forces au sein du nouvel organe où ne siégeront que trois représentants d'associations de protection de l'environnement et dont les personnalités scientifiques seront choisies par le gouvernement.
Très attendu, le rapport complémentaire de la mission interministérielle lancée le 4 février 2011 et prolongée en août dernier, a été publié aujourd’hui par les ministères de l’écologie et de l’énergie. Il porte sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des gaz et huiles de schiste. Une mission complétée pour passer en revue l’ensemble des techniques disponibles, évaluer leur efficacité, mieux qualifier le potentiel économique que pourrait générer l’exploitation, en France, des gaz et huiles de schiste et proposer un cadre organisationnel et juridique des expérimentations des différentes techniques d’exploration et exploitation.
En introduction, les rapporteurs jugent «qu’il serait dommageable, pour l’économie nationale et pour l’emploi, que notre pays aille jusqu’à s’interdire, sans pour autant préjuger des suites qu’il entend y donner, de disposer d’une évaluation approfondie de la richesse potentielle. Accepter de rester dans l’ignorance d’un éventuel potentiel ne serait cohérent ni avec les objectifs de la loi POPE (loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique), ni avec le principe de précaution. Mais, pour ce faire, il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration».
La mission explore d’abord les technologies alternatives à la fracturation hydraulique. Elle remarque que dans ses échanges avec des experts industriels étrangers ou avec les autorités administratives polonaises, aucun interlocuteur n’a évoqué l’utilisation dans un futur proche d’autres technologies que la fracturation hydraulique. «L’essentiel des travaux portent sur l’amélioration de la technologie – réduction de la consommation d’eau, additifs, empreinte au sol, bruit, etc. – plutôt que sur d’éventuelles technologies alternatives.»
La mission insiste donc sur l’importance de la qualité des forages, de leur cimentation et de leur tubage. Les rapporteurs évoquent le monitoring microsismique, la réduction de la consommation d’eau, le contrôle des fuites de méthane ou la réduction des additifs comme des éléments importants dans la qualité des forages, avant de faire l’effort de passer en revue les techniques alternatives…
Comme la fracturation hydraulique au propane par exemple. Technique, dont les avantages sont nombreux : pas d’eau nécessaire, absence de remontées de polluants (hormis du radon), et des «temps de clean-up du forage réduits». Mais elle possède un désavantage majeur : l’inflammabilité du propane ! Si plus de 1.000 forages ont utilisé cette technique à ce jour, «les problèmes de sûreté des installations de surface empêchent d’envisager une diffusion significative de la technique à l’échelle internationale», note le rapport.
Quant à l’électro-fracturation, la technique est utilisée pour améliorer la perméabilité de la roche en envoyant un train d’ondes acoustiques générées par une série de décharges électriques. Total a déposé, en mars 2011, deux brevets relatifs à cette technique qui reste donc «au stade de la R&D» selon les services ministériels. La mission évoque la question de la source d’énergie qui peut être un handicap dans certaines régions.
Avec un million de puits forés et 2 millions de fracturation hydrauliques menées, les Etats-Unis possèdent «une expérience accumulée significative ». Le rapport relève deux cas de séismes aux Etats-Unis : un d’une magnitude de 2,8 en janvier 2011 dans l’Oklahoma et un autre de magnitude 4 en janvier 2012 dans l’Ohio. « La sismicité induite reste une question qu’il fait examiner a priori.» Deux phénomènes sont alors évoqués par la mission : la fracturation hydraulique elle-même et la réinjection importante des eaux remontées à la surface après fracturation.
En conclusion des techniques, la mission estime que seule une combinaison innovante de techniques déjà éprouvées dans les forages conventionnels permet de rendre la production de gaz et huile de schiste rentable. «Aucune technologie alternative n’est soit mature, soit adaptée à ce type de production».
En ce qui concerne les réserves françaises en hydrocarbures non conventionnels, la mission estime qu’il faut se donner «les moyens de disposer rapidement d’une évaluation de la réserve basée sur des forages in situ pour mieux apprécier la géologie des bassins». Les différents bassins français sont très variés de par leur géologie mais aussi leurs enjeux environnementaux. Pour les gaz de schiste, situées dans des zones moins explorées, avec des géologies plus tourmentées, l’acquisition des connaissances est plus complexe, précisent les rapporteurs. Pour les huiles de schiste du Bassin parisien, les connaissances de la ressource semblent être plus précises mais la mission mentionne que des forages vont être réalisés dans les prochains mois.
Les rapporteurs proposent d’utiliser éventuellement l’eau non potable du Dogger dans le bassin parisien pour la fracturation hydraulique.
Dans le sud de la France, une étude hydrogéologique est envisagée, focalisée sur un bilan ressource versus utilisation, vulnérabilité.
Les premiers travaux dépassant le cadre bibliographique porteraient sur un recueil de données physiques du sous-sol par le biais de carottages et de mesures sur des puits selon des méthodes conventionnelles. La mission envisage de les débuter à partir du second semestre 2012.
La France, centre de formation pour experts en gaz de schiste ? La mission envisage la mutualisation des moyens au niveau européen, pour construire «un socle d’experts européens puisque la France dispose d’une compétence reconnue.» Et la mission d’ajouter : «Il y a au niveau des administrations chargées du contrôle des opérations de terrain un besoin de compétences.» Les Polonais vont semble-t-il suivre des stages aux Etats-Unis.
Enfin, la possibilité de mettre en place un partenariat entre la France et la Pologne pour faire progresser la connaissance en Europe est clairement présentée en conclusion du rapport.
«Ne pas aller trop vite ni trop lentement ». Les prochains mois seront donc décisifs pour faire progresser la sécurité et adapter les réglementations notent les rapporteurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire